Les saints Anges gardiens

Textes de référence


« Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits, car je vous le dis, leurs anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux. »
(Mt 18, 10)





  Pierre Angély

"Les Anges dans le monde" - Extraits de la revue L'Ange Gardien, 1897-1900.

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L'échelle mystérieuse de Jacob

Esaü avait vu s'évanouir, au profit de son frère, l'espérance de la bénédiction et l'héritage paternel. Cette bénédiction lui échappait à l'heure même où le vieil Isaac allait la répandre sur lui. Sa déconvenue fut grande, et violente sa colère. « Le temps de la mort de mon père arrivera bientôt, et alors, dit-il, je tuerai mon frère. » Ces propos vinrent aux oreilles de Rébecca. Elle appela Jacob.
« Votre frère Esaü menace de vous tuer. Croyez-moi, hâtez-vous de vous retirer chez mon frère Laban, qui est à Haran. Vous demeurerez là jusqu'à ce que la colère d'Esaü soit apaisée. Alors, je vous manderai de revenir. »
Rébecca vint ensuite à Isaac. « La vie m'est devenue bien dure à cause de ces filles de Chanaan qu'Esaü a épousées. Je ne vivrais plus, si Jacob épousait une fille de ce pays-là... » Et Isaac appela Jacob.
« Mon fils, dit-il, ne prenez pas femme parmi les filles de Chanaan, mais allez en Mésopotamie de Syrie, en la maison de Bathuel, père de votre mère, et là, choisissez-vous une épouse parmi les enfants de votre oncle Laban. Que le Dieu tout-puissant vous bénisse ! Qu'il accroisse et multiplie votre race. Que vous soyez le chef de plusieurs peuples. Qu'il vous donne, et à votre postérité après vous, les bénédictions promises à votre aïeul Abraham ! »
Sans retard, Jacob prit congé de son père et de sa mère, et en hâte s'achemina vers la Mésopotamie. Il était déjà à quatre journées de marche de Bersabée.
Au coucher du soleil, il s'arrêta pour se reposer. Il choisit une pierre, la mit sous sa tête et s'endormit.
Alors, il vit en songe une échelle mystérieuse dont le pied était appuyé sur la terre, et dont le faîte touchait les cieux. Sur les degrés de l'échelle, montaient et descendaient les Anges de Dieu. Et au sommet de l'échelle était le Seigneur qui lui dit :
« Je suis le Seigneur, le Dieu d'Abraham et d'Isaac. Votre postérité sera comme la poussière de la terre ; vous vous étendrez à l'orient et à l'occident, au septentrion et au midi ; toutes les nations de la terre seront bénies en vous et dans Celui qui sortira de vous. Je serai votre protecteur partout où vous irez. Je vous ramènerai dans ce pays, et je ne vous quitterai point que je n'aie accompli tout ce que j'ai dit… »
Jacob s'éveilla. « Le Seigneur est vraiment dans ce lieu et je l'ignorais ! »
Et tout effrayé, il ajouta : « Que ce lieu est terrible. C'est vraiment la maison de Dieu et la porte du ciel ! »
Au matin, il se leva, prit la pierre qu'il avait mise sous sa tête et l'érigea comme un monument, la consacrant avec de l'huile. Et il appela Bethel ce lieu qui auparavant s'appelait Luza.
Et il fit en même temps ce vœu : « Si Dieu demeure avec moi et me protège dans le chemin où je marche ; s'il me donne du pain pour me nourrir et des vêtements pour me vêtir ; si je retourne heureusement dans la maison de mon père, le Seigneur sera mon Dieu. Et cette pierre que j'ai dressée comme un monument s'appellera la maison de Dieu, et je vous offrirai, Seigneur, la dîme de ce que vous m'aurez donné !... »

L'Ange Gardien – Juillet 1898 – pp.75-77


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Jacob chez Laban - Intervention des Anges

Encouragé par la vision divine, guidé par les Anges, Jacob, d'un pied allègre, reprit sa route vers la terre orientale. Il avait marché longtemps, lorsque, arrivant dans un champ, il découvrit un puits. Trois troupeaux se reposaient auprès. L'orifice du puits était fermé par une grosse pierre.
Tous les jours, cette pierre était soulevée lorsque les troupeaux étaient réunis, et, les troupeaux désaltérés, elle était replacée pour refermer le puits.
Et Jacob dit aux pasteurs :
- Frères, d'où êtes-vous ?
- De Haran, répondirent-ils.
- Ne connaîtriez-vous pas Laban, fils de Nachor ?
- Assurément nous le connaissons.
- Est-il en bonne santé ?
- Il se porte bien et voici Rachel, sa fille qui vient avec son troupeau.
Et Jacob ajouta : Le jour ne baisse point encore, le moment n'est pas venu de reconduire les troupeaux à la bergerie, abreuvez-les, et les ramenez au pâturage.
- Nous ne pouvons les abreuver que tous ne soient réunis. Alors seulement la pierre est soulevée, et tous boivent en même temps...
Ils parlaient encore lorsqu'arriva Rachel avec les brebis de son père ; car elle-même menait paître le troupeau.
Jacob l'apercevant souleva aussitôt la pierre qui fermait le puits, et ayant abreuvé son troupeau, se fit connaître d'elle et la baisa avec une profonde émotion. Rachel aussitôt courut l'annoncer à son père. Laban, apprenant l'arrivée du fils de sa sœur, vint en hâte au-devant de lui, et l'ayant embrassé avec toutes les démonstrations de la joie la plus vive, 1'introduisit dans sa maison…

Jacob a passé vingt ans auprès de son oncle Laban. Il a pris soin des intérêts de son oncle sans oublier les siens propres. Ses troupeaux ont prospéré, ses serviteurs sont nombreux. Successivement, il a épousé Lia et Rachel, ses cousines. Dieu permettait alors ces mariages. De ce double mariage sont nés de nombreux enfants, et, père prévoyant, Jacob a le légitime souci d'assurer l'avenir de cette famille nombreuse et bénie de Dieu.
Le souvenir de la patrie absente hante sa pensée durant le jour et ses rêves durant la nuit. L'Ange de Dieu lui apparaît en songe ; et, par la voix de l'Ange, Dieu lui parle :
« Je suis, dit-il, le Dieu de Béthel où vous avez oint la pierre, et où vous m'avez fait un vœu. Sortez promptement de cette terre et retournez au pays de votre naissance. »
Jacob mande sans retard Rachel et Lia qui étaient aux champs où paissaient ses troupeaux ; il leur expose la situation du moment, l'injustice de leur père, la jalousie de leurs frères, enfin l'ordre du Seigneur.
Rachel et Lia consultées acquiescent à son sentiment ; approuvent la pensée d'un départ immédiat. Les chameaux sont prêts pour porter les femmes et les enfants.
Emmenant avec lui ses troupeaux, tout ce qu'il avait acquis en Mésopotamie, sans prendre congé de Laban, il se met en chemin.

Averti le troisième jour de ce départ furtif, Laban prit avec lui ses amis, et, après une poursuite de sept jours, rejoignit les fugitifs aux monts de Galaad. II allait peut-être assouvir sa colère ; mais Dieu lui apparut en songe et lui dit : « Prenez garde de ne rien dire d'offensant à Jacob. »
Jacob et Laban prenaient contact. Explications données de part et d'autre, l'amitié était scellée par un véritable traité, qu'un monument élevé aussitôt devait rappeler aux deux contractants et à leur postérité. Le monument était consacré par le sacrifice.
Les deux familles partagèrent le même repas. Le lendemain avant le jour, Laban se leva, embrassa ses fils, et ses filles, les bénit et reprit le chemin de sa demeure.

L'Ange Gardien – Août 1898 – pp.111-114


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Retour de Jacob en Chanaan

A l'horizon, dans l'indécise lumière du jour naissant, disparaissaient les silhouettes confuses de Laban et de ses compagnons. Jacob avait échappé à ce premier danger ; mais n'était-ce point pour retomber dans un plus grand encore ? Il continue sa route cependant, fort inquiet, car il ne sait quel accueil lui garde Esaü.
Comme ils sont venus à lui pour le soustraire à la vengeance de Laban, les Anges de Dieu lui apparaissent encore : il appelle le lieu où il les a vus : Mahanaim, c'est-à-dire, le camp des armées du Seigneur. Sans doute, alors les Anges lui donnent de nouveau leurs conseils, lui indiquent sa ligne de conduite à l'égard de son frère, car aussitôt il reprend courage et il envoie des messagers fidèles donner avis de son arrivée à Esaü qui était alors en la terre de Séir, au pays d'Edom.
Voici, leur dit-il, comment vous parlerez à Esaü :
« Mon seigneur Jacob, votre frère, vous envoie dire ceci : J'ai demeuré comme étranger dans la terre de Mésopotamie et j'y ai été jusqu'à ce jour. J'ai des bœufs, des ânesses, des brebis, des serviteurs et des servantes, et j'envoie vers mon seigneur, afin que je trouve grâce devant lui... »
Les envoyés revinrent bientôt en toute hâte : « Nous sommes allés, dirent-ils, vers votre frère Esaü et le voici qui vient au-devant de vous avec quatre cents hommes armés. »

Jacob est effrayé, et, dans sa crainte, il divise en deux groupes tous ceux qui sont avec lui, et aussi les troupeaux, les brebis, les bœufs et les chameaux, se disant : « Si Esaü vient à attaquer une des troupes, celle qui restera sera sauvée. »
A ces précautions, dictées par la prudence humaine, il ajoute le secours de Dieu, il prie : « Seigneur, qui m'avez dit : « Retournez en votre pays et au lieu de votre naissance, et je vous comblerai de mes bénédictions », je suis indigne de vos miséricordes et de la vérité que vous avez gardée envers votre serviteur. J'ai passé ce fleuve du Jourdain n'ayant qu'un bâton, et je reviens avec cette suite nombreuse. Délivrez-moi maintenant de la main de mon frère Esaü, je crains qu'à mon arrivée, il ne frappe tout, les mères et les enfants. Ne m'avez-vous pas promis de me combler de biens et de multiplier ma race comme les grains de sable de la mer ? »
Après avoir passé la nuit en ce même lieu, Jacob séparait en divers groupes tout ce qu'il destinait à son frère Esaü, et il envoyait chacun de ces groupes sous la conduite de ses serviteurs, avec cette recommandation : « Marchez devant moi, et qu'il y ait toujours une certaine distance entre un troupeau et l'autre. »
Et à celui qui marchait le premier : « Si vous rencontrez Esaü, mon frère, et qu'il vous demande : « A qui êtes-vous ? » ou bien : « Où allez-vous ? » ou bien encore : « A qui sont ces bêtes que vous menez ? » vous lui répondrez aussitôt : « Elles sont à Jacob, votre serviteur, qui les envoie en présent à mon seigneur Esaü. II vient lui-même après nous. »
Il donne les mêmes ordres au second, au troisième, à tous ceux qui conduisaient les troupeaux.
Jacob disait : « Je couvrirai sa face de présents, j'apaiserai ainsi mon frère, et après, quand je le verrai, peut-être me regardera-t-il favorablement. »
Les présents précédèrent Jacob, mais pour lui, il demeura pendant cette nuit dans son camp. S'étant levé de grand matin, il prit Lia et Rachel avec leurs servantes, avec ses onze fils, et leur fit passer le torrent de Jabok, à un endroit appelé depuis le gué de Jacob.
II demeura seul sur la rive opposée.
C'est là que pendant la nuit, un Ange lui apparut encore, pour lui confirmer de la part de Dieu, dans une scène mystérieuse, quelle glorieuse mission il avait à remplir sur la terre.

L'Ange Gardien – Septembre 1898 – pp.147-149


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Jacob lutte avec l'Ange

Jacob était demeuré seul sur la rive gauche du torrent. Un inconnu parut alors qui lutta avec lui jusqu'au matin, et qui, tout à coup, pour lui faire connaître ce qu'il était, lui toucha le nerf de la cuisse, et cette cuisse se dessécha aussitôt. Puis il dit à Jacob : « Laisse-moi aller, car voilà l'aurore. »
Jacob reconnaissant alors qu'il avait lutté contre un Ange, répondit : « Je ne vous laisserai point aller que vous ne m'ayez béni. »
L'Ange l'interpella encore : « Quel est ton nom ? - Je m'appelle Jacob.
- Désormais, tu ne t'appelleras plus Jacob, mais Israël, car si tu as été fort contre Dieu, combien le seras-tu davantage contre les hommes ? » Jacob lui fit alors cette demande : « Quel est votre nom ?
- Pourquoi me demander mon nom. Qu'il vous suffise de recevoir ma bénédiction. » Et il le bénit. Jacob donna à ce lieu le nom de Phanuel, disant : J'ai vu Dieu face à face et mon âme a été sauvée.
Ce n'est point un rêve que cette lutte. Quand le soleil se lève, Jacob, aux premiers pas qu'il fait, s'aperçoit qu'il est boiteux. Il est sorti victorieux de la lutte, mais il en garde une blessure glorieuse.

Tout est mystère dans cet épisode de la vie de Jacob. Il est demeuré seul, dans la nuit, au-delà du torrent. Sur la rive opposée sont tous ceux qu'il aime, ceux qu'il veut sauver, même au prix de sa vie. Il a pris toutes les précautions que suggère l'humaine prudence éclairée par l'affection paternelle, par la prière aussi. Il a agi et, par la prière, imploré en sa faveur l'action de Dieu. Sa foi est grande. Il a foi au Dieu que jadis il voyait au sommet de l'échelle mystérieuse, lorsque seul, fugitif, pour toute richesse un bâton dans sa main, il allait vers cette Mésopotamie où le Ciel lui a été clément, d'où il revient avec une fortune justement acquise, avec toutes les satisfactions du cœur, une famille nombreuse, aimante autant qu'aimée...
Mais si maintenant. arrivé au comble de ses désirs, le malheur le guettait pour rendre son infortune plus lamentable ; si la main de Dieu, pour l'éprouver, se retirait un moment de lui, qu'adviendrait-il de ses richesses, esclaves, troupeaux, objets précieux ? Qu'adviendrait-il surtout de cette famille, l'os de ses os, la chair de sa chair ?
Et le cœur du père se serre alors, étreint par l'angoisse. Ah ! si du moins une consolation apparaissait.
Hélas ! pour faire diversion à son angoisse poignante, c'est la lutte sous une forme nouvelle... Un inconnu – peut-i1 savoir si sous cette forme humaine se cache l'Ange de Dieu - un inconnu entame avec lui un duel formidable !
Ma pensée, s'éloignant de Jacob, franchit d'un bond dix-huit siècles et se retrouve au bord d'un torrent, le Cédron. Et non loin du torrent, un homme - l'Homme-Dieu - est, la nuit venue, livré à toutes les angoisses. Au-delà du torrent, c'est Jérusalem, la cité sainte, toujours aimée ; au delà du torrent, c'est l'immense famille humaine qu'il s'agit de délivrer du Mauvais.
Pour parfaire l'œuvre grandiose, il y faudra un ciment indestructible, il y faudra son sang versé jusqu'à la dernière goutte. Si du moins ce sang versé n'était pas inutile parfois ! A cette pensée, plus encore qu'à celle de la douleur atroce, « immense comme la mer », Jésus s'effraie.
L'Ange présente le calice amer. Il détourne la tête… Mais non, que la volonté de Dieu s'accomplisse.
La lutte commence, terrible, implacable. Le divin Lutteur sera bientôt le doux Blessé, dont les blessures mêmes guériront l'âme humaine, elle aussi éternelle blessée.
Qu'il s'agisse d'Israël ou du Christ-Jésus, la lutte, la douleur, précèdent, présagent la joie du triomphe. Comme le repos est une semence de mort, la lutte est d'ordinaire une semence de vie. Catholiques si attaqués aujourd'hui, si attaqués toujours, arrière toute pensée de crainte, de faiblesse ; soyons tout entiers à la lutte. Eh ! qu'importe quelques blessures !
L'aurore point déjà, et de l'autre côté du torrent, dans le camp adverse, avec le soleil qui monte radieusement, les colères s'apaisent et tombent. Que l'Ange d'Israël hâte le moment impatiemment attendu qui, de nos frères séparés, de nos frères ennemis, fera, dans les lumières de la foi, dans les ardeurs de la charité, des frères à jamais unis !

L'Ange Gardien – Novembre 1898 – pp.219-222


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Jacob et Esaü

La lutte mystérieuse a pris fin. Jacob est victorieux, et il s'écrie : « J'ai vu Dieu face à face et mon âme a été sauvée. » Le soleil se lève radieux ; Jacob peut voir au loin Esaü qui vient à sa rencontre avec quatre cents hommes armés. Il partage alors en groupes distincts les enfants de Lia, de Rachel et des deux servantes. En tête, marchent les servantes et leurs enfants ; au second rang, Lia et ses fils, enfin Rachel et Joseph. Lui, marchant le premier, va au-devant de son frère et se prosterne sept fois.
Esaü court vers Jacob, l'embrasse, le serre étroitement dans ses bras et le baise en versant d'abondantes larmes : « Quelle est cette famille ? » dit-il en voyant les femmes et les enfants.
- Ce sont les enfants que Dieu a donnés à votre serviteur, répond Jacob, en lui présentant les mères et les enfants, Rachel et Joseph les derniers.
Alors Esaü dit : « Quels sont ces troupeaux ?
- Je vous les avais envoyés pour trouver grâce devant vous.
- J'ai des biens en abondance, mon frère, répliqua Esaü , gardez ce qui est à vous.
- Ne parlez pas ainsi, dit Jacob, mais si j'ai trouvé grâce devant vous, recevez de ma main ce faible présent. Aujourd'hui j'ai retrouvé mon frère et j'ai vu la face de Dieu ; il m'est apparu favorable et propice. Daignez donc recevoir ces présents que je vous offre et que j'ai reçus de Dieu de qui viennent toutes choses. »
Devant les instances de son frère, Esaü finit par accepter ce qui lui était offert. « Allons ensemble, dit-il, et je vous accompagnerai dans votre chemin.
- Non, mon Seigneur, répondit Jacob. J'ai avec moi de jeunes enfant, et de nombreux troupeaux ; si je les fatigue en pressant la marche, tous mes troupeaux mourront en un jour. Que mon seigneur aille donc en avant, et je le suivrai à petites journées, selon que mes enfants pourront le faire, jusqu'à ce que j'arrive chez mon seigneur, en Séir.
- Je vous en prie, dit Esaü, qu'il demeure au moins avec vous quelques-uns de mes gens, pour vous escorter dans votre marche.
- Non, dit Jacob, cela n'est pas nécessaire, je n'ai besoin que d'une chose, qui est de trouver grâce devant vous...
Esaü s'en retourna donc en Séir par le même chemin qu'il était venu ; et Jacob vint à Soccoth, où, ayant bâti une maison et dressé ses tentes, il donna à ce lieu le nom de Soccoth qui veut dire "tentes"...

L'aversion et la haine succédant à l'amour sont d'autant plus fortes, plus violentes, que l'amour était plus vrai, plus profond, plus ardent. Le déchirement est plus grave, plus irréparable, là où l'union était plus étroite, plus intime.
A ce titre, les divisions de famille sont plus terribles. Nulle haine n'est féroce comme ces haines, d'une férocité inconcevable parfois. Les haines de famille amènent fréquemment des crimes. Le crime lui-même, le meurtre entra dans le monde par la haine d'un frère.
Deux frères ennemis, et l'inimitié provient fréquemment de causes futiles, se réconcilient avec une peine extrême. Le plus souvent, de misérables questions d'intérêt divisent à jamais ceux que Dieu avait unis. L'héritage d'un père engendre ces désaccords. Ainsi en avait-il été pour Esaü et Jacob. Avec la bénédiction qui lui échappait, c'était l'héritage paternel tant regretté d'Esaü. Et pour cet héritage perdu, il voulait tuer son frère. Vingt ans de séparation, d'éloignement, ne sauraient affaiblir une haine farouche. Apprenant son arrivée, il court à sa rencontre avec quatre cents hommes armés. La haine enfin pourra s'assouvir dans le sang du frère détesté !
Que se passe-t-il ? L'Ange du Seigneur a béni Jacob ; il change les dispositions d'Esaü. Et maintenant il plane au-dessus d'une scène de réconciliation et d'amour.
Puisse toujours cet Ange, céleste messager, ramener au sein des familles désunies par des intérêts mesquins, l'union et l'harmonie, fleurs des cieux ou tout est paix, harmonie, amour !!

L'Ange Gardien – Décembre 1898 – pp.255-257


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L'Ange de Dieu et Balaam, le prophète de Satan

Nous avons vu, dans la rencontre d'Esaü et de Jacob, l'Ange de Dieu modifiant en un instant les dispositions hostiles d'Esaü à l'égard de son frère. Le frère ennemi, après vingt ans de haine, retrouvait soudain, éveillé par l'Ange au fond de son cœur, un sentiment qu'il croyait mort à jamais : le sentiment de l'affection fraternelle. Esaü embrassait Jacob.
Franchissons quelques siècles seulement. Les fils de Jacob, nombreux comme les étoiles du ciel, continuent leur marche, à la recherche de la Terre promise. L'Ange de Dieu intervient encore en leur faveur ; et celui qui devait les maudire, est obligé de les bénir.
Dans l'épisode singulier où l'Ange se manifeste, et de si étrange façon, au faux prophète Balaam, il y a certains détails qui peut-être font sourire, mais qui donnent matière à de sérieux enseignements.
Donc, les fils de Jacob poursuivaient leur marche victorieuse vers la terre où coulaient le lait et le miel, la terre promise à leur père. Les Chananéens avaient fui ; Séhon l'Amorrhéen était vaincu ; Og, le géant de Basan, était tombé sous leurs coups ; Moab et Ammon épouvantés n'osaient s'écarter de leurs solides forteresses.
Fier de ses succès, Israël revient un instant sur ses pas pour mieux assurer sa conquête, il campe en vue de Jéricho dont le Jourdain seul le sépare. Balac, roi de Moab et de Madian, réunit avec ses guerriers les prudents conseillers des deux nations : « Ce peuple nouveau, dit-il, va détruire toutes les races qui habitent notre région ; il va les dévorer comme le bœuf qui mange l'herbe jusqu'à la racine. »
Et par ses conseillers, il mande Balaam, fils de Béor, qui habitait sur les bords du fleuve du pays d'Ammon. Or, Balaam était un corrupteur, un prophète de mensonge, un prophète de Satan. Avec Balaam, l'enfer lui-même combattrait les fils de Jacob.
Les envoyés de Balac, fils de Séphor, se présentèrent donc à Balaam, les mains pleines de l'or impur qui devait payer l'intervention du prophète de l'enfer.
« Viens, lui dirent-ils, vers notre maître. Viens et maudis ce peuple que par nos seules forces nous sommes incapables de vaincre. Il nous faut l'écraser, le chasser loin de nous. Viens avec nous, car ce que tu bénis est béni, ce que tu maudis est maudit. »
« Demeurez ici cette nuit, répondit le prophète. Demain au lever du jour, je vous dirai ce qu'aura ordonné le dieu que je vais consulter. »
Mais l'Ange du Seigneur apparut la nuit au prophète, et lui dit : « Que veulent ces hommes qui sont ici ? » Et Balaam de répondre : « Balac, fils de Séphor, roi de Moab et de Madian, m'a envoyé dire d'aller maudire un peuple sorti de l'Egypte et qui couvre la surface de la terre, afin qu'il puisse ainsi le vaincre et le chasser. » « Garde-toi d'aller avec ces hommes, répliqua l'Ange, garde-toi de maudire ce peuple, car ce peuple est béni de Dieu... »
De grand matin, Balaam se leva et dit aux envoyés de Balac :
- Retournez vers votre maître. Le Seigneur m'a défendu d'aller avec vous.
Et les envoyés s'en retournèrent et dirent à Balac :
« Balaam n'a pas voulu venir avec nous, disent les messagers. »

*
*       *

Balac pressentit la secrète pensée du devin, qui n'avait pas voulu suivre ses messagers. « Il se fait désirer, dit-il, afin qu'on mette à plus haut prix son intervention nécessaire. Ce refus n'est pas définitif. »
Il députa vers le prophète une troupe plus nombreuse. Pour ambassadeurs, il choisit les plus nobles des fils de Moab et de Madian : en même temps que l'avarice, Balac veut satisfaire la vanité du devin.
« Hâte-toi de venir, lui dit-il, je te comblerai d'honneurs. Tout ce que tu désireras, je te le donnerai. Viens et maudis ce peuple ennemi. »
- Quand même Balac me donnerait sa maison pleine d'or et d'argent, répondit Balaam aux messagers, je n'irais pas ; car je ne puis dire que ce que Dieu me permet. Toutefois, je vous prie de demeurer ici cette nuit pour que je puisse consulter de nouveau le Seigneur, et savoir ce qu'il désire encore. »
La secrète pensée du devin se trahit ; il atténue et corrige sa réponse nettement négative, les envoyés peuvent espérer encore. Durant la nuit, Dieu l'appelle :
« Si ces hommes veulent t'emmener avec eux, va, mais tu suivras mes ordres. »
Le matin, Balaam sella son ânesse et partit, stimulé par l'appât de l'or. Dieu qui lit au fond des cours, fut irrité de ce vil sentiment, et il commanda à son Ange de l'arrêter en chemin.
Accompagné de deux serviteurs, Balaam poursuivait sa route sur son ânesse fidèle. Soudain, l'ânesse aperçut au milieu du chemin l'Ange du Seigneur, l'épée nue à la main. Effrayée, la pauvre bête se détourna et se jeta à travers champs. Son maître la frappa rudement pour la ramener dans sa voie.
Elle se trouva bientôt entre deux murailles qui séparaient des vignes ; elle revit l'Ange menaçant, elle recula et, serrant Balaam contre le mur, elle lui blessa le pied. Sur le champ, cette incartade reçut un rude châtiment. Un peu plus loin, le passage était tellement resserré, que la bête ne put ni reculer ni passer à côté ; elle s'abattit sous son maître qui, de plus en plus exaspéré, la frappa violemment sur les flancs avec son bâton.
Balaam ne voyait pas l'Ange de Dieu. Alors le Seigneur ouvrit la bouche de l'ânesse : « Que t'ai-je fait ? Pourquoi m'as-tu frappée de la sorte par trois fois ? Ne suis-je pas ta monture fidèle ? T'ai-je jamais refusé mes services ?
- Non, jamais », répondit Balaam stupéfait.
En ce moment, Dieu lui ouvrit les yeux, et il aperçut, au milieu de la route, l'Ange du Seigneur, l'épée nue à la main, et menaçant. Il tomba le front dans la poussière et l'adora.
L'Ange lui dit alors : « Pourquoi as-tu battu ton ânesse par trois fois ? Je suis venu pour m'opposer à tes desseins, parce que ta voie est corrompue et qu'elle m'est contraire, et si l'ânesse, cédant à ma menace, ne se fût détournée dans le chemin, je t'aurais frappé de mort.
- J'ai péché, dit le prophète tremblant, mais j'ignorais que vous étiez devant moi. Si vous l'ordonnez, je retournerai dans ma demeure.
- Va, dit l'Ange, poursuis ton chemin, mais prends bien garde de ne rien dire que je ne t'aie inspiré et mandé. »
L'Ange disparut, et le prophète rejoignit les envoyés du roi Balac.

*
*       *

Le roi Balac était venu jusqu'au fleuve Armon à la rencontre du devin.
« Pourquoi, lui dit-il alors, pourquoi, n'as-tu pas répondu à mon premier appel ? N'ai-je point le moyen de te récompenser, de payer ta peine ?
- Me voici, dit Balaam. Mais je ne pourrai dire autre chose que les paroles que Dieu mettra dans ma bouche.
A la demande du prophète, Balac fit préparer sept autels et sept victimes sur les hauteurs consacrées à Baal. Le prophète, un instant, s'écarta de la foule pour consulter le Seigneur.
C'était le matin. De ces sommets éclairés par le soleil naissant, le prophète pouvait contempler dans la plaine inondée d'une lumière d'or, une partie du camp d'Israël. Balac était debout prés de l'holocauste, avec tous les chefs de Moab. Le prophète vint et parla ainsi, inspiré par Jéhovah.
« Le roi Balac m'a dit : « Viens et maudis Jacob ; accours, et charge Israël d'imprécations. Comment pourrais-je maudire ceux que le Seigneur a bénis ? Pourquoi proférer des imprécations contre ceux que Dieu environne de son amour ? De ces sommets, je l'ai vu ; de ces montagnes, je l'ai considéré ce peuple. Il marchera seul parmi les hommes, il ne se mêlera point aux nations. Qui pourra compter ses enfants nombreux comme les grains de sable du désert ? Ah ! puissé-je mourir de la mort de ces justes ! puisse ma fin ressembler à leur fin ! »
- Que fais-tu, s'écrie le roi étonné. Je t'ai appelé pour maudire mes ennemis et, au contraire, tu les bénis !
- Je ne puis dire, répond le prophète, que ce que Dieu m'inspire.
- Viens alors sur une autre montagne, ajouta le roi ; là, tu maudiras Israël. »
Il le conduisit sur la montagne de Phosga où furent aussitôt dressés sept autels couronnés de victimes. On ne pouvait apercevoir de là qu'une partie du camp d'Israël. Balaam immola les victimes. Puis, sur l'ordre de Dieu, il parla ainsi :
« Ecoute, Balac, prête l'oreille, fils de Séphor. Dieu n'est pas comme l'homme, il ne ment pas ; ni comme le fils de la femme, sa pensée ne change pas. Quoi ! Dieu commande, et je lui désobéirais ! Il parle, et il ne tiendrait pas ses promesses ! Il m'a amené ici pour bénir ce peuple et mes lèvres le béniront. Il n'est point d'idole en Jacob, ni de vaine statue en Israël. Jéhovah, le Seigneur, est avec lui, les trompettes sonnent déjà les sonneries triomphales. Jéhovah l'a tiré de l'Egypte, sa force est semblable à la force du rhinocéros. Il n'est point d'augures en Jacob, ni de devins en Israël. On racontera, dans les siècles futurs, ce que Jéhovah a fait pour son peuple. Ce peuple s'élève déjà avec la majesté de la lionne, se dresse avec la fierté terrible du lion. Il marche, il avance, il ne s'arrêtera que lorsqu'il aura, comme le lion, dévoré sa proie et bu le sang de ses ennemis. »
- Si tu ne veux point les maudire, s'écrie Balac irrité, du moins ne les bénis pas.
Et il le mène sur la montagne de Phogor, en face du désert : « Là, dit-il, peut-être plaira-t-il à Dieu que tu les maudisse. »
Balaam immole encore sept victimes, et de nouveau l'esprit de Dieu le pousse à bénir les fils de Jacob. Il lève les yeux et, au bord du désert, il voit les tentes rangées par tribus dans un ordre admirable, et il parle encore avec l'inspiration des vrais prophètes :
- « Voici ce que dit Balaam, fils de Béor : voici ce que dit l'homme dont les yeux du corps se sont fermés ; voici ce que dit le prophète qui a entendu les paroles de Dieu, qui a vu les visions du ciel. Qu'ils sont beaux tes tabernacles, ô Jacob ! éclatants tes pavillons, ô Israël ! Oui, beaux comme les fraîches vallées ombreuses, comme les jardins que baignent les fleuves, comme les arbres embaumés, comme les cèdres plantés au bord des eaux riantes ! L'eau ne tarira point à cette fontaine ; la race de Jacob sera semblable à un fleuve immense. Son premier roi sera rejeté, il perdra le trône à cause d'Agag. I1 sera terrible comme le lion ; Jéhovah, l'a arraché au Pharaon. Celui qui te bénira sera béni, ô Israël, et celui qui te maudira sera maudit ! »
Balac, écoutait, plein de fureur, célébrer les gloires d'Israël.
- Quoi ; lui dit-il, je t'ai fait venir pour maudire, et pour la troisième fois tu le bénis encore ! Retourne en ton pays. Je voulais te récompenser avec magnificence ; c'est ton Dieu qui t'a privé des trésors que je te destinais.
- N'ai-je pas dit à tes envoyés, réplique Balaam, quand même Balac me donnerait une maison pleine d'or et d'argent, je ne pourrais désobéir aux ordres de Dieu... »

*
*       *

De nouveau, l'Esprit de Dieu saisit Balaam, qui s'écrie : « Voici ce que dit Balaam, fils de Béor, l'homme qui a vu les visions du ciel, et qui a entendu Jéhovah :
« Une étoile s'élèvera de Jacob, un rameau fécond germera en Israël. Il frappera les puissants de Moab, il jettera la terreur parmi les fils de Seth, il sera le maître de l'Idumée. L'héritage de Séir passera en ses mains. Il sortira de Jacob un dominateur qui s'assiéra sur les ruines de la grande cité. »
Puis, se tournant vers le pays d'Amaleci : « Amalec était à la tête des peuples ; mais il tombe anéanti. »
Enfin, contemplant la région des Cinéens : « Tu vis en paix dans tes inaccessibles forteresses, ô race de Cin ; mais tu as beau établir ton aire au sommet des rochers, tu as beau être vaillant comme tes pères, tu tomberas quand même sous le joug d'Assur. »
Sous le coup de l'extase prophétique, Balaam demeure un moment silencieux.
Puis, il reprend, avec l'accent de la douleur : « Hélas ! qui pourra supporter la vie, quand le Seigneur déchaînera sa colère ? Je les vois, ils viennent d'Italie sur les galères rapides ; ils ravagent le sol des Hébreux ; ils périssent eux-mêmes à leur tour... »
Et le prophète, se levant, reprit le chemin de sa demeure, tandis que le roi, épouvanté, s'éloignait lui aussi de son côté pour rejoindre les siens.

Au début de cet émouvant épisode, l'Ange paraît un instant, puis s'efface à nos yeux. N'est-il pas cependant le témoin invisible de ces scènes grandioses ? N'est-ce pas lui qui inspire au devin ces accents de flamme, qui déroule à ses yeux les visions de l'avenir ? Visions étonnantes !
Cette étoile qui doit paraître, les fils du devin, les mages, la verront un jour, et ils accourront au berceau du Sauveur nouveau-né. Mais avant que paraisse cette étoile, le rameau d'Israël s'élève, les hébreux s'affermissent dans la terre promise, Saül détruit Amalec, David subjugue l'Idumée, Salmanasar emmène en captivité les fils de Cin.
Les siècles se déroulent encore. L'étoile apparaît à Bethléem, et le Sauveur meurt sur la croix, au sommet du Golgotha sanglant, les bras ouverts comme pour embrasser le monde.
Les rapides trirèmes romaines fendent de nouveau les mers ; les machines de guerre ébranlent les remparts de Jérusalem ; la famine, le fer et le feu réduisent la ville sainte. Qui pourra donc supporter la vie en ces heures terribles ?
Les Romains, vainqueurs par les armes, sont maintenant les vaincus de la grâce, le rejeton d'Israël domine Rome et le monde. Le Christ règne durant les siècles, il apparaît triomphant à la fin des temps. Le Christ a vaincu, il règne !!!
Les devins de l'Incrédulité et de la Haine ont cependant prédit maintes et maintes fois sa chute prochaine.
Jadis, après bien d'autres, un Julien l'Apostat a cru l'avoir détruit. Frappé à mort, il jette vers le ciel une poignée de sang, avec le cri de la rage impuissante : Tu as vaincu, Galiléen !
Plus près de nous, Voltaire annonce que dans vingt ans le Christ aura beau jeu. Et vingt ans après ce blasphème, le hideux Voltaire, maudissant et maudit, râle, la bouche pleine d'une matière immonde. Prédictions menteuses, blasphèmes vains, malédictions impuissantes de l'homme qui nie, blasphème et maudit ! Dieu le confond et le châtie.
A l'encontre de l'homme créé raisonnable et qui abuse d'un don divin pour offenser son Créateur et se révolter contre lui, l'être inanimé, l'être sans raison publient la puissance et la gloire de Dieu. Ils chantent sans cesse un hymne de louanges au Créateur, répétant, chacun à sa manière, avec le poète chrétien :

Oui, c'est un Dieu caché que le Dieu qu'il faut croire ;
Mais tout caché qu'il est, pour révéler sa gloire,
Quels témoins éclatants devant moi rassemblés !
Répondez, cieux et mers, et vous, terre, parlez !
Quel bras peut vous suspendre, innombrables étoiles ?
Nuit brillante, dis-nous qui t'a donné tes voiles.
O cieux ! que de grandeur et quelle majesté !
J'y reconnais un Maître à qui rien n'a coûté.
.... N'est-ce pas sa présence
Qui brille dans les yeux de l'aimable innocence ?
Qui se peint sur le front de la douce pudeur
Et se révèle à nous dans la plus humble fleur ?
Oui, tout nous entretient, nous parle du grand Etre.
Lorsque avec un cœur simple on cherche à le connaître,
Ce Dieu consolateur est facile à trouver,
Et c'est par ses bienfaits qu'il aime à se prouver.
……………………………………………….
Qu'il faut être cruel pour ôter l'espérance
Au cœur infortuné qu'assiège la souffrance,
Pour briser sans pitié dans la main du malheur
Cette ancre où peut du moins s'appuyer la douleur !
Otez Dieu, vous ôtez au repentir son juge,
A l'innocence, un père ; au malheur, un refuge.
Oui, Dieu existe, Dieu seul est grand, Dieu seul peut donner la vie au monde et le remplir de sa puissance !
Les germes éclatent, le vent frémit, les feuilles bruissent, l'oiseau chante, la bête beugle, brame ou rugit, et l'insecte bourdonne dans l'herbe. De ces mille voix s'élève l'hymne d'amour au Créateur. L'homme seul a dit : Il n'y a point de Dieu. L'ânesse du prophète en remontre à son maître.
A ces spectacles, à ces voix, à cet hymne, l'incrédule lui-même s'arrête parfois, involontairement saisi. Alors, comme le devin, par une impulsion secrète, irrésistible, il bénit, il adore Dieu et son Christ, il acclame son oeuvre, au lieu de blasphémer et de maudire.
A la vue des âmes simples, des âmes fidèles et croyantes, qui gravissent calmes, heureuses, l'âpre sentier de la vie, souriant à la mort, à la récompense entrevue au delà, il envie tant de calme et tant de bonheur. Comme Balaam, fils de Béor, il s'écrie : « Que ma mort soit celle de ces justes, que ma fin ressemble à leur fin ! »
Vœux stériles d'ordinaire, car il faudrait suivre même voie, renoncer aux plaisirs coupables, à l'or corrupteur ; il faudrait se renoncer soi-même, et il n'ose pas. Il lui manque la force et le courage que l'on ne puise que dans la prière.
De nouveau, le tourbillon des pensées vaines, des rêves mondains, des jouissances malsaines, saisit l'incrédule et l'entraîne. Vainement, à l'heure dernière, pense-t-il se ressaisir, il est souvent trop tard, et il a le sort des pécheurs impénitents. Le devin Balaam fut englouti dans le désastre des Madianites.
Le prophète favorisé des visions divines, l'homme qui a reçu les dons de l'intelligence et - ne fût-ce qu'un instant - le don de la foi, ne sauraient nous rassurer sur leur salut éternel, s'ils ferment volontairement les yeux à la lumière de la grâce. Nul ne peut toutefois sonder témérairement les desseins de Dieu, ni préjuger ses décisions. Seul pourrait le dire sans doute l'ami céleste dédaigné pendant 1a vie, l'Ange gardien, témoin de ce jugement sans appel prononcé par Celui qui est l'éternelle justice, mais aussi - suprême espoir - l'éternel Amour !

L'Ange Gardien – Janvier à Avril 1899


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L'Ange de Josué

Au sommet du Nébo, Moïse a rendu le dernier soupir après avoir un instant entrevu la patrie. Josué maintenant conduit le peuple de Dieu dans la Terre promise. Il a traversé le Jourdain par un prodige, dont un monument gardera l'impérissable souvenir.
Les rois de Chanaan s'étonnent, mais ne veulent point s'avouer vaincus.
Jéricho « la ville des palmes » a fermé ses portes. Josué ne profite pas pour l'attaquer de la stupeur produite par le passage miraculeux du Jourdain. La prudence humaine aurait saisi ce moment propice ; mais l'esprit, éclairé par Dieu, a des raisons que la raison ne comprend pas.
Josué fait prier le peuple, afin de célébrer dignement la Pâque. Pour la première fois, les Hébreux, sur le sol de la patrie, mangent les pains azymes faits avec le pur froment de la Terre promise. Bien loin sont à cette heure les privations, les sables brûlants, les décevants mirages du désert.
La veille, la manne est tombée pour la dernière fois ; il n'en reste que le vase commémoratif conservé dans l'Arche, avec les Tables de la Loi. La manne n'est plus nécessaire, car les Hébreux sont maintenant dans la terre où, selon l'expression métaphorique, coulent le lait et le miel.
Quelle reconnaissance ! Quelle joie dans les cœurs ! Quel ample sujet de méditation qu'un retour vers ce passé à peine évanoui !

Absorbé dans ces pensées, sans doute, Josué allait, grave et recueilli, à pas lents, dans la plaine de Jéricho. Son âme, aussi bien que son esprit, montait vers Jéhovah, dans un sentiment d'indicible gratitude, et son regard aussi, par une instinctive impulsion, se détache de la terre et s'élève vers le ciel. Que voit-il ? A quelques pas est un guerrier, debout, l'épée nue à la main. Josué marche vers cet inconnu.
- Qui es-tu ?lui dit-il. Es-tu un ami ou un ennemi ?
- Je suis un prince de l'armée de Jéhovah, répond le guerrier ; je viens à ton aide.
- Quel ordre Jéhovah daigne-t-il donner à son humble serviteur ? dit Josué en se prosternant.
- Détache ta chaussure, car la terre que tu foules aux pieds est une terre sainte.
Josué obéit sans retard, et l'Ange disparaît. Aussitôt une impression de force s'empare de Josué, grandissant son courage et son espérance. Jéricho est une ville inexpugnable, mais une voix, la voix du Seigneur, lui dit au fond du cœur : « Voici que j'ai livré en tes mains Jéricho, son roi, tous ses guerriers. Que toute l'armée fasse en silence le tour de la ville durant six jours. L'arche marchera à la tête du peuple. Au septième jour, les trompettes retentiront, aiguës, stridentes. Tout le peuple alors poussera une puissante clameur, et les murailles tomberont et vous pénétrerez dans la ville… »

Six jours et six nuits, précédé de l'arche que portaient les prêtres, le peuple passa silencieux autour des fiers remparts, sous les rires et moqueries des assiégés. Le septième jour, les trompettes sonnèrent stridentes, le peuple poussa une effrayante clameur ; et les murailles s'écroulèrent avec fracas. Israël était victorieux. Loué soit le Seigneur qui envoya son Ange combattre les ennemis de son peuple, et qui récompensa la foi de Josué par une extraordinaire victoire !

A lire cet intéressant épisode, d'instinct ma pensée se tourne vers ma patrie bien-aimée. Oncques ne fus et jamais ne serai chef en Israël. Fasse Dieu seulement que je sois l'humble et fidèle soldat du bien en France. Comme Israël, cette France a reçu, ce semble, des promesses. Fidèle, elle a connu les triomphes ; infidèle, elle a subi l'épreuve. Singulière jouissance, faite de douceur et d'amertume, de tristesse poignante et d'espoir vivace, qui naît de la comparaison du passé et du présent !
L'espoir survit toutefois plus fort que la crainte. Nous ne le voyons pas, mais il est près de nous, sans doute, le prince de l'armée de Jéhovah, l'archange protecteur de la France, saint Michel. Prêtons l'oreille, il nous dira l'ordre de Dieu. Dociles, nous adorerons humblement prosternés. Et après avoir prié, sans oublier la prière, nous en viendrons à l'action. Nous aurons ces pacifiques démonstrations dont nos ennemis sourient, moqueurs, sarcastiques, manifestations religieuses ininterrompues du jour et de la nuit, les prêtres nous précédant portant l'arche d'alliance, la parole de vie ; les trompettes sonneront aussi, cloches vibrantes de nos églises, cloches bénies dont les échos se répercuteront des grises falaises du nord aux bords dentelés de la Côte-d'Azur, des landes de Bretagne aux Alpes neigeuses, de la ligne bleue des Vosges aux Pyrénées baignées d'or et de soleil. Nous prierons, recueillis, silencieux ; les cloches sonneront plus puissantes, et du pays de France s'élèvera une vibrante clameur, immense effusion de joies et d'espoirs bientôt réalisés.
Alors tomberont, ruine lamentable, ces murs de la moderne Jéricho, qui a nom le Respect humain. Jéricho tombée, nulle barrière désormais ne pouvait arrêter les Hébreux ; le Respect humain abattu, la victoire est assurée à la cause du bien en France !

L'Ange Gardien – Mai 1899 – pp.3-6


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L'Ange d'Israël au lieu « des pleurs »

L'Ange du Seigneur vint de Galgala au lieu appelé le « lieu des Pleurs » et il dit : « Je vous ai tirés de l'Egypte, je vous ai fait entrer dans la terre promise à vos pères, je vous ai juré de garder l'alliance que j'avais faite avec vous, mais à la condition que vous ne feriez point alliance avec les habitants du pays de Chanaan... et que vous renverseriez leurs autels, et cependant vous n'avez pas voulu écouter ma voix. Pourquoi avez-vous agi ainsi ?
C'est pour cela que je n'ai pas voulu exterminer les peuples de Chanaan, afin que vous les ayez pour ennemis et que leurs dieux vous soient un sujet de ruine... »
Tandis que l'Ange du Seigneur tenait ce langage à tous les enfants d'Israël, ceux-ci élevèrent leur voix et se mirent à pleurer. Ce lieu fut alors appelé le lieu des Pleurants ou le lieu des Larmes.
Josué renvoya le peuple. Les enfants d'Israël s'en allèrent chacun dans le territoire qui leur avait été assigné. Ils servirent le Seigneur tout le temps de la vie de Josué et des anciens qui vécurent après lui, et qui avaient été les témoins des œuvres merveilleuses opérées par le Seigneur en leur faveur.

Mais après la mort de Josué qui vécut cent dix ans, et fut enseveli dans son héritage de Thamnathsaré, sur la montagne d'Ephraïm ; après la mort aussi des vieillards, une nouvelle génération s'éleva qui n'avait connu ni Moise ni Josué, qui ne fut point fidèle à Dieu et qui fit le mal en présence du Seigneur. Elle adora les Baals, abandonnant le Dieu de ses pères, le Seigneur qui les avait tirés de l'Egypte ; elle servit les dieux des peuples voisins ; elle servit Baal, le dieu homicide ; Astaroth, la Vénus phénicienne et déesse du Plaisir.
Le Seigneur irrité livra les Israélites aux mains des envahisseurs, qui les prirent et les vendirent aux nations. Ils tombèrent en des misères extrêmes.
La parole de l'Ange se réalisait, les dieux étrangers étaient pour le peuple élu un sujet de ruine.

Les mêmes causes produisent mêmes effets : Aux nations qui se détournent de Lui, Dieu retire l'appui de son bras, et ces nations s'inclinent, s'affaissent, meurent parfois.
Ce n'est pas que l'instrument dont Dieu se sert pour punir soit meilleur que la nation châtiée ; non certes, c'est un instrument et rien de plus. La victoire ne saurait rien préjuger en sa faveur, car cet instrument sera brisé à son tour, si Dieu n'a ses motifs de le garder pour le faire servir encore à ses desseins.
C'est là l'explication et la meilleure des évènements qui se succèdent sur la face de la terre. Ces évènements prévus ou inopinés qui secouent les nations jusque dans leurs bases, les sages du siècle s'évertuent à les expliquer en dehors de Dieu, par les raisons les plus diverses, les plus ingénieuses. Hommes à courte vue, pauvres myopes ! Ils croient avoir découvert la cause réelle des choses, parce qu'ils ont pris et disséqué ces évènements divers, en ont découvert la cause partielle, immédiate. Ils ont méconnu le lien qui unit ces évènements et ces causes particulières : l'action divine.

L'Ange protecteur de ces nations éprouvées pourrait leur répondre comme l'Ange d'Israël : parce que ces nations n'ont pas été fidèles au Seigneur et ont voulu garder, à côté de l'autel du vrai Dieu, les autels des dieux étrangers : autels de l'orgueil, du lucre, du plaisir, elles sont humiliées et ont vu passer à d'autres peuples leur gloire et leur puissance.

Dieu immuable est la cause et la raison des évènements divers de ce monde contingent. Une parole émanée de sa sagesse éternelle suffit à expliquer ce qui nous parait receler d'insondables mystères. Cette parole n'exclut nullement les causes particulières ; elle nous montre la cause première de laquelle les causes particulières reçoivent leur action.
Cette parole, que le monde oublie et qu'il devrait avoir présente toujours, nous la montrerons souvent traduite en acte ; nous la rappelons seulement aujourd'hui : La fidélité à Dieu élève les nations, l'infidélité à ce même Dieu cause leur ruine. Justitia elevat gentes, miseros autem facit populos peccatum (Prov. XIV, 34).

L'Ange Gardien – Juin 1899 – pp.39-41


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L'Ange d'Israël et Débora

Les enfants d'Israël firent encore le mal devant le Seigneur, et le Seigneur les livra aux mains de Jabin, roi des Chananéens d'Azor. Opprimés pendant vingt ans, leurs cris de détresse s'élevèrent vers le ciel. Or, il y avait une prophétesse qui jugeait alors le peuple. Elle s'appelait Débora, et s'était rendue célèbre par sa sagesse.
Elle s'asseyait sous un palmier qui a gardé son nom - tel le chêne de saint Louis - entre Rama et Béthel, sur la montagne d'Ephraïm, et les enfants d'Israël venaient à elle pour tous leurs différends.

Un jour. inspirée par l'Ange du Seigneur, elle manda Barac, fils d'Abinoem, de Cédés, de Nephtali, et elle lui dit : « Le Seigneur, Dieu d'Israël, vous donne cet ordre : Allez et menez l'armée sur la montagne du Thabor. Prenez avec vous dix mille combattants des enfants de Nephtali et de Zabulon. Quand vous serez au torrent de Cison, je vous amènerai Sisara, chef de l'armée de Jabin, avec ses chars et toutes ses troupes, et je vous les livrerai entre les mains. » Barac répondit : « Si vous venez avec moi, j'irai ; si vous ne voulez point venir avec moi. je n'irai point. »
« J'irai avec vous, reprit Débora, mais tu n'auras pas tout l'honneur du triomphe, car Sisara sera livré entre les mains d'une femme. »

Elle partit sur-le-champ et s'en alla à Cédès avec Barac. Barac fit appel aux hommes de Zabulon et de Nephtali, et marcha à la tête de dix mille combattants. Débora était avec lui.
Or, Haber, le Cinéen, s'était séparé depuis quelque temps des Cinéens, ses frères, et il avait dressé ses tentes dans la vallée de Sennim, non loin de Cédès.
Sisara, averti que Barac avait gravi la montagne du Thabor, dirigea son armée vers le torrent de Cison.
Débora dit à Barac : « Lève-toi, le Seigneur livre aujourd'hui Sisara entre vos mains ; c'est le Seigneur lui-même qui vous conduit. »
Barac descendit les pentes du Thabor suivi de dix mille combattants. Il se précipita, impétueux comme la foudre, et le Seigneur frappa de terreur Sisara, ses troupes, et les livra au fil de l'épée, sous les yeux de Barac. Sisara, sautant à bas de son char, s'enfuit à pied.
Barac poursuivit les chars et toutes les troupes jusqu'à Haroseth des Gentils, et toute cette multitude d'ennemis fut taillée en pièces.
Or, Sisara, dans sa fuite, vint, exténué de fatigue, à la tente de Jahel, femme d'Haber le Cinéen. « Donnez-moi en toute hâte, dit-il, un peu d'eau, car j'ai une soif dévorante. »
Jahel lui donna du lait et le couvrit d'un manteau pour le cachet et l'engager à dormir.
Sisara s'endormit d'un profond sommeil. Alors Jahel enleva un des gros clous de la tente et en transperça les tempes de l'ennemi le plus redouté des enfants d'Israël.
Quand Barac arriva à la tente d'Haber, il admira comment Dieu avait livré Sisara, jusque-là si puissant, si redouté, aux mains d'une femme ; comment le Seigneur avait humilié, ce jour-là, Jabin, roi de Chanaan, devant les enfants d'Israël. Avec Débora, avec ses combattants, il remercia Dieu d'avoir ainsi mis fin à la troisième servitude.

L'Ange Gardien – Juillet 1899 – pp.75-76


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Cantique de Débora

L'Ecriture Sainte nous a conservé le cantique d'actions de grâces que la prophétesse Débora, inspirée par l'Ange du Seigneur, chanta après la victoire des Israélites sur l'armée de Jabin, roi des Chananéens.

« O vous, dit-elle, qui, parmi les enfants d'Israël, avez spontanément offert votre vie au péril, bénissez le Seigneur ! Ecoutez, princes et rois, écoutez le cantique du Dieu d'Israël. C'est moi qui chanterai mon hymne au Seigneur !
Seigneur, lorsque vous êtes sorti de Séir, lorsque vous avez passé par le pays d'Edom, 1a terre a tremblé, les cieux se sont ébranlés et les nuages ont versé des torrents de pluie. Comme l'onde qui coule, les montagnes se sont évanouies et le Sinaï lui-même s'est abaissé devant le Seigneur, Dieu d'Israël.
Au temps de Sangar, fils d'Anath, au temps de Jahel, les routes étaient abandonnées, les voyageurs suivaient, timides, les sentiers détournés. Les vaillants n'existaient plus en Israël. Il n'en existait pas, jusqu'au moment où parut Débora, où parut une mère en Israël.
Le Seigneur a choisi de nouveaux combats, lui-même a renversé les remparts ennemis, alors qu'on ne voyait ni bouclier, ni lance parmi quarante mille Israélites.
Mon cœur est à vous, chefs d'Israël, à vous tous qui avez volontairement affronté le péril ; bénissez tous le Seigneur !
Partez, ô grands, vous qui montez sur les brillants coursiers, et vous qui siégez pour rendre la justice, et vous aussi les humbles qui marchez à pied par les chemins. Qu'en ces lieux où les chars de guerre se sont heurtés et brisés, où les ennemis ont été abattus, on publie la justice du Seigneur et sa clémence envers les braves d'Israël.
Lève-toi, lève-toi, Débora, et chante le cantique. Debout, ô Barac, pousse devant toi tes captifs, ô fils d'Abinoem. Les restes du peuple ont été sauvés : c'est le Seigneur qui a vaincu les forts. Ephraïm a exterminé les ennemis dans Amalec, Benjamin s'élance à la suite d'Ephraïm, les princes de Machir, les fils de Manassès viennent à leur tour, suivis par ceux de Zabulon. Les guerriers d'Issachar ont aussi accompagné Débora, ont suivi les traces de Barac, se sont jetés dans le péril comme dans un abîme.
Ruben alors était divisé contre lui-même, les plus vaillants de ses guerriers ne surent que se livrer à de stériles discussions. Appelés au combat, ils préférèrent, aux bruits des batailles, les cris des troupeaux et le son des flûtes rustiques des pâtres. Galaad demeura en repos, lui aussi, au-delà du Jourdain. Et Dan que faisait-il sur ses vaisseaux ? Que faisait Aser sur ses rivages, abrité dans ses ports ? Que faisaient ces vaillants, alors que Zabulon et Nephtali affrontaient la mort au pays de Méromé ?
Les rois sont venus, les rois de Chanaan ont combattu à Thanach, près des eaux de Mageddo ; mais ils n'ont pas emporté de butin. Le Ciel a combattu contre eux et contre Sisara. Le torrent de Cison entraîne leurs cadavres et a balayé nos ennemis. O mon âme, foule aux pieds le corps de ses guerriers.
Les sabots de leurs coursiers se rompent dans leur fuite précipitée ; les plus vaillants fuient à toute bride, se renversant les uns sur les autres.
Malheur à la terre de Méroz, dit l'Ange du Seigneur, malheur à ses habitants qui n'ont pas soutenu la cause de Dieu, qui n'ont pas volé au secours de leurs frères. Bénie soit, au contraire, parmi les femmes, Jahel, épouse d'Haber le Cinéen, bénie soit-elle sous sa tente, elle dont le bras a frappé Sisara qui est tombé pour ne plus se relever.
… O Dieu d'Israël, périssent de même tous vos ennemis ; mais que ceux qui vous aiment brillent comme le soleil, lorsque ses rayons éclatent rutilants au matin du jour. »

Ainsi, après la bataille, chanta Débora, l'israélite pleine de sagesse et douée du don de prophétie. C'était l'Ange d'Israël qui, par sa bouche, chantait la puissance et la gloire du Seigneur.
Puisse saint Michel, Ange protecteur de la France, chanter bientôt avec nous le cantique d'actions de grâces, le Te Deum triomphal que tous les amis de Dieu chanteront au soir du combat que, maintenant surtout, l'Enfer livre, terrible, acharné, contre l'Eglise de Jésus-Christ sur le sol de notre patrie !

L'Ange Gardien – Août 1899 – pp.111-113


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Réflexions sur les temps présents

« Malheur à la ferre de Méroz ! » dit l'Ange du Seigneur, c'est-à-dire, malheur aux tribus israélites de Ruben, d'Aser et de Dan !

Pourquoi cet anathème ? Parce que ces tribus sont demeurées indifférentes à la terrible épreuve de la patrie commune, à la guerre que lui déclarait l'ennemi héréditaire, le cruel oppresseur de la Judée.
Egoïstes, inconscientes, elles se sont désintéressées de la lutte, compromettant par leur abstention, le succès de la cause nationale, laissant à d'autres tout le poids de la défense dont elles voudront cependant recueillir les fruits. Toute leur vigueur s'épuise en querelles intestines, elles disputent entre elles sur de futiles questions, et si parfois elles ont la salutaire pensée de résister à l'ennemi national, elles se montrent braves et magnanimes , en paroles seulement. Dan reste tranquillement près de ses vaisseaux, Aser se préoccupe exclusivement de son négoce, et Ruben ne veut sacrifier à la cause commune ni ses récoltes, ni ses troupeaux. On comprend donc sans peine l'anathème de l'Ange : « Malheur à la terre de Méroz ! »

Cette malédiction ne peut-elle, et pour semblables motifs, s'adresser à d'autres qu'aux fils de Ruben, d'Aser et de Dan ? Ne pourrait-elle avoir son application sur la terre de France ?
Nous sommes, puéril serait de le nier, les vaincus d'hier et d'aujourd'hui sur des champs de bataille divers. Dieu nous fasse les vainqueurs de demain pour recouvrer notre patrimoine amoindri, et revoir au complet la grande famille française.
L'heure de ce combat, qui sera sans doute la lutte suprême, la terrible question de vie ou de mort pour notre nationalité n'a pas encore sonné, mais si elle sonnait bientôt, serions-nous prêts ?

Beaucoup trop se désintéressent. Les convictions religieuses s'émoussent, et avec elles aussi les convictions patriotiques. Qui n'a pas les unes, ne saurait guère avoir les autres.
Comme les fils de Dan et d'Aser, beaucoup songent exclusivement à leurs vaisseaux, à leur négoce, hypnotisés par la fauve lueur de l'or. Comme les fils de Ruben, d'autres ne voient que la terre, les opulentes moissons d'un sol judicieusement engraissé, comme s'il n'était pas encore la moisson qui spontanément germait autrefois sur notre sol, l'éblouissante moisson d'honneur, la rouge moisson des épées. Ils cherchent le plaisir, le chant des instruments de joie, comme s'ils n'avaient pas les nobles jeux de la guerre juste, la captivante harmonie et les vibrants appels de la bataille.
Magnanimes comme les fils de Ruben, d'aucuns le sont en paroles seulement. Ils éprouvent la griserie des mots sonores, mais leur dévouement ne va pas au-delà du mot où la vanité humaine cherche et trouve d'ordinaire son aliment et sa satisfaction. Anathème à ceux qui s'abstiennent, qui ne collaborent pas dans la mesure de leurs forces à l'œuvre sacrée, au bien de la patrie !

Que dire de ceux qui collaborent à l'œuvre de l'ennemi, qui non seulement ne donnent pas à leur patrie le concours qu'elle est en droit d'attendre de tous ses enfants, mais encore prêtent aide et appui aux pires ennemis de cette patrie attaquée ?
Seraient-ils inconscients ? Que l'Ange du Seigneur donne à ces aveugles la claire vision des choses.
Mais s'ils sont conscients des dangers qu'ils font courir à leur patrie, et s'ils persistent dans leur coupable conduite, que la France catholique qu'ils veulent livrer à l'impiété, à l'anarchie, au cosmopolitisme, se rende capable d'un superbe et soudain réveil ; qu'elle les rejette de son sein purifié, et qu'elle acclame la Débora des temps modernes, notre radieuse, pure et sainte Jeanne d'Arc, notre espoir invincible après Dieu et ses Anges.

Avec Jeanne d'Arc, nous avons un autre puissant protecteur, saint Michel, Ange gardien de la France, dont la céleste tutelle a toujours été si éclatante en faveur de notre patrie qu'un auteur célèbre a pu dire : « Si vous voulez détruire la France, essayez d'exterminer l'Archange Michel , ou plutôt détachez les Français du culte qu'ils ont pour cet Ange sauveur ; si vous y parvenez, c'en est fait de cette nation ; autrement Michel, le grand Prince des milices célestes, se lèvera toujours menaçant et, comme par le passé, à toutes les heures critiques, suscitera des héros sans cesse renaissants. »
Puissions-nous en être convaincus à l'heure actuelle, car c'est à saint Michel, après Marie Immaculée, que nous devons avoir recours dans les épreuves.
Recourons donc, avec une ferveur toujours croissante, à l'archange saint Michel, en ce mois qui lui est spécialement consacré. Ce sera le secours que Dieu nous enverra ; il sera notre appui et notre salut.

L'Ange Gardien – Septembre 1899 – pp.146-150


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L'Ange de Gédéon

Les enfants d'lsraël firent encore le mal devant le Seigneur qui, durant sept ans, les livra aux mains des Madianites. L'oppression fut très dure. En vain, les Hébreux essayaient, par tous les moyens, de s'y soustraire, en se retirant dans les antres et dans les cavernes des montagnes, dans les lieux naturellement fortifiés : ils ne pouvaient résister à leurs ennemis.
Au moment de la moisson, Madianites et Amalécites faisaient irruption sur la terre d'Israël, y dressaient leurs tentes, ruinaient toutes les espérances de la récolte, ne laissaient rien des choses nécessaires à la vie, ni troupeaux, ni moissons. Les enfants d'Israël furent durement courbés sous le joug de Madian.
Leur voix s'éleva suppliante vers le Seigneur qui leur envoya son prophète. Le prophète parla ainsi : « Voici ce que dit le Seigneur, le Dieu d'Israël. Je vous ai fait sortir d'Egypte et je vous ai tirés d'un séjour de servitude, je vous ai délivrés de la main des Egyptiens et de tous les ennemis qui vous affligeaient ; à votre arrivée j'ai chassé d'ici les Amorrhéens, je vous ai donné leur terre et je vous ai dit : Je suis le Seigneur votre Dieu, ne craignez pas les dieux des Amorrhéens dont vous habitez le pays, et cependant vous n'avez pas voulu entendre ma voix. »

Le Seigneur leur envoya aussi son Ange. Et l'Ange vint s'asseoir sous un chêne, à Ephra, dans le domaine de Joas, père de la famille d'Esri.
Gédéon, son fils, était occupé à battre et à vanner le blé, en cachette, dans son pressoir, afin de le soustraire aux mains rapaces des Madianites.
L'Ange du Seigneur apparut à Gédéon, et lui dit : « Le Seigneur est avec vous, ô vaillant guerrier. »
Gédéon lui répondit : D'ou vient donc, mon Seigneur, que tant de maux nous accablent, si Dieu est avec nous ? Où sont les merveilles que rappelaient nos pères, quand ils disaient : Le Seigneur nous a tirés de l'Egypte ? Et maintenant le Seigneur nous a abandonnés et livrés entre les mains des Madianites.
L'Ange le regarda et lui dit : « Va, dans cette force dont tu es rempli, et tu délivreras Israël du joug de Madian. Va, c'est moi qui t'envoie.
- Hélas, reprit Gédéon, comment pourrai-je, mon Seigneur, délivrer Israël. Ma famille est la dernière dans Manassé, et je suis le dernier dans la maison. de mon père.
- Je serai avec toi, dit encore l'Ange, et tu terrasseras les Madianites comme un seul homme.
- Si j'ai trouvé grâce devant vous, ô mon Dieu, repartit Gédéon, faites-moi connaître que c'est vous qui me parlez : ne vous éloignez pas d'ici avant que je ne revienne vous apporter mon offrande.
- J'attendrai ton retour, dit l'Ange.
Gédéon rentra dans sa demeure, fit cuire un chevreau et prépara du pain sans levain avec une mesure de farine ; puis, ayant mis la viande dans une corbeille et le jus de la viande dans un vase, il apporta le tout sous le chêne et l'offrit à l'envoyé céleste.
L'Ange du Seigneur ajouta : « Prends la viande et le pain sans levain, mets-la sur cette pierre et verses-y le jus.
Gédéon le fit docilement. L'Ange alors étendit l'extrémité du bâton qu'il tenait à la main, en toucha la viande et les pains sans levain, et aussitôt une flamme sortit de la pierre et consuma le sacrifice.
Quand l'Ange eut disparu, Gédéon dit, surpris et effrayé : « Hélas ! que m'adviendra-t-il ? J'ai vu l'Ange du Seigneur face à face. »
Le Seigneur le rassura : « La paix soit avec toi, lui dit-il, ne crains rien, tu ne mourras pas. »
Gédéon éleva un autel en ce lieu et l'appela « la Paix du Seigneur », nom qu'il a gardé jusqu'à ce jour.

*
*       *

Comme Gédéon était encore à Ephra, le Seigneur lui dit, la nuit suivante : « Prends un taureau de ton père et un autre taureau âgé de sept ans ; puis, renverse l'autel de Baal et brise son idole. Dresse encore au Seigneur, ton Dieu, un autel sur cette pierre où tu as offert un sacrifice, et prends le second taureau que tu offriras en holocauste. »
Emmenant dix de ses serviteurs, Gédéon fit ce que le Seigneur lui commandait. Il n'osa cependant le faire durant le jour, il attendit la nuit.
Le lendemain, dès le matin, les habitants de la ville virent l'autel de Baal renversé, l'idole mise en pièces et le second taureau sur l'autel qui venait d'être élevé.
Alors ils se dirent les uns aux autres : « Qui donc a commis cette profanation ? » Et comme ils cherchaient l'auteur de ce forfait, il leur fut dit : « C'est Gédéon, fils de Joas, qui est le coupable. »
Ils dirent donc à Joas : « Amène ici ton fils, afin qu'il meure, car il a renversé l'autel de Baal et détruit son idole. »
Mais Joas de répondre : « Est-ce à vous de venger Baal et de combattre pour lui ? Que celui qui est son ennemi meure avant que le jour de demain soit venu. Si Baal est Dieu, qu'il venge lui-même son injure et punisse le criminel. » Depuis ce jour, Gédéon fut appelé Jérobaal, à cause de cette parole prononcée par Joas, son père : « Que Baal se venge de celui qui a renversé son autel. »

Cependant les Madianites, les Amalécites, tous les peuples de l'Orient s'unirent ensemble et ayant passé le Jourdain, ils vinrent camper dans la vallée de Jezrael.
Mais l'esprit du Seigneur revêtit Gédéon qui, sonnant de la trompette, appela à lui toute la maison d'Abiézer. Il envoya aussi des messagers aux tribus de Manassé, d'Azer, de Zabulon et de Nephtali, et les hommes de ces tribus vinrent le rejoindre.
Gédéon dit alors au Seigneur : « Si vous voulez vous servir de ma main pour sauver Israël, je mettrai dans l'aire cette toison, et si toute la terre demeurant sèche, la rosée ne tombe que sur la toison, je reconnaîtrai par là que vous avez choisi mon bras pour délivrer Israël. »
L'épreuve proposée par Gédéon se réalisa. S'étant levé le matin, il pressa la toison et i1 en sortit une abondante rosée, tandis qu'autour la terre était sèche. Cette épreuve ne lui suffit pas encore. De nouveau, il s'adressa au Seigneur : « Que votre colère ne s'allume pas, ô mon Dieu, si je demande encore un nouveau signe dans la toison. Faites, je vous en supplie, que toute la terre soit couverte de rosée et que seule la toison demeure sèche. »
Le Seigneur fit, cette nuit même, ce que Gédéon demandait, la rosée tomba abondante sur la terre, seule la toison demeura sèche.

Gédéon demande au Seigneur un double signe pour fixer sa foi. Moïse avait hésité un instant à la parole sacrée, il avait été puni de ce manque de foi, il s'arrêta au seuil de la Terre promise ; pauvre exilé, il ne posséda pas la patrie !
Gédéon hésite plus encore, et cependant il voit sa conduite approuvée de Dieu. Y aurait-il donc contradiction de Dieu, et son esprit mobile, comme l'esprit des hommes, pourrait-il approuver demain ce qu'il réprouve aujourd'hui ?
La contradiction n'est qu'apparente, car les deux situations ne sont pas identiques. Moïse est déjà chef de peuple, il a connu les conseils et, pour ainsi dire, la gloire du Tout-Puissant ; il a vu face à face le Dieu du Sinaï. Moïse est sans excuse.
Gédéon est le plus humble de la plus humble famille de Manassé. Peut-il se croire si vite appelé à devenir le chef d'Israël ? Son hésitation n'est qu'humilité profonde et sage prudence. Et Dieu bénit cette humilité, accède au désir de l'humble qui l'implore. Nulle contradiction dans l'action diverse du Seigneur à l'égard de Moïse et de Gédéon.

Ainsi parfois – qu'on permette ce mot encore - de l'action de Dieu dans l'Eglise et par l'Eglise. L'Eglise, dans sa discipline, ses lois morales, subit non pas une évolution véritable, mais des modifications de détail qui étonnent les esprits superficiels, parfois même scandalisent les faibles.
L'Eglise, la religion, changeraient-elles donc ? Non certes, mais les circonstances changent et l'Eglise, gardienne fidèle toujours de la foi et des moeurs, sait aussi, pour le plus grand bien de ses enfants, s'adapter aux circonstances, dans la mesure du possible. Et cette condescendance de notre sainte Mère l'Eglise ne fait, en aucune façon, péricliter ni le dogme ni la morale.

L'Ange Gardien – Novembre 1899 – pp.219-221 & Décembre 1899 - pp.255-257


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Gédéon et les soldats de Dieu

Encouragé par les prodiges que le Seigneur avait faits sur ses demandes, certain désormais d'obéir à Dieu, Gédéon se mit à la tête des Israélites et marcha contre les ennemis. Son armée était forte de trente-deux mille hommes.
Mais le Seigneur, qui ne voulait pas qu'Israël put se glorifier de ses victoires dit, par son Ange, à Gédéon : « Votre armée est beaucoup trop nombreuse ; Madian ne sera pas livré entre les mains de cette multitude, de peur qu'Israël ne dise que c'est par ses propres forces qu'il a été délivré. Faites donc publier cet ordre : « Que celui qui est timide et craintif s'en retourne. »
Il ne resta que dix mille soldats.
« C'est encore trop, dit le Seigneur. Menez ceux-ci près du Jourdain, et ne gardez avec vous que ceux qui se contenteront de prendre un peu d'eau dans la main sans se mettre à genoux. »
C'était le soir ; les soldats étaient harassés de fatigue et mouraient de soif. Trois cents hommes seulement ne s'agenouillèrent pas pour boire à longs traits.
« Allez, dit le Seigneur, c'est avec ces trois cents soldats que vous vaincrez les Madianites. »
Gédéon donna à chaque homme une trompette, un vase de terre et un flambeau allumé ; puis il conduisit sa petite troupe sur une hauteur. « Faites ce que vous me verrez faire, dit-il ; quand vous entendrez sonner de la trompette, vous sonnerez aussi autour du camp, et vous crierez ensemble : L'épée du Seigneur et de Gédéon ! »

Au milieu de la nuit, un Ange révéla à Gédéon que Dieu allait lui livrer les Madianites. Il divisa les Israélites en trois bandes, et à l'approche du camp ennemi, il leur ordonna de sonner de la trompette, de briser les vases les uns contre les autres, et de s'écrier : L'épée du Seigneur et de Gédéon !
Réveillés en sursaut, effrayés du bruit, épouvantés a l'éclat de tant de flambeaux, les Madianites, saisis d'une folle terreur, tournèrent leurs armes contre eux-mêmes. Ceux qui sortaient du camp tombaient entre les mains des Israélites, et en peu de temps fut anéantie cette armée naguère si formidable. Ainsi Gédéon fut vainqueur sans avoir presque combattu.

Animés d'une vive reconnaissance envers leur chef, les Israélites voulaient le proclamer roi.
« Régnez sur nous, vous et vos descendants, lui dirent-ils, puisque vous nous avez délivrés de la cruelle servitude de Madian.
- Non, répondit Gédéon, je ne régnerai pas sur vous, et mes enfants ne porteront pas la couronne. Votre roi, c'est le Seigneur. »
Il continua cependant à gouverner Israël en qualité de juge, pendant quarante ans, et mourut dans une heureuse vieillesse, glorifiant Dieu de l'avoir constamment dirigé par la voix et la main de son Ange.

Que de salutaires, de réconfortantes réflexions inspirent la vie et les actes de ce héros d'Israël ! Dieu le choisit pour délivrer son peuple de la servitude, et il confirme cette élection par des grâces extraordinaires, par des miracles même, afin d'encourager son serviteur à suivre fidèlement sa vocation.
Ainsi en est-il pour chacun de nous, dans la voie que Dieu nous a tracée. Si nous sommes fidèles à notre vocation, si nous en remplissons bien les devoirs qu'elle nous impose, Dieu ne nous refusera pas les grâces spéciales dont nous aurons besoin pour réaliser ses desseins sur nous et assurer notre salut éternel.
Gédéon allant combattre les ennemis avec trente-deux mille hommes, et n'arrivant sur le champ de bataille qu'avec trois cents soldats, est la figure de Notre-Seigneur qui nous conduit à la victoire sur nos ennemis.
Tous les chrétiens ne se rendent pas à l'appel divin ; il en est qui préfèrent leurs passions à leurs devoirs ; d'autres répondent d'abord à cet appel de Dieu, mais ils ne persévèrent pas, non pas que la grâce leur manque, mais ils ont peur de combattre ; ils craignent d'acheter par trop de sacrifices la palme céleste de leur victoire sur le démon et leurs passions. Hélas ! combien qui se retirent alors loin de Dieu et compromettent gravement leur salut !
Enfin, d'autres suivent résolument leur vocation et y sont toujours fidèles. Comme les trois cents meilleurs soldats de Gédéon, qui ne s'attardent pas dans leur chemin pour boire à longs traits, ils usent des choses de la vie seulement en passant, par nécessité, et sans y attacher leur coeur. Ce sont les vrais soldats de Dieu et la force invincible de l'Eglise.
Les vaillants soldats israélites allaient au combat portant des vases de terre qui renfermaient des flambeaux allumés. Ces vases représentent la faiblesse de notre corps. Dans le vrai chrétien, quand la mort brise ce corps fragile, son âme apparaît plus éclatante, plus radieuse aux yeux des Anges et des hommes : il a remporté la victoire définitive sur les ennemis de son salut, et il reçoit en récompense la glorieuse couronne des élus.

L'Ange Gardien – Janvier 1900 – pp.292-295


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L'Ange de Samson

Les enfants d'Israël ayant encore commis le mal devant 1e Seigneur, furent livrés, pendant quarante ans, aux mains des Philistins.
Or, un Ange apparut à la femme de Manué, de la race de Dan, et qui habitait Saraa. Il lui annonça la naissance d'un fils. « Vous aurez un fils, lui dit-il, dont le rasoir ne devra jamais toucher la tête, car il sera Nazaréen, c'est-à-dire consacré à Dieu dès son enfance. Gardez-vous de lui faire boire du vin, ni aucune liqueur enivrante. C'est lui qui délivrera Israël de l'oppression étrangère. »
L'Ange apparut aussi à Manué et lui confirma la prédiction déjà faite à sa femme. Manué offrit un sacrifice en action de grâce ; l'Ange s'envola dans les flammes de ce sacrifice, comme pour marquer l'adoration qui est due à Dieu.
L'enfant vint au monde ; on lui donna le nom de Samson, qui veut dire fort. Il grandit, béni de Dieu qui le doua, en effet, d'une force extraordinaire. L'esprit du Seigneur fut avec lui : il devint le juge et le sauveur d'Israël, par des actes vraiment merveilleux que raconte la sainte Ecriture. Il devait être aussi la figure, voilée parfois, jamais méconnaissable, du Sauveur du monde.

Le rapprochement est facile entre maints événements de ces deux vies.
Un Ange annonce la naissance de Samson, comme il annonce également l'Incarnation du Sauveur. Samson est Nazaréen, c'est-à-dire consacre au Seigneur ; le Christ lui aussi est Nazaréen ; en tant qu'homme, il est non seulement consacré, mais uni à Dieu ; il est l'Homme-Dieu, Dieu et homme tout ensemble. Samson est à la fois libérateur et juge ; le Christ est de même Rédempteur et Roi, juge et vengeur.
Le rayon de miel est produit dans la gueule du lion terrassé par Samson : la vie naît du sein de la mort. N'est-ce pas la résurrection du Christ, la vie victorieuse de la mort ?
Samson épouse une femme étrangère ; le Christ se choisit l'Eglise, mystique épousée, où les gentils, les nations étrangères tiennent la première place, et la plus considérable.
Avec un vil ossement, Samson écrase les Philistins ; avec et par la croix, signe d'ignominie, le Christ a vaincu le démon et le monde.
Samson enlève les portes de Gaza, rompant l'obstacle qui devait l'enfermer ; le Christ brise les portes de l'enfer qui se fût à jamais fermé sur nous.
Les ressemblances éclatent dans l'opprobre comme dans le triomphe. Samson est trahi, vendu par Dalila ; Jésus est trahi, vendu par Judas. Les Philistins se jouent de Samson, après lui avoir arraché les yeux ; les bourreaux, après avoir bandé les yeux de Jésus, se jouent de lui, le frappent et disent : « Christ, dis-nous qui t'a frappé ? »
Samson s'immolant pour le salut d'Israël, détruit par sa mort le temple de Dagon ; le Christ, s'immolant sur la croix pour le salut du monde, détruit l'empire des idoles.

La vie de Samson ! hélas, il faut bien le dire, n'offre pas que ces ressemblances. Les ombres voilent la lumière parfois. Trop souvent, à côté de l'homme inspiré, Samson nous montre les pires faiblesses de l'homme aveuglé par les passions. Oublions ces faiblesses, éloignons de cette grande figure ce qui fit maintes fois rougir son Ange, pour n'y voir que ce qui rappelle Dieu lui-même.
Le diamant a ses scorie qui obscurcissent son éclat. Dégagé de ses scories, il reflète, en rayons étincelants, la claire lumière du soleil. Par la miséricorde divine, - par le joaillier divin, - dégagé des faiblesses qui l'obscurcissent, Samson reflète et renvoie à tous les siècles, les plus purs, les plus étincelants rayons du soleil de justice.

L'Ange Gardien – Février 1900 – pp.327-329


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L'Ange et Samuel

Samuel, l'enfant du miracle, le fils de la vieillesse, avait été consacré au Seigneur par Anne sa mère, et il grandissait en grâce et en sagesse, servant le grand-prêtre Héli à l'autel. Son âme se portait d'elle-même à la vertu, à la piété la plus sincère ; il était agréable à Dieu et aux hommes.
La parole du Seigneur était alors rare en Israël, dit l'Ecriture ; et depuis longtemps on n'y connaissait plus guère de prophétie ni de vision. Héli, fort vieux et presque aveugle, était d'une grande faiblesse à l'égard de la conduite très répréhensible de ses fils.
Un prophète cependant l'avait averti déjà du malheur qui le menaçait à cause des fautes de ses enfants, et des moyens de le conjurer. Mais cet avertissement, tout en impressionnant vivement le grand-prêtre, ne lui donna pas le courage de sévir contre les coupables.

Une nuit, Héli reposait sur sa couche ; non loin de lui, dans le temple du Seigneur, dormait le jeune Samuel.
La lampe du sanctuaire n'était pas éteinte encore ; l'enfant entendit une voix qui l'appelait : Samuel, Samuel !
- Maître, me voici, puisque vous m'avez appelé, répondit-il en se présentant à Héli.
- Je ne vous ai point appelé, retournez et dormez. Il s'en alla et dormit. De nouveau, la voix s'éleva dans le silence de la nuit : Samuel, Samuel !
L'enfant accourut vers le grand-prêtre.
- Maître, me voici, car vous m avez appelé !
- Mon fils ! je ne vous ai point appelé. Retournez et dormez.
Une troisième fois, le même appel retentit ; et Samuel alla encore trouver Héli : « Vous m'avez appelé, Maître, me voici. »
Le grand-prêtre reconnut alors que c'était une voix du ciel qui appelait l'enfant :
- Allez et dormez, lui dit-il, et si la voix retentit une fois encore, vous répondrez : Parlez, Seigneur, car votre serviteur écoute.

Samuel regagna sa couche et de nouveau s'endormit. La voix s'éleva encore dans la nuit : Samuel. Samuel !
- Parlez, Seigneur, votre serviteur écoute.
La voix poursuivit : « Je vais faire en Israël une chose que nul ne pourra entendre sans que les oreilles lui tintent d'étrange sorte. J'exécuterai mes menaces contre Héli. Je commencerai et j'achèverai. Je punirai à jamais sa maison, à cause de son iniquité, parce que sachant que ses fils se conduisent indignement, il n'a pas osé les corriger. »
Le lendemain matin, Samuel craignait de révéler à Héli sa vision. Au moment où il ouvrait les portes du temple, Héli l'appela :
- Samuel, mon fils ! que vous a dit le Seigneur ? Ne me cachez rien, je vous en prie. Que le Seigneur vous traite avec toute sa sévérité, si vous me cachez, une seule des paroles qui vous ont été dites !
Samuel parla sans rien dissimuler.
- Il est le Seigneur, dit le vieillard attristé, qu'il fasse ce qui est juste à ses yeux !

Quelque temps après arrivaient les malheurs prédits : Israël était vaincu, l'Arche du Seigneur était prise, les deux fils d'Héli trouvaient la mort dans la défaite. A la nouvelle de ce désastre, le grand-prêtre, accablé de douleur, s'évanouit et tomba de son siège. Dans sa chute, il se fendit la tête et mourut de sa blessure.
Le Seigneur avait commencé sa vengeance ; il devait l'accomplir jusque sur les derniers descendants d'Héli. Exemple terrible et bon à méditer, de nos jours encore, par les parents trop faibles devant l'inconduite de leurs enfants.

Laissons de côté ces pensées pour voir dans ce récit le rôle des Anges.
Cette voix qui parle dans la nuit au jeune Samuel, c'est la voix de Dieu par l'entremise d'un de ses Anges.
De même, lorsque tout semble dormir dans le sanctuaire, et que la lampe sacrée y veille seule, comme une faible image de la lumière éternelle, le monde séraphique est là, toujours présent devant le Saint des Saints, et toujours aussi les célestes Intelligences sont prêtes à porter les paroles du Seigneur à l'oreille et au coeur de ses fidèles.
Heureux ceux qui s'éveillent à cette voix, et qui l'écoutent dociles, comme le jeune Samuel !

L'Ange Gardien – Mars 1900 – pp.363-365


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L'Ange du Mont Moriah

Le roi David est arrivé au faîte de la gloire et de la puissance ; l'orgueil a germé - plante empoisonnée - dans son coeur royal, et dans une pensée de vaniteuse complaisance, il veut connaître le nombre de ses sujets.
A cette pensée déjà coupable aux yeux du Seigneur, l'ambition, fille de l'orgueil, apporte encore sa malice et une plus grande culpabilité. Ses forces connues, David rêvera de nouvelles conquêtes, rêvera de vastes provinces à ajouter encore à son immense royaume.
Joab, le serviteur fidèle et éclairé, Joab a clairement vu la faute et en a prévu les tristes conséquences. Il fait observer à son maître ce que ses projets ont de criminel, de contraire à la volonté du Très-Haut.
Inutile dévouement, paroles vaines, le roi n'écoute pas ses conseils courageux ; de plus, il ordonne à son fidèle serviteur d'être le principal ouvrier de cette oeuvre d'orgueil et d'ambition.
Joab parcourt donc toutes les terres soumises à la domination de David. Au bout de neuf mois et vingt jours, il peut présenter au roi les rôles du recensement qui portent les combattants d'Israël au chiffre considérable de treize cent mille hommes.
Dommage suit orgueil. Le roi David allait en faire la dure et triste expérience. Il reconnaît sa faute, il la confesse, mais trop tard pour conjurer l'expiation.
Le peuple ayant partagé l'ivresse de son roi devra en partager le châtiment : les membres doivent pâtir de tout le mal qui arrive a la tête.
Le prophète Gad se présente à la cour ; il parle au nom du Seigneur ; il édicte la sentence, le châtiment : ou la famine durant trois ans, ou la guerre durant trois mois, ou la peste durant trois jours. Au roi de choisir. Le roi choisit la peste. Elle commence ses ravages, et les populations terrifiées comptent déjà par milliers les victimes du terrible fléau. Jérusalem n'est point épargnée : l'Ange exterminateur est apparu, l'épée nue à la main, entre le ciel et la terre, sur le sommet de Moriah, près de l'aire d'Areuna.
David a vu l'Ange exterminateur, et son coeur a été saisi d'épouvante. Areuna aussi l'a vu ; il travaillait avec ses quatre fils à battre le blé dans son aire, lorsque l'Ange a brandi le glaive terrible sur Jérusalem. Glacés d'effroi, le père et les fils se cachent.
A peine revenus de leur stupeur, ils aperçoivent David, suivi de ses officiers, gravissant la montagne, se dirigeant vers leur demeure.
Areuna se présente au roi, lui rend ses profonds hommages. David lui fait connaître son intention d'acheter son aire pour y dresser un autel au Seigneur. Avec le plus généreux empressement, Areuna offre non seulement son aire, mais encore ses boeufs pour l'holocauste, du blé pour le gâteau sacré, ses instruments aratoires pour le bois nécessaire.
David n'accepte pas ce don gratuit. Il achète l'aire et les boeufs ; il dresse un autel, il offre l'holocauste, les hosties pacifiques, et le Seigneur, réconcilié avec Israël, fait cesser le fléau.
David élève un autel en expiation. Toutes les générations chrétiennes ont imité son exemple ; elles ont élevé des églises, témoignage de reconnaissance pour les grâces reçues, offrande à Dieu pour le châtiment conjuré.
Une génération a passé ; la France faisait avec orgueil le dénombrement de ses richesses ; elle aussi comptait les hommes capables de porter les armes, et elle s'enorgueillissait, oubliant, dans sa vie publique du moins, de rapporter à Dieu tout honneur et toute gloire.
Orgueil, hélas ! bien châtié ! Ce ne fut pas la peste, ce fut la guerre, la guerre maudite qui met encore le deuil au front de la patrie mutilée. Le peuple offrit alors un monument expiatoire, peu à peu, d'année en année, élevé sur le mont des Martyrs. L'aube d'un siècle nouveau verra le couronnement de cette oeuvre immense. Le sacrifice y est déjà offert, et l'Ange de la France plane, invisible, sur le mont, sur la grande ville, sur la nation entière.
Levons nos regards sur la sainte montagne, et, dans nos coeurs, unissons dans un même amour, au mont des Martyrs, le culte du Sacré-Coeur, le culte de l'Ange gardien de la patrie.

L'Ange Gardien – Avril 1900 – pp.399-401


A suivre...


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