Les saints Anges gardiens

Textes de référence


« Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits, car je vous le dis, leurs anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux. »
(Mt 18, 10)





  Pierre Angély

"Les Anges dans le monde" - Extraits de la revue L'Ange Gardien, 1897-1900.

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L'Ange d'Elie

Depuis trois ans, une sécheresse intense désolait le pays d'lsraël ; Jéhovah punissait, par ce fléau, la défection de son peuple.
Un prodige allait ramener ce peuple ingrat.
Elie, le grand prophète, propose aux prêtres de Baal un singulier défi. Qu'ils immolent une victime, et qu'à leur prière Baal fasse tomber le feu du ciel sur l'holocauste. Lui, à son tour, immolera sa victime, il priera son Dieu, et l'événement prouvera quel est le vrai Dieu, de Baal ou de Jéhovah.
Le défi est accepté, mais les prêtres de Baal invoquent en vain leur dieu impuissant. A la parole d'Elie, le feu du ciel consume instantanément l'holocauste.
L'épreuve est décisive : le peuple acclame Jéhovah ; et le prophète annonce 1a pluie désirée, 1a pluie féconde, au peuple ainsi revenu à son Dieu. Sa prédiction se vérifie sur l'heure.
Mais la défaite des prêtres de Baal avait un autre dénouement. Convaincus d'erreur et d'imposture, ils devaient, de par la loi, subir la peine de mort.
La loi leur fut appliquée dans toute sa rigueur ; les faux prophètes furent tués sur les bords du Cédron, qui servit de tombe à leurs cadavres.

Elie avait certes manifesté suffisamment que la puissance de Dieu était en lui. Le roi Achab s'était incliné devant cette puissance : mais la reine Jézabel ne veut pas s'avouer vaincue, et elle vengera dans le sang d'Elie la mort des faux prophètes ses amis, naguère admis à sa table. « Que les dieux, fait-elle dire à Elie, me traitent dans toute leur sévérité, si demain, à cette heure, je ne fais de votre vie ce que vous avez fait de la vie de chacun d'eux. »
Elie eut peur à cette menace d'une femme aveuglée par la haine ; il eut peur, lui, le prophète favorisé des dons de Dieu ; et sans retard il partit, cherchant son salut dans la fuite.
Il vint à Bersabée de Juda et y laissa son serviteur. Mais lui, ne se croyant pas encore en sûreté sur les terres de Josaphat, alors l'allié d'Achab, s'éloigne dans la direction du désert. Il fait ainsi une journée de marche, sept à huit lieues sans doute, sous la lumière ardente, sous le soleil aveuglant.
Brisé par l'émotion, épuisé par une course si rapide, si pénible, il s'arrête et s'assied à l'ombre d'un genévrier. « Assez, Seigneur, retirez mon âme de mon corps, dit-il, car je ne suis pas meilleur que mes pères. » Et il s'endort à l'ombre de l'arbuste.
Pendant son sommeil, le Seigneur réconforte son prophète. Un Ange le touche et lui dit : « Lève-toi et mange. » Elie regarde et voit auprès de sa tête un pain cuit sous la cendre et un vase plein d'eau ; il mange, il boit, puis de nouveau s'endort d'un sommeil réparateur.
L'Ange du Seigneur revient, le touche encore et lui dit : « Lève-toi et mange ; car bien longue est la route que tu dois parcourir encore. »
Elie se lève, et, fortifié par cette nourriture, il marche jusqu'à Horeb, la montagne de Dieu...

Les saints n'ont pas toujours vécu dans une sorte de transfiguration perpétuelle. L'aigle vole au soleil, mais, l'aile alourdie parfois, il descend au creux des vallons.
Les saints ont lutté, le regard fixé vers Dieu, mais parfois, dans la fatigue et l'ennui de la lutte, eux aussi se sont écriés avec le prophète : « Assez, Seigneur, prenez plutôt notre vie, mais arrachez-nous à l'épreuve, angoissante, terrible. »
Dieu écoute cette prière de la pauvre âme humaine fléchissant sous le poids, et, d'ordinaire, alors il intervient par son Ange.
L'Ange, sur l'ordre de Dieu touche le bon et fidèle serviteur : « Lève-toi et mange, dit-il, et il montre l'Autel. Ce n'est plus le pain cuit sous la cendre, ce n'est plus l'eau de la source ou du torrent, c'est le vrai pain qui donne la vie, c'est le vrai vin qui réjouit le cœur de l'homme épuisé, c'est l'Eucharistie, le Corps et le Sang d'un Dieu donnés à l'homme. »
Et si timide, si apeuré soit-il, si courbé sous le malheur ou l'ennui, l'homme alors relève la tête, il peut tout désormais en Celui qui le fortifie ; il se lève, il marche, jusqu'à la montagne du Seigneur, le Paradis des élus que la main de l'Ange lui montre comme le but à atteindre.

L'Ange Gardien – Mai 1900 – pp.3-6


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L'Ange, Messager de mort

Tombé du haut d'une fenêtre de son palais, le roi Ochozias avait le corps tout meurtri et était en danger de mort.
- Allez, dit-il à ses serviteurs, consulter Béelzébub, le Dieu d'Accaron, pour savoir si je me relèverai des suites de cette malheureuse chute.

En même temps, l'Ange du Seigneur apparaissait au prophète Elie, et lui ordonnait d'aller au devant des gens du roi et de leur dire : « N'est-il point de Dieu en Israël pour que le roi consulte Béelzébub, idole, d'Accaron ? A cause de cela, Ochozias ne se relèvera pas du lit où il est couché, car i1 va mourir. »
Le prophète s'acquitta de sa mission et les serviteurs du roi s'en retournèrent vers leur maître et lui redirent les paroles menaçantes d'Elie.
Ochozias ordonna à un de ses officiers de prendre avec lui cinquante soldats et de se saisir du prophète. L'officier gravit la montagne d'Horeb où Elie s'était retiré.
- Homme de Dieu, lui dit-i1, le roi vous commande de descendre.
- Si je suis homme de Dieu, répondit le prophète, pourquoi me donnez-vous des ordres ? Que le feu du ciel tombe sur vous et vous consume ! »
A l'instant, une flamme céleste enveloppa l'officier avec ses hommes et les consuma. Pareil sort advint à un second officier plus arrogant encore. Un troisième, terrifié de la triste fin de ses compagnons, supplia humblement le prophète de lui saurer la vie et de l'accompagner auprès du roi.
En même temps, l'Ange du Seigneur disait à Elie : « Descends avec cet homme et ne crains rien. »

Elie se leva et suivit l'officier. Arrivé devant le roi, il lui répéta sa sinistre prophétie : « Puisque vous vous êtes confié en Béelzébub, au lieu de consulter le Dieu de vos pères, vous ne vous lèverez pas du lit où vous reposez ; vous mourrez. »
Ochozias mourut, en effet, de ses blessures, ainsi que l'avait annoncé l'Ange du Seigneur, par la bouche d'Elie, le prophète de Thesbé.

L'homme de Dieu, le porte-parole de Dieu, le prophète est persécuté. Dieu le soutient, le défend et venge sa cause.
Ainsi en est-il toujours, car Dieu, qui est tout puissant, fait toujours exécuter ses ordres, et il a promis le triomphe de son Eglise : « Les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle » a-t-il dit, à ses apôtres, à ses prêtres, à ses disciples. C'est même la réalisation perpétuelle, constante de cette parole divine qui a donné naissance à ce dicton populaire : « Qui mange du prêtre en meurt. »
Tous les persécuteurs du prêtre, ministre de Jésus-Christ, ont senti la main de Dieu s'appesantir sur eux. Sans suivre le cours des siècles et citer les preuves frappantes qui forment l'histoire de l'Eglise, en voici trois exemples mémorables : Louis XIV, Napoléon 1°, Bismarck.

A l'apogée de sa gloire, Louis XIV veut asservir le sacerdoce, imposer sa volonté aux prêtres qui doivent, au nom de Dieu, enseigner la doctrine catholique aux fidèles. L'épreuve arrive bientôt, épreuve familiale et patriotique.
Au sein de sa famille royale, la mort frappe des coups terribles, imprévus ; et bientôt de toute cette belle famille, il ne reste qu'un enfant au berceau, et le vieux roi, cadavre ambulant galvanisé par une héroïque énergie. La famine a désolé son peuple, la victoire lui est infidèle, son royaume est dévasté par l'ennemi qui envoie ses coureurs jusqu'aux portes de la capitale. Dieu venge sa cause et son Eglise.
Enfin, Louis XIV reconnaît ses torts, il s'humilie devant Dieu, il rend la liberté à l'Eglise et Dieu, dont l'infinie miséricorde égale son éternelle justice, auréole les derniers jours du monarque d'un nouveau rayon de gloire.

Napoléon veut lui aussi dicter des ordres à l'Eglise, faire du sacerdoce un appui de sa puissance. Lui, le restaurateur de l'Eglise en France, veut que la religion devienne l'instrument de son fol orgueil, l'esclave de sa politique. Et pour arriver à ses vues ambitieuses, il ne recule même pas devant le sacrilège, en faisant enlever de Rome le Souverain Pontife, et en l'emmenant prisonnier en France. Hélas ! le génie même qui se laisse guider par les passions, peut commettre de pareilles fautes !
L'Espagne et la Russie seront pour lui la verge de Dieu, en attendant l'Europe entière avide à la curé, et surtout impatiente d'humilier le puissant empereur. En ses longues et solitaires méditations sur le roc rongé des vagues, battu des vents, de Sainte-Hélène, Napoléon a-t-il reconnu ses torts envers l'Eglise, s'est-il repenti d'avoir emprisonné le successeur de l'apôtre Pierre, et d'avoir voulu asservir le sacerdoce à ses vues orgueilleuses ? Il est doux de le croire, au souvenir de sa mort chrétienne.

Bismarck s'est efforcé, il y a peu d'années encore, de persécuter la religion catholique dans la personne de ses ministres. Qu'est-il arrivé ? Le perpétuel recommencement et l'ordinaire conclusion.
Le prêtre a souffert, mais il a prié, mais il est resté fidèle à son devoir de pasteur des âmes, et Dieu a bientôt révélé sa main : le chancelier de fer a dû s'avouer vaincu ; la disgrâce a suivi, accablant ses derniers jours, et le grand homme de l'Allemagne est mort rongé par de mesquines rancunes.
La main de Dieu s'était appesantie sur lui, comme sur tous les persécuteurs de la religion du Christ.

Mêmes causes amènent mêmes effets, qu'il s'agisse des grands, jetés au bas de leur piédestal par l'impopularité de leurs actes irréligieux et d'immenses revers, ou simplement des tyranneaux de village, jouant au potentat, surtout par l'impiété, dans l'horizon borné dune humble commune. Après avoir poursuivi le prêtre de leurs haines sournoises, de leurs mesquines tracasseries, de leurs calomnies infâmes, on les voit s'affaler dans la honte, parfois même sur les bans de la cour d'assises, donnant une perpétuelle actualité à l'antique parole : Ne touchez pas aux élus du Seigneur !

L'Ange Gardien – Juin 1900 – pp.39-42


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L'Ange exterminateur

A l'exemple du saint roi David, Ezéchias, nous dit l'Ecriture, fit ce qui était bon et agréable devant le Seigneur ; et Dieu qui, pour augmenter les mérites de ses fidèles, leur envoie parfois l'épreuve amère, n'épargna point à ce serviteur cette marque de sa bonté, cette pierre de touche de la véritable fidélité.
Ezéchias avait eu, depuis quatorze ans, un règne prospère et glorieux, quand à la prospérité succéda l'adversité. Sennachérib, roi des Assyriens, envahit la Palestine, assiégea et prit une à une les villes de Judée. En vain, Ezéchias essaya de le fléchir en lui livrant tous les trésors de l'Etat et du temple ; Sennachérib accepta les trésors et ne donna pas la paix demandée.
Il envoya sous les murs de Jérusalem, Rabsacès, général de ses armées, proférer devant le peuple réuni les menaces les plus terribles. Lui-même écrivit à Ezéchias : « Prenez garde, lui dit-i1, de vous laisser séduire par votre Dieu ; vous seriez le seul qui échapperiez à ma puissance. »
Aux menaces, Sennachérib ajouta les promesses. Les juifs effrayés ou séduits voulaient à tout prix se soumettre au puissant roi des Assyriens. Ezéchias, en ce cruel embarras, recourut à la prière ; il se rendit au temple.
« Seigneur, Dieu d'Israël, qui êtes porté sur l'aile des Chérubins, vous seul êtes le Dieu de l'univers, le Créateur du ciel et de la terre... Délivrez-nous, Seigneur, des mains de ce roi, afin que toutes les nations apprennent que vous êtes le seul Dieu. »
Isaïe, le voyant d'Israël, ranime son courage. Il le rassure au nom du Seigneur. « Le roi des Assyriens n'entrera pas dans la ville : il ne tirera pas de flèches contre ses murailles, les remparts ne seront point forcés. »

Cependant Sennachérib arrive devant Jérusalem, il dresse ses tentes au midi, près de la piscine supérieure, et commence les travaux du siège.
Isaïe s'adresse au Seigneur : « Dieu d'Israël, s'écrie-t-il, ayez pitié de nous qui mettons en vous notre espérance, frappez ces ennemis de votre gloire... »
Or, le Seigneur lui répondit : « Je vais descendre sur la montagne de Sion pour combattre mes ennemis, pareil au lion rugissant qui se précipite sur sa proie... Tel que l'oiseau qui passe en volant, ainsi l'Eternel passera bientôt sur Jérusalem, pour sauver son peuple, renouvelant les prodiges qu'il fit autrefois en Egypte, lorsqu'il passa durant la nuit, épargnant les maisons des Hébreux, frappant les Egyptiens, leurs oppresseurs. »
Sennachérib presse les travaux du siège. Les préparatifs terminés, remettant au lendemain l'assaut décisif, il donne à ses troupes une journée de repos. Tout est calme, le temps, les assiégeants, les assiégés.
Le soir arrive et tout est terreur. L'air s'obscurcit, les vents se déchaînent, un orage épouvantable éclate, le fracas du tonnerre retentit de vallée en vallée, les éclairs se succèdent avec une effrayante rapidité, la terre tremble, les tours des assiégeants s'écroulent, une grêle semblable à une pluie de pierres écrase tout ce qu'elle frappe. « C'est le Seigneur, dit le prophète, c'est l'Eternel. »
Durant la nuit terrible, nuit striée de livides éclairs, l'Ange de la mort a passé. Quand l'aube paraît, un lamentable spectacle s'offre aux regards consternés du puissant roi des Assyriens : cent quatre-vingt-cinq mille cadavres gisent dans la plaine.
Saisi d'effroi, Sennachérib rallie en toute hâte les débris de son armée et s'enfuit vers Ninive. La mort l'attendait là. Alors qu'il priait devant l'image de ses faux dieux, deux de ses fils le percèrent de leur épée.

Dieu éprouve le juste pour ajouter à ses mérites, à sa récompense. Mais l'épreuve n'a qu'une durée limitée ; elle se termine par le triomphe. Jamais je n'ai vu le juste abandonné jusqu'au bout, dit le psalmiste. L'orgueil du méchant s'est accru de l'humiliation du juste ; il ricane. En vain, l'opprimé s'incline, fait toutes les propositions, toutes les concessions compatibles avec sa dignité, avec sa confiance, le méchant exalté, grisé, n'écoute point sa prière.
Le juste n'a plus de recours qu'en Dieu, et Dieu ne trompe point son espoir.
L'épreuve est finie, l'impie succombe, il connaît l'infortune à son tour, la disgrâce suprême, la mort.
L'Ange des vengeances divines a passé, fauchant l'impie de son aile ; il n'est plus ; le bruit même de son nom s'évanouit comme un écho dans une dernière malédiction de ceux qu'il a opprimés. Telle est l'oraison funèbre, la récompense du méchant, de l'homme puissant qui a renié Dieu et ses frères.

L'Ange Gardien – Juillet 1900 – pp.75-78


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L'Ange de Tobie

La sainte Ecriture qui nous a transmis la touchante histoire de Tobie, semble se complaire dans le récit d'actes parfois bien ordinaires, comme pour mieux montrer comment Dieu secourt, par l'entremise de ses Anges, ses pieux et dévoués serviteurs.

Tobie, originaire de la ville de Nephtali, fut, dès son enfance, un modèle de piété et de vertu. Tandis que toute sa tribu adorait les veaux d'or établis par Jéroboam, lui seul s'en allait à Jérusalem pour adorer le Dieu d'Israël, lui offrir les prémices de ses fruits et donner la dîme prescrite par la loi. Il éleva son fils dans la crainte du Seigneur, comme il l'avait été lui-même.
Emmené captif à Ninive, avec sa femme Anne et son enfant qui n'avait pas encore un an, il garda, même en esclavage, l'observation la plus rigoureuse des préceptes du Seigneur. Ses vertus lui attirèrent les faveurs du roi Salmanasar, qui lui laissa entière liberté de ses actes. Il en profita pour visiter, consoler ses compagnons d'exil, pour leur distribuer des aumônes et leur donner de sages conseils. C'est dans une de ses excursions de charité qu'il prêta dix talents d'argent à Gabélus, un de ses amis qui habitait Ragès, en Médie.
Sa piété le portait à ensevelir les morts abandonnés dans les champs et les chemins par ordre de Sennachérib, successeur de Salmanasar. Dans ses accès de fureur contre les israélites, ce roi faisait mettre à mort d'infortunés captifs et défendait de donner sépulture à leurs corps. Cette défense n'arrêta pas le zèle charitable de Tobie, qui persista, au péril de sa vie même, à enterrer les victimes de la cruauté de Sennachérib.

Le jour de la Pentecôte, il prépara un festin pour ses proches et amis. Avant de se mettre à table, il pensa à ses frères indigents : « Allez, dit-il à son fils, et amenez le premier israélite que vous rencontrerez ; s'il n'a point oublié les fêtes du Seigneur, il partagera notre repas. »
Le jeune homme sortit et rentra bientôt, annonçant que le cadavre d'un enfant d'Israël gisait sur le chemin. Aussitôt Tobie court chercher le corps et le cache dans sa demeure.
A table, il pleura à la pensée de ces paroles du prophète Amos : « Vos jours de fêtes se convertiront en jours de deuil, et vos joies se changeront en larmes et en soupirs. »
La nuit venue, il ensevelit son malheureux compatriote, malgré les remontrances de sa famille et de ses amis qui l'exhortaient à ne pas remplir ce périlleux devoir.

Un jour, pendant ce pieux office, il s'endormit au pied d'une muraille, sous un nid d'hirondelles, d'où tomba sur ses yeux de la fiente qui le rendit aveugle. Mais ce malheur ne troubla point la sérénité de son âme. A ceux qui lui disaient : « Est-ce la récompense de vos aumônes et de votre zèle à ensevelir les morts ? » il répondait doucement : « Ne parlez pas ainsi ; nous sommes les enfants des saints, et nous attendons cette vie que Dieu a promise à ses fidèles serviteurs. »
Durant quatre années, Tobie supporta pieusement son affliction, et même les reproches de sa femme. A la fin, péniblement affecté, il pria Dieu, avec larmes, de terminer son exil et de recevoir son âme au séjour de l'éternelle paix. « La vie ne m'est plus qu'un fardeau, s'écriait-il, et la mort sera pour moi le plus grand des bienfaits. »
Dieu permit, dit la sainte Ecriture, que le malheur éprouvât Tobie, afin que sa patience, comme celle du saint homme Job, servit d'exemple à la postérité. Ayant toujours craint Dieu et avant gardé, dès l'enfance, tous ses commandements, il ne s'attrista point de ce que le Seigneur l'avait affligé, et il demeura ferme dans la pratique de ses devoirs.
Dieu récompensa la fidélité et la pieuse confiance du saint patriarche, en lui envoyant l'Archange Raphaël, un des princes de la cour céleste, pour conduire son fils visiblement et, comme par la main, dans un long voyage en Médie ; pour lui rendre son ancienne aisance matérielle, ses joies disparues et sa vue qu'il avait perdue dans l'accomplissement d'un acte d'amour de Dieu et du prochain.

Nous oublions trop que Dieu est le maître de ses dons, et qu'il les distribue ou les retire selon sa volonté. Voilà pourquoi, dans la prospérité, nous négligeons de bénir la main divine qui nous enrichit. Tandis que dans l'adversité nous sommes tentés de nous plaindre et de murmurer, comme si quelque injustice était commise à notre égard. Comprenons mieux l'ordre de la Providence et l'équité de ses voies ; disons, comme le saint homme Job, comme le pieux Tobie : « Le Seigneur nous a donné, le Seigneur nous a retiré ses dons : que le nom du Seigneur soit béni ! »
Dans l'adversité comme dans la prospérité, dans l'affliction comme dans la joie, bénissons la main de Dieu juste et miséricordieux, qui dispose toutes choses pour sa gloire et notre salut. Dieu n'abandonne jamais ses fidèles et dévoues serviteurs.

Devenu vieux, pauvre, infirme, Tobie chargea son fils de trouver un guide et d'aller à Ragès, pour recouvrer les dix talents qu'il avait autrefois prêtés à Gabélus. Le fils sortit et rencontra aussitôt un jeune homme à l'air noble et doux, en habit de voyage, qui se proposa pour guide. Or, c'était l'Archange Raphaël que Dieu envoyait, sous les traits d'un enfant d'Israël, pour assister la pieuse famille et accompagner le jeune Tobie.

En entrant dans la maison, il salua le vieux Tobie en lui disant : « Que la joie soit avec vous ! »
- Quelle joie puis-je avoir, répondit le vieillard, moi qui suis toujours dans les ténèbres et qui ne vois point la lumière du ciel ?
- Ayez confiance, poursuivit le jeune homme, le temps approche auquel Dieu doit vous guérir.
Comme Tobie lui demandait son nom de famille et de sa tribu, l'archange Raphaël répondit : « Soyez sans inquiétude, je suis Azarias, fils du grand Ananias (ces mots signifient : envoyé par le Seigneur). Je conduirai votre fils et vous le ramènerai.
- Que Dieu bénisse votre voyage, dit Tobie, et que son Ange vous accompagne ! Ne pleurez pas, ajouta-t-il en s'adressant à sa femme, notre fils reviendra sain et sauf, car je crois que le bon Ange de Dieu l'accompagne et qu'il règle tout ce qui le regarde.
Le saint vieillard ne se trompait pas ; sa piété et sa foi lui donnaient la claire vision de la sollicitude divine pour lui.

Les deux voyageurs quittèrent Ninive en suivant les bords du Tigre. A la fin du premier jour, le jeune Tobie voulut se laver dans le fleuve ; mais à peine avait-il les pieds dans l'eau qu'un poisson monstrueux s'élança pour le dévorer. Le jeune homme jeta un cri d'effroi. L'Ange le rassura et lui dit : « Prenez-le par les ouïes et amenez-le sur le sable. » Puis il ajouta : « Otez les entrailles, réservez le fiel et le foie, qui seront des remèdes utiles ».
Tobie obéit ; puis, sur le conseil de l'Ange, il fit rôtir la chair du poisson et en mit en réserve pour les besoins du voyage.

En approchant d'Ecbatane, Tobie dit :
- Mon frère Azarias, où logerons-nous ?
- Chez Raguel, un de vos parents, répondit le conducteur céleste. Il a une fille unique nommée Sara que Dieu vous réserve pour épouse.
Raguel accueillit les voyageurs avec joie. « Soyez béni, mon fils, dit-il au jeune Tobie, car votre père est le meilleur et le plus vertueux des hommes ! »
Selon les desseins de Dieu et la prédiction de l'Ange, Tobie épousa la fille de Raguel. Une sainte joie présida à cette alliance, et la bénédiction divine se répandit sur les époux et sur tous leurs parents, par la céleste entremise de l'Archange Raphaël qui, toujours avec eux, entretenait par sa présence une douce sérénité autour de lui.

Cependant le père et la mère du jeune Tobie trouvent que l'absence de leur fils se prolonge, et ils se laissent aller à une profonde tristesse. Anne, sa mère, ne peut plus retenir ses larmes et surmonter sa douleur. « Hélas ! mon enfant ! mon enfant ! soupire-t-elle, pourquoi vous avoir envoyé en un si lointain pays ? »
Chaque jour, elle gravit la colline dans l'espoir de l'apercevoir revenir, et chaque jour elle redescend plus affligée de l'inutilité de ses recherches et de son attente. Le vieillard, plus patient, plus fort contre la douleur, et aussi animé d'une grande foi, d'une entière confiance en Dieu, s'efforce de consoler son épouse et de lui rendre l'espérance. « Cessez de vous troubler, lui dit-il, notre fils nous reviendra conduit par son guide fidèle. »

Le jeune Tobie qui connaissait le cœur de ses parents, pressentait leur inquiétude, et activa son départ de Ragès, malgré les instances de Raguel pour le retenir encore. Il s'achemina vers Ninive, sous la garde de l'Ange envoyé de Dieu, avec sa jeune épouse, la caravane de serviteurs et les richesses faisant partie de la dot de Sara. « Que l'Ange de Dieu vous accompagne, mes enfants, dit Raguel aux deux époux en les quittant. Fasse le ciel que vous retrouviez votre père et votre mère dans la santé et dans la joie, et que moi-même je sois assez heureux pour voir vos enfants avant de mourir ! ».

Après dix jours de marche, les voyageurs arrivèrent à Charan. Là, Tobie, sur le conseil de l'Ange, laisse sa femme et sa suite poursuivre le voyage à petites journées, et accompagné seulement de son guide, il hâte la marche pour rassurer au plus tôt ses parents. Il a emporté le fiel du poisson dont, chemin faisant, l'Ange lui explique l'emploi.
A son poste d'observation sur la colline, Anne reconnaît son fils de loin, et elle s'empresse d'annoncer l'heureuse nouvelle du retour à son mari. Guidé par une main secourable, à pas chancelants, le vieux Tobie va au-devant des voyageurs. Les deux vieillards, versant de douces larmes, serrent entre leurs bras leur fils bien-aimé, et, pleins de joie, ils remercient Dieu.
A la maison, toujours d'après le conseil de l'Ange, le jeune Tobie prend le fiel du poisson et en frotte légèrement les yeux de son père. Un instant après, une petite taie blanche se détache des yeux de l'aveugle, et le vieux père voit tous ceux qui l'entourent. De concert, ils rendent grâces à Dieu : « Seigneur, Dieu d'Israël, je vous loue, vous m'aviez châtié, mais vous m'avez guéri, et maintenant je puis voir mon fils ! »

L'heureuse famille ne savait comment exprimer sa reconnaissance au guide fidèle, cause de tant de bienfaits. « La moitié des biens que j'ai rapportés, disait le jeune Tobie, ne suffirait pas à le récompenser » . On lui offre donc la moitié de la fortune.
Mais l'Ange se découvrant alors à eux, leur dit : « Bénissez le Seigneur, car il a fait éclater sur vous sa miséricorde. Lorsque vous le priiez avec larmes, lorsque vous accomplissiez des oeuvres de charité, j'offrais vos mérites à Dieu... Je suis 1'Archange Raphaël, l'un des sept Anges qui sont constamment devant le Seigneur. »
A cette révélation, le père et le fils, saisis de crainte, tombent la face contre terre. L'Ange les rassure, doucement : « La paix soit avec vous, leur dit-il ; ne craignez point. Bénissez le Seigneur, chantez ses louanges. Je retourne vers Celui qui m'a envoyé. » Après ces paroles, l'Ange disparaît, les laissant étonnés et ravis.
Prosternés durant trois heures, le visage contre terre, le jeune Tobie et son père bénirent le Seigneur ; puis, se relevant, ils racontèrent, pleins de reconnaissance, toutes les merveilles que le Tout-Puissant avait opérées en leur faveur, par la céleste entremise d'un de ses Anges.

L'Ange Gardien – Août et Septembre 1900 – pp.111-114 & 147-151


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Réflexions sur l'histoire de Tobie

L'histoire si simple, si intéressante, du saint homme Tobie, et du voyage de son fils, sous la conduite de l'archange Raphaël, nous montre bien, sous sa gracieuse image, le ministère des Anges gardiens auprès de nous et les bons offices qu'ils nous rendent. Elle laisse une douce émotion en notre âme, et surtout elle nous invite à recourir aux saints Anges comme à nos protecteurs naturels auprès de Dieu, comme à des amis dévoués à qui nous devons la plus tendre, la plus entière confiance.
Ce récit biblique, avec ses détails naïfs et émouvants, avec son symbolisme transparent, est aussi pour notre esprit le sujet de bien frappantes réflexions et de salutaires enseignements. Ces réflexions, ces enseignements, nous les livrons à nos lecteurs, en ce mois d'octobre spécialement consacré aux saints Anges, mois qui ramène, chaque année, la fête solennelle de tous nos célestes gardiens, et la fête particulière de saint Raphaël, ange gardien du jeune Tobie.

Après avoir passé sa vie dans la stricte observance des lois du Seigneur et dans la pratique héroïque des œuvres de la charité envers le prochain, le vieux Tobie gémit sous la double épreuve de la cécité et de la pauvreté ; mais sa foi, son espérance en Dieu restent plus grandes, plus fortes que l'épreuve. Il accepte avec soumission l'affliction que Dieu a fait peser sur lui. C'est pourquoi Dieu, dont les desseins sont impénétrables et toujours pleins de miséricorde pour ses élus, se servira de cette épreuve et de cette affliction pour combler de ses faveurs les plus précieuses une famille sur laquelle il arrête un regard de paternelle complaisance.

Les épreuves sont nécessaires aux justes, disait plus tard l'archange Raphaël à Tobie, car Dieu éprouve ceux qu'il aime. Dans les épreuves de la vie, efforçons-nous, à l'exemple du vieux Tobie, de garder la constance dans la foi, la résignation et la confiance en Dieu. Ce sera un des meilleurs moyens d'augmenter en notre âme cette pureté qui nous rapproche des Anges, et qui nous rend si agréables aux yeux de Dieu. Si le Seigneur nous fait passer par le feu des afflictions, c'est pour épurer notre vertu, pour la rendre plus ferme, plus solide et pour lui accorder un jour une récompense plus grande et plus magnifique.

Jésus, le modèle divin de toute justice et de toute sainteté a souffert avant nous et plus que nous. Que sont nos souffrances comparées aux siennes ? Jetons un regard sur sa croix, embrassons-la avec amour, et nous aurons la force de tout souffrir, de tout supporter.
Une onction divine émane de la croix du Rédempteur et fait trouver des charmes dans les choses que la nature abhorre ; elle adoucit les larmes les plus amères, elle rend la sérénité à notre âme, et lui donne comme un avant-goût de la paix éternelle que Dieu nous réserve dans le ciel.

L'archange Raphaël se révélant à la famille Tobie voulut faire comprendre qu'il n'avait été que l'instrument dont Dieu s'était servi pour répandre sur eux ses bienfaits : « Bénissez le Seigneur, dit-il, et rendez-lui gloire devant les hommes, parce qu'il fait éclater sur vous sa miséricorde. »
Cette invitation de l'archange à louer, à bénir Dieu, à lui offrir l'hommage public de ses actions de grâces, s'adresse à tous les hommes. Qui n'a pas été comblé des bienfaits de Dieu, et n'a été souvent l'objet de son infinie miséricorde ? Hélas ! cette invitation apportée du ciel par le messager divin est bien oubliée parmi les hommes qui semblent même mettre de plus en plus à l'ordre du jour l'ingratitude envers Dieu !

L'archange ajouta : « La prière accompagnée du jeûne et de l'aumône vaut mieux que tous les trésors, car l'aumône délivre de la mort, et fait trouver la miséricorde et la vie éternelle. »
Toute la vie chrétienne est renfermée en abrégé dans ces paroles. La prière, l'union avec Dieu, les rapports directs de notre âme avec lui, le jeûne, c'est-à-dire la mortification indispensable à sa sanctification et à son salut ; enfin la charité envers le prochain dans ses besoins temporels et spirituels, tels sont les salutaires enseignements que l'archange donne à Tobie, de la part de Dieu, enseignements qui, bien médités et bien compris, suffiraient pour élever une âme à la plus haute perfection.

Avant de disparaître, s'adressant au vieux Tobie, l'archange Raphaël dit encore : « Lorsque vous priiez avec larmes et que vous ensevelissiez les morts, je présentais vos prières et vos œuvres au Seigneur... Le Seigneur m'a envoyé pour vous guérir... Je suis l'ange Raphaël, un des sept esprits qui se tiennent debout devant le trône de l'Eternel. »
Quelles consolantes paroles ! Quelle douce vérité elles nous révèlent ! Un Ange est donc à mes côtés, recueillant mes prières et mes larmes pour les présenter à Dieu. Témoin de toutes mes actions, cet ami céleste se réjouit du bien que je fais, il offre au Seigneur mes bonnes œuvres, mes souffrances ; il fait valoir devant lui mes plus légers sacrifices. Rien n'échappe à la perspicacité de son regard, et il sent en quelque sorte s'accroître son bonheur, quand il peut, à la fin du jour, porter au pied du trône de Dieu l'offrande d'une journée sanctifiée par la prière et les œuvres de charité.

Quelle reconnaissance ne devons-nous pas à Dieu qui nous a donné pour protecteur, pour guide fidèle, un prince de sa cour céleste ! Ce prince, c'est notre bon Ange gardien, qui nous défend contre tous les dangers de l'âme et du corps, comme saint Raphaël préserva le jeune Tobie du monstre des eaux du Tigre et de tous les périls du voyage de Médie.
Cet Ange nous accompagne partout, il prie avec nous, il prend part à nos maux, il marche à nos côtés quand nous sommes en voyage ; il veille sur nous durant notre sommeil. Il nous invite, il nous presse de pratiquer le bien, la vertu, sans toutefois porter la moindre atteinte à notre libre arbitre. Il ne se rebute jamais de notre résistance à ses bons conseils, à ses charitables inspirations ; il attend patiemment que nous cédions enfin aux grâces prévenantes qu'il ne cesse de demander à Dieu pour nous.
Comme le jeune Tobie, soyons toujours dociles aux conseils de notre bon Ange, et remercions-le chaque jour de sa céleste assistance.

L'Ange Gardien – Octobre 1900 – pp.183-187


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L'Ange de Judith

L'an treizième du règne de Nabuchodonosor, on tint conseil dans le palais du roi des Assyriens. A tous les grands de sa cour, généraux et ministres, Nabuchodonosor communiqua le secret de son dessein : il leur dit que sa pensée était de soumettre à sa domination la terre entière. Tous ses conseillers s'inclinèrent et opinèrent dans ce sens, ainsi qu'il convient à des courtisans zélés.
Il donne donc mission à son général Holopherne de soumettre les royaumes de la frontière occidentale. Holopherne réunit ses troupes, entre en campagne, et sa marche est une suite ininterrompue de succès et de victoires. Les villes ouvrent leurs portes, les peuples implorent sa clémence.
Il atteint les frontières d'Israël. La renommée de sa force, de ses succès, la terreur de sa cruauté l'ont précédé. L'effroi d'Israël est grand.

Le grand prêtre Eliachim ranime les courages ; il réunit des troupes et fait occuper les défilés des montagnes. A sa parole, à son exemple, tous adressent leurs supplications au Seigneur, tous s'humilient dans le jeûne et la pénitence, sous la cendre et le cilice.
« Sachez, leur dit Eliachim, que le Seigneur nous exaucera, si vous persévérez dans le jeûne et dans la prière ; souvenez-vous de Moïse qui, par sa prière, fut vainqueur d'Amalec. »

Cependant cette résistance inattendue avivait au plus haut point la colère d'Holopherne. Avec cent vingt mille hommes de pied et vingt-deux mille cavaliers, sans compter de nombreux auxiliaires recrutés dans sa marche triomphale, il vient mettre le siège devant Béthulie.
Les Israélites redoublent de prières. Dans la ville assiégée, un prêtre, Osias, organise, anime la résistance. La ville est étroitement bloquée. Holopherne découvre l'aqueduc qui fournit de l'eau aux assiégés ; il le fait couper, et il ne reste alors aux assiégés que quelques citernes qui seront vite épuisées.
L'eau distribuée parcimonieusement avait duré vingt jours. La soif, implacable adversaire, allait avoir raison de la résistance.
La foule haletante s'adresse à Osias, l'invite à proposer au général ennemi une capitulation. Osias essaie de relever les courages : « Attendons encore cinq jours, dit-il, la miséricorde du Seigneur. »

Ces paroles parviennent aux oreilles de Judith, fille de Mérari. Elle était veuve depuis trois ans et demi, ayant perdu son époux Manassé, frappé d'insolation à la moisson des orges. Son époux lui avait laissé de grands biens. Depuis son veuvage, nul n'avait élevé le moindre soupçon contre sa vertu, car c'était une femme de grande foi, et qui passait ses jours dans la retraite la plus austère. Elle a conçu le dessein de délivrer Béthulie.
Sans communiquer à Osias son secret, lui disant seulement son vif désir de venir en aide à ses concitoyens, elle part avec son autorisation et se dirige vers le camp des Assyriens. Préalablement, prosternée dans son oratoire, revêtue d'un cilice, elle a fait à Dieu cette fervente prière : « Seigneur, Dieu de nos pères, prêtez à ma faiblesse le secours de votre bras ; faites que la tête de l'orgueilleux qui commande nos ennemis soit coupée par son propre glaive ; donnez-moi le courage de le mépriser et la force de lui ôter la vie ; jamais les superbes ne vous ont plu, mais vous avez toujours agréé ceux qui sont humbles et doux. Dieu des cieux, exaucez-moi, exaucez votre servante qui a recours à vous dans sa misère et qui croit en votre miséricorde. Souvenez-vous de votre alliance, et fortifiez la résolution de mon cœur, afin que toutes les nations de la terre connaissent qu'il n'y a point d'autre Dieu que vous. »

Après cette prière, elle a quitté ses vêtements de deuil et a revêtu ses plus riches parures. Dieu même semble ajouter un nouvel éclat à sa beauté, parce que ses préparatifs n'ont pour but que de secourir ses concitoyens, le peuple que Dieu s'est choisi parmi les nations païennes. Une servante l'accompagne, portant quelques provisions. Les sentinelles avancées l'arrêtent, et, sur sa demande, l'amènent au général. Ses paroles, sa beauté séduisent Holopherne. Elle obtient pleine liberté d'aller et de venir avec sa servante, dans le camp, hors du camp, et jusque sous la tente du général en chef.
Un grand festin est même donné en son honneur. Elle y paraît, mais s'excuse de ne pas toucher aux mets étrangers ; elle se contente des provisions apportées par sa servante. Holopherne boit plus que de raison, et bientôt il est plongé dans le lourd sommeil de l'ivresse.
Les convives se retirent, les serviteurs s'éloignent. Sous la tente où repose le général endormi, Judith est seule avec sa servante. Le moment est venu d'accomplir son dessein ; elle invoque le Seigneur, pour qu'il donne le courage à son cœur, la force à son bras. Puis, saisissant le glaive même du général, d'une main assurée, elle lui tranche la tête. Cette tête sanglante est mise en un sac que porte la servante. Sans hâte, impassible, elle quitte la tente, traverse le camp endormi. Les sentinelles, dociles aux ordres reçus, lui laissent un libre passage.
Elle arrive aux portes de Béthulie, prévient Osias et le peuple. Ensemble, ils bénissent le Seigneur : « Frères, dit-elle alors, écoutez-moi, exposez cette tête aux remparts, puis, le soleil levé, sortez en armes, avec grand fracas, menaçant les Assyriens. »

A cette sortie inattendue, les Assyriens veulent prévenir le général, ils ne trouvent sous la tente qu'un cadavre sanglant, mutilé. La stupeur est au comble, la fatale nouvelle court le camp, une terreur soudaine saisit même les plus braves, tous fuient dans le plus grand désordre.
Les Israélites accourus poursuivent les fuyards et en tuent un grand nombre. Ils s'emparent du camp ; le butin est immense. Avec Judith, les Israélites adressent au Seigneur de solennelles actions de grâces.
De cette action de grâces, nous citerons, pour la conserver et la méditer à loisir, cette parole de l'héroïne : « Le Dieu vivant m'est témoin que son Ange m'a gardée, et lorsque je suis sortie de la cité, et tant que je suis restée dans le camp, et lorsque je suis revenue ici. »
L'Ange gardien nous protège toujours et nous rend capables des plus grandes choses.

L'Ange Gardien – Novembre 1900 – pp.219-223


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L'Ange d'Esther

L'histoire d'Esther est bien connue, mais nous aimons à la raconter aux privilégiés des saints Anges gardiens, aux enfants qui ne l'ont pas encore lue dans le texte inimitable de la Bible, ou dans le récit tout poétique de notre immortel Racine.
Dans cet épisode si touchant, on peut facilement voir l'Ange de Dieu conduisant cette jeune fille jusque sur les marches d'un trône, pour récompenser son innocence, ses vertus, et pour sauver tout le peuple d'Israël que voulait anéantir un impie orgueilleux et barbare.

Esther était une jeune orpheline élevée dans l'amour et la crainte de Dieu par son oncle Mardochée, juif de la tribu de Benjamin. Un évènement imprévu, choisi de Dieu, la fit sortir de sa vie humble et cachée. Sous les traits de Mardochée, son bon Ange la conduisit à la cour d'Assuérus, roi de Perse, qui admira plus encore sa grâce, sa modestie, ses vertus que sa beauté, et lui mit le diadème royal sur le front, et lui donna la place de l'altière Vasthi, épouse disgraciée.
Esther n'avait dit ni son nom, ni son origine, et le roi ignorait qu'elle servît le vrai Dieu. Au palais d'Assuérus, elle continuait à vivre pieusement devant le Seigneur, lui demandant les grâces dont elle avait besoin à la cour.
Mardochée se présentait souvent aux portes du palais pour avoir des nouvelles de la reine Esther. Il lui apprit que deux serviteurs avaient conspiré contre le roi. Esther en prévint Assuérus qui fit punir ces criminels.

Or, Assuérus avait pour ministre un Amalécite nommé Aman, qui exigeait que tout le monde fléchit le genou devant lui. Mardochée seul refusa de lui rendre cet hommage. Aman résolut sa mort et la perte de tous les Hébreux. Par vengeance, il les accusa de conspirer contre l'empire et obtint d'Assuérus un édit ordonnant l'extermination de la nation juive.
A cette terrible nouvelle, Mardochée se revêtit d'un cilice, implora la miséricorde de Dieu et en informa Esther, la priant d'intercéder auprès du monarque en faveur de ses frères.
La reine se trouvait dans une affreuse perplexité, car une loi défendait, sous peine de mort, de se présenter devant le roi, sans être appelé ; elle le fit observer à son oncle. Mais Mardochée, qui avait confiance dans la bonté divine, lui répondit : « Pensez-vous que votre couronne et votre rang vous mettront à l'abri de la proscription ? Si vous gardez le silence, Dieu se servira peut-être d'un autre moyen pour sauver son peuple ; mais il laissera périr vous et la maison de votre père. Qui sait si ce n'est pas pour nous sauver que le Seigneur vous a élevée à la dignité royale ? Accomplissez donc généreusement votre mission. »

La reine Esther n'hésita plus ; elle fit dire à son oncle d'assembler tous les juifs de Suse, de prier ensemble pour elle, et d'observer un jeûne rigoureux de trois jours.
Renfermée dans ses appartements, elle jeûna elle-même durant trois jours et adressa à Dieu cette touchante prière : « Seigneur, ô mon maître, donnez à votre servante cette généreuse fermeté, cette noble assurance qui lui sont nécessaires pour comparaître devant ce fier lion dont je vais affronter la présence. »
Dieu exauça ces supplications ardentes. Esther se présente devant Assuérus ; mais, au regard sévère, courroucé du roi, une pâleur mortelle se répand sur son visage et elle tombe évanouie. Le roi, anxieux, descend précipitamment de son trône, et soutenant la reine dans ses bras : « Vous ne mourrez point, Esther, dit-il, cette loi n'est point pour vous. Que voulez-vous ? Quand vous me demanderiez la moitié de mon royaume, je vous la donnerais. » En même temps, il lui donnait son sceptre d'or à baiser et l'invitait à parler.
- Seigneur, répondit Esther, en reprenant un peu ses sens, vous m'avez paru comme un ange de Dieu ; l'éclat qui vous environne a troublé mon âme. Maintenant je ne vous demande que l'honneur de vous recevoir demain à ma table avec Aman. »

Le monarque se rendit à sa prière. Aman, rempli de joie d'une distinction si flatteuse, ne fut que plus irrité quand, à la porte du palais, Mardochée ne fléchit pas le genou devant lui. Il résolut de le faire mourir sur un gibet dressé devant son palais.
La nuit suivante, ne pouvant trouver le sommeil, Assuérus se fit lire les annales de son règne. Au récit de la conspiration découverte par Mardochée :
- Quelle récompense a reçu cet homme, dit-il ?
- Aucune, répondirent les officiers.
Le matin, Aman vint trouver le roi pour obtenir l'autorisation de faire pendre Mardochée.
- Quelles distinctions accorder à un homme que le roi veut particulièrement honorer ? dit Assuérus.
- O roi, répondit le favori, pensant qu'il s'agissait de lui-même, ordonnez que cet homme, revêtu des habits royaux, le front ceint du diadème, monte sur un de vos coursiers, et qu'un des grands de la cour, tenant les reines du cheval, marche devant lui à travers la ville de Suse, en criant : « Ainsi sera honoré celui que le roi veut honorer ! »
- Hâtez-vous, répliqua le monarque, de rendre ces honneurs au juif Mardochée.
Quelle humiliation pour ce cœur orgueilleux ! Il dut obéir. Au banquet de la reine où se trouvait Aman, Assuérus redit à Esther : « Que désirez-vous ? Quand vous demanderiez la moitié de mon royaume, je vous la donnerais. »
- Seigneur, répondit Esther, si j'ai trouvé grâce à vos yeux, daignez m'accorder la vie, je l'implore de votre clémence pour moi et pour mon peuple ; un ennemi cruel a juré notre perte.
- Quel est cet audacieux ? s'écria le roi.
- Notre ennemi, le misérable qui a juré notre mort, c'est Aman.
Atterré, Aman se jeta aux pieds de la reine ; mais Assuérus indigné fit pendre son favori à la potence préparée pour Mardochée.

Les juifs sauvés, Mardochée remplaçant Aman dans la confiance du roi, tel fut le résultat providentiel de la mission d'Esther, de cette jeune orpheline, modèle de piété et d'humilité dont il plut à Dieu de se servir comme l'instrument de sa miséricorde sur son peuple choisi.
Les Anges n'apparaissent point dans l'épisode biblique d'Esther, mais leur action transparaît partout à travers le voile léger de ces évènements précipités.
Esther, d'ailleurs, n'est-elle pas l'envoyée de la Providence, un ange des cieux égaré sur une terre où le démon régnait en maître, l'ange gardien de sa famille et de ses compatriotes qu'elle arrache à la mort, l'ange de la nationalité asservie et qui se ressaisira bientôt, les fils d'Israël revenant dans la Judée où s'opérèrent les grands faits, les gestes héroïques de leur surhumaine épopée ?

On aime à voir dans Esther, s'exposant à la mort pour implorer et obtenir le salut de sa nation, la douce figure de la très sainte Vierge, mère de Dieu, qui implore souvent et obtient le pardon de nos fautes.

L'Ange Gardien – Décembre 1900 – pp.255-260


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L'Ange de Dieu dans la fournaise

Le roi Nabuchodonosor fit élever, dans la campagne de Dura, en la province de Babylone, une statue d'or de soixante coudées ; puis il convoqua, pour l'inauguration de cette merveille, les officiers de sa couronne et les grands de son royaume. Sous peine de mort, on devait adorer cette statue.
Les humbles sujets de Nabuchodonosor obéirent au caprice du souverain ; mais quelques jeunes Hébreux : Ananias, Misaël et Azarias, élevés dans le palais du roi, sous les noms assyriens de Sidrach, Misach et Abdénago, n'avaient pas, en modifiant leur nom, changé leurs sentiments religieux. Ils adoraient Jéhovah, et ne voulaient adorer que lui seul. A aucun prix, ils ne voulaient prostituer leurs hommages à une statue, fût-elle un chef d'oeuvre sorti des mains des hommes. Ils refusèrent de rendre à l'idole les honneurs divins.

Transporté de colère, Nabuchodonosor fit amener devant lui les coupables
- Adorez la statue, leur dit-il, ou vous serez précipités dans une fournaise ardente. Quel Dieu assez puissant pourrait vous tirer de mes mains ?
- Jéhovah que nous adorons peut sans peine nous garder sains et saufs au milieu des flammes ; s'il veut nous laisser mourir, nous n'en adorerons pas pour cela une statue d'or, œuvre de la main des hommes.

Le roi fit allumer la fournaise, et les trois jeunes Hébreux y furent précipités, pieds et poings liés. Le feu était si violent que les bourreaux chargés d'exécuter la sentence en furent atteints et périrent misérablement. Les victimes, au contraire, miraculeusement délivrées de leurs liens, marchaient à travers les flammes, louant Dieu et bénissant le Seigneur.
Sous le regard du roi, les soldats ne cessent d'activer le feu, jetant dans la fournaise du bitume, de la poix, de l'étoupe et du sarment. La flamme s'élève à quarante-neuf coudées de haut ; elle jaillit soudain et brûle les détracteurs des jeunes Hébreux. L'Ange du Seigneur descendu vers Azarias et ses compagnons, au sein de la fournaise, écartait d'eux les flammes dévorantes, et les remplaçait par une brise rafraîchissante et une douce rosée.
Les trois Hébreux n'éprouvaient aucune souffrance. Tranquilles au milieu des flammes, ils louaient Dieu en un sublime cantique et invitaient toutes les créatures à le bénir.
« Vous êtes béni, Seigneur, Dieu de nos pères ; que vos œuvres vous bénissent encore !
« Soyez béni dans le firmament des cieux, que vos Anges vous louent et vous magnifient. Cieux, bénissez le Seigneur. Bénissez-le saints Anges ! Bénissez-le, puissances et vertus d'en haut ! Bénissez-le, ô soleil, ô lune, ô étoiles, astres du jour et de la nuit. Bénissez-le, pluies et rosées fécondes, et vous, ô vents, souffles de Dieu ! Bénissez-le, gelées et froidures, pluies et brouillards, glaces et neiges. Nuits et jours, lumières et ténèbres, éclairs et nuages, bénissez le Seigneur !
« Que la terre loue et chante le Seigneur ! Montagnes et collines, fontaines et ruisseaux, mers et fleuves ; habitants des eaux, monstres et poissons, oiseaux qui planez dans l'azur, créatures sans raison, hôtes de l'homme, habitants des forêts, publiez ses louanges !
« Bénissez-le, enfants des hommes, publiez dans tous les siècles sa souveraine grandeur. Qu'Israël bénisse le Seigneur ; prêtres, âmes des justes, bénissez-le. Bénissez-le, Ananias, Misaël et Azarias ; louez-le, publiez sa souveraine grandeur dans tous les siècles, parce qu'il vous a tirés de l'enfer, qu'il vous a sauvés de la mort et délivrés des flammes ardentes. Rendez grâces au Seigneur, parce qu'il est bon, parce que sa miséricorde s'étend sur tous les siècles ! »

Nabuchodonosor est frappé de stupeur.
- N'avons-nous pas, dit-il, jeté trois hommes chargés de liens dans la fournaise ? Maintenant, je vois au milieu des flammes quatre personnes libres et sans aucun mal, et la quatrième est semblable à un fils des dieux.
- Oui, seigneur, répondent ses officiers, tout cela est vrai.
Alors Nabuchodonosor s'écria : « Sidrach, Misach et Abdénago, serviteurs du Dieu Très-Haut, sortez et venez. »
Sur-le-champ, Sidrach, Misach et Abdénago sortirent du sein des flammes, et les officiers du roi, les grands de la cour, les juges, les satrapes purent considérer attentivement ces jeunes gens, constater que le feu n'avait eu aucune action sur leur corps, que pas un cheveu de leur tête n'avait été brûlé, que leurs vêtements étaient intacts, que l'odeur même du feu n'était pas venue jusqu'à eux. Nabuchodonosor dit alors : « Béni soit leur Dieu, le Dieu qui a envoyé son Ange pour sauver ses serviteurs ! » Il éleva les trois jeunes Hébreux aux plus grands honneurs, et publia un édit pour défendre de blasphémer le nom du Dieu d'Israël.

C'est ainsi que Dieu récompensa ici-bas la fidélité de ses serviteurs. après les avoir préservés dans la fournaise ardente par la miraculeuse intervention des Anges, ses célestes messagers.

L'Ange Gardien – Janvier 1901 – pp.292-294


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L'Ange de Daniel

Le roi Darius avait donné son entière confiance à Daniel, l'un de ses trois ministres, et celui dont la parole était toujours écoutée, parce qu'elle était l'écho de l'esprit de Dieu qui vibrait en lui.
Les jaloux, les envieux ne manquaient pas ; des pièges de toute sorte furent tendus à Daniel ; mais tous les efforts de l'envie et de la haine, loin d'ébranler son crédit, ne servirent qu'à l'asseoir plus solidement, en montrant par l'épreuve de la critique sa fidélité, son intégrité, ses qualités éminentes.
« Que pourrions-nous encore imaginer contre lui, disaient ses ennemis déconcertés ? Jamais nous ne trouverons de base à une accusation, si nous ne la faisons naître de la loi de son Dieu. »
Leur dessein eut vite pris corps ; la haine est fertile en expédients, l'exécution ne tarda guère.

Ils sollicitèrent une audience du roi, et ils obtinrent un édit défendant, durant trente jours, d'invoquer aucune divinité et d'adresser aucune demande à aucun homme, sinon au monarque, à qui étaient réservés pendant ce temps les honneurs divins. Ceux qui contrediraient à cet ordre devaient être jetés dans fosse aux lions.
Le roi abusé, ne soupçonnant pas l'atroce perfidie cachée sous cette énorme flatterie, fit publier l'édit dans le sens demandé.
Daniel, comme ses envieux l'avaient prévu, ne se conforma point à l'édit, ne jugeant point devoir être infidèle à son Dieu. Rentré dans sa demeure, il ouvrait, selon sa coutume, les fenêtres du côté de Jérusalem et, plusieurs fois le jour, fléchissant le genou, il adorait le Seigneur. Des hommes apostés le guettaient, ils le virent priant et adorant son Dieu. Ils allèrent en toute hâte annoncer à Darius le mépris que Daniel témoignait pour ses ordres :
- O roi, lui dirent-ils, n'avez-vous pas défendu de rendre hommage à d'autre dieu qu'à vous, sous peine d'être jeté dans la fosse aux lions ?
- Il est vrai, dit le monarque, et, selon la coutume des Mèdes et des Perses, nul ne peut échapper à cette loi.
Alors, heureux de tenir leur vengeance, ils ajoutèrent :
- Sans avoir égard à votre édit, Daniel a prié son Dieu.

Darius fut extrêmement affligé, il aimait Daniel et respectait sa vertu ; mais, ne pouvant ou n'osant pas sauver son ministre et revenir sur sa décision, il consentit, à regret, à ce que Daniel fût jeté dans la fosse aux lions.
- Daniel, lui dit-il tristement, je ne puis vous défendre ; mais votre Dieu saura vous délivrer.
Et il scella la pierre qui fermait l'entrée de la fosse aux lions, de peur que les ennemis de Daniel ne le fissent périr, si les fauves venaient à l'épargner.

Rentré dans son palais, Darius ne prit point de nourriture et passa la nuit dans une inquiétude poignante. Le lendemain, dès l'aube, il courut vers la fosse aux lions, et d'une voix triste, entrecoupée de sanglots, il s'écria :
- Daniel ! Daniel ! serviteur du Dieu vivant, votre Dieu vous a-t-il sauvé de la dent des lions ?
- Mon Dieu, répond Daniel, a envoyé son Ange qui a fermé la gueule des lions, et ils ne m'ont fait aucun mal, parce que j'ai été trouvé juste devant lui, parce que je n'ai rien fait non plus qui me puisse rendre coupable devant vous.
Transporté de joie, Darius fit sortir son ministre de la fosse et ordonna d'y précipiter ses accusateurs. Les lions les dévorèrent en un moment. De plus, le roi fit publier ce nouvel édit à ses peuples : « Que la paix s'affermisse parmi vous de plus en plus. J'ordonne que dans tout mon empire, tous mes sujets révèrent le Dieu de Daniel avec crainte et tremblement ; car c'est Lui qui est le Dieu vivant, l'Eternel qui vit dans tous les siècles !... Il a envoyé son Ange qui a fermé la gueule des lions.

O vous qui êtes méconnus, qui êtes peut-être victimes de la jalousie, des calomnies des méchants, tournez, comme Daniel, vos regards, vos pensées vers le Seigneur, et le Seigneur saura vous défendre contre vos ennemis. Il est toujours le Dieu tout-puissant, et il a ordonné à ses Anges de vous garder, de vous protéger dans les épreuves les plus pénibles, et de vous en tirer, non pas diminués, mais grandis, mais purifiés par votre vertu plus rayonnante et plus éprouvée.
Il en est de même de l'Eglise. Dans leur présomptueuse confiance, ses ennemis peuvent vainement se promettre une facile et prochaine victoire. L'Eglise, soutenue par une force divine, a toujours résisté aux conjurations de l'impiété. L'histoire de son laborieux et glorieux passé nous rassure, car elle nous apprend que les triomphes de l'iniquité n'ont qu'un temps et que le salut arrive souvent dans les circonstances mêmes où tout paraît désespéré.

L'Ange Gardien – Février 1900 – pp.327-330


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Les Anges de la Justice de Dieu - Châtiment d'Héliodore

Sous l'égide du grand-prêtre Onias, Jérusalem, la cité sainte, vivait dans une paix profonde. Le Temple recevait en ses murs, avec de nombreux adorateurs de Jéhovah, de magnifiques présents destinés aux splendeurs du culte, au soulagement du pauvre, de la veuve et de l'orphelin ; en cet asile considéré comme inviolable affluaient même les dépôts des particuliers : les meubles, les bijoux, l'argent et l'or, les trésors les plus précieux.
La jalousie d'un homme allait mettre en péril cette paix, ces manifestations de la foi, de la piété des foules.

Simon, de la tribu de Benjamin, Simon qui commandait la garde du Temple, était jaloux d'Onias. Vainement, à plusieurs reprises, par les plus savantes intrigues, il avait essayé d'ébranler le crédit du grand-prêtre.
Ces tentatives vaines, ces espoirs déçus, au lieu de le décourager, avaient exaspéré sa haine. En secret, il va trouver Apollonius qui commande les troupes de Séleucus dans la Cœlé-Syrie et la Phénicie. Il lui déclare qu'il y a dans le Temple des sommes énormes, de fabuleux trésors, inutiles au culte, plutôt nuisibles sans doute, et qui trouveraient certes meilleur usage à être consacrés aux affaires publiques. S'emparer de ces trésors serait facile au roi Séleucus qui récompenserait évidemment l'officier qui procurerait à son maître une pareille aubaine inespérée.
Apollonius, en hâte, fait parvenir au roi l'avis du juif apostat, traître à son Dieu, à son pays. Le prince, heureux d'une occasion si belle, envoie sans retard son premier ministre, Héliodore, avec mission de mettre la main sur les immenses richesses qui ont allumé sa convoitise.
Héliodore se met en route, sous le prétexte plausible, ostensiblement proclamé, de visiter les garnisons de la Cœlé-Syrie et de la Phénicie.

Enfin, arrivé à Jérusalem, reçu avec les plus grands égards, il fait connaître au grand-prêtre l'objet de sa mission, jusqu'alors tenu soigneusement secret.
Onias lui représente avec force que cet argent est en dépôt dans le Temple ; qu'il a une affectation bien déterminée, qu'il est destiné à la nourriture, à l'entretien des pauvres, au service du culte ; qu'une partie même appartient à des particuliers, notamment à Hircan-Tobie, homme de grande vertu et de haute considération. Il n'était pas permis de tromper la confiance des déposants qui avaient cru trouver un sûr abri pour leurs biens dans ce temple vénéré.
Héliodore est sourd à ces raisons et se prépare à mettre à exécution les ordres de son roi.
La douleur du grand-prêtre est extrême. Avec lui, attristés, pleurent et prient les israélites fidèles, hommes, femmes, enfants. L'outrage fait au Temple de Jéhovah les atteint tous.
Tant de larmes et de prières ne pouvaient demeurer sans effet ; Héliodore allait en faire la dure épreuve.

Avec ses gardes, il force la porte du Trésor. L'interdiction de Dieu se manifeste, éclatante. Ses gardes, soudain saisis d'effroi, tombent à la renverse. A leurs regards épouvantés, apparaît un céleste coursier, aux freins d'argent, aux rênes d'or, que monte un cavalier terrible. La bête fond sur Héliodore, le frappe de son dur sabot ; le cavalier le menace de ses armes d'or.
Deux nouveaux acteurs entrent en scène ; deux Anges, sous l'aspect de jeunes gens d'une incomparable beauté, armés de verges, frappent sans relâche l'impie Héliodore.
Héliodore maintenant gît sur le pavé du Temple, enveloppé de ténèbres profondes. On l'emporte bientôt sur un brancard, ses gardes ont fuit honteusement ; l'orgueilleux est seul, abattu, sans vie.

Le peuple bénit le Seigneur qui a fait éclater sa puissance ; les cris de joie et d'allégresse s'élèvent spontanément où l'on n'entendait, quelques instants auparavant, que des clameurs d'horreur et d'effroi.
Cependant les amis d'Héliodore intercèdent pour lui auprès du grand-prêtre, le conjurent de demander au Seigneur la vie du coupable. Le grand-prêtre offre un sacrifice pour la guérison du pêcheur repentant, et le peuple entier s'unit à sa prière.
Pendant cette prière, apparaissent à nouveau les mêmes Anges qui avaient châtié Héliodore :
« Rendez grâce au grand-prêtre, lui disent-ils, car à sa prière le Seigneur vous laisse la vie ! Mais sachez publier devant les hommes la puissance du Dieu qui vous a châtié. »
Héliodore écoute confus. Il fait offrir un nouveau sacrifice, puis s'éloigne et revient vers son maître rendre compte du résultat de sa mission.
Et Séleucus lui demandant qui pourrait être choisi pour reprendre et mener à bonne fin sa mission piteusement avortée : « Si vous avez un ennemi, offrez-lui cette mission, répondit l'officier ; il vous reviendra meurtri de coups, s'il peut même revenir en vie. Celui qui habite dans le ciel est lui-même dans le Temple, et lui assure une protection inviolable... »

De nos jours, comme aux jours anciens, les trésors du Temple, c'est-à-dire les biens de l'Eglise excitent la convoitise des ennemis de Dieu.
Il se trouve toujours un apostat pour les livrer. Vainement objectera-t-on que c'est la part des vieillards, de la veuve et de l'orphelin, de tous les miséreux, des vaincus de la vie ; que c'est la part de Dieu ; que c'est un dépôt sacré !... Aucune considération n'arrête l'impie.
Les prêtres prient, les religieux et les religieuses, les pieuses femmes, les enfants timides, les vieillards tremblants ajoutent leurs larmes à ces prières. Dieu ne se laissera-t-il point toucher ? N'enverra-t-il pas son Ange, messager de sa colère, exécuteur de ses vengeances, pour fustiger, et, par cette correction, amender les lâches acteurs qui, le masque au visage, jouent sans pudeur le rôle honteux d'Héliodore ?
Ne perdons pas confiance, ne doutons jamais du secours du ciel, même quand le triomphe de la persécution paraît assuré, car Dieu a promis de ne jamais abandonner son Eglise. Souvenons-nous toujours que celui qui met son espérance en Dieu ne sera jamais trompé.

L'Ange Gardien – Mars 1900 – pp.363-367


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Les Anges des Macchabées

Alors que les Macchabées patriotes multipliaient les combats et les victoires pour hâter l'entière délivrance du peuple élu, au sein même de ce peuple, des envieux, des renégats s'opposaient à l'œuvre de relèvement national, de restauration patriotique et religieuse.
Alliés avec les pires ennemis du nom d'Israël, ces renégats s'étaient saisis des forteresses de l'Idumée. A l'abri derrière les hautes et épaisses murailles, ils croyaient pouvoir défier impunément le courage des Macchabées.

Les événements devaient sans retard leur infliger un cruel démenti, leur montrer combien vaines étaient leurs espérances sacrilèges. Judas Macchabée attaquait à la fois les Iduméens et les renégats d'Israël. Après de rudes assauts, il était maître des forteresses, il avait taillé en pièces les forces qu'on lui avait opposées ; vingt mille hommes étaient tombés sous les coups de ses guerriers. Or, Timothée, général d'Antiochus, naguère vaincu, croyant le moment venu de réparer ses revers et ses hontes, entrait en ligne à son tour, avec une armée de mercenaires étrangers, une cavalerie nombreuse et vaillante ; mais que peuvent les efforts des hommes contre la protection du ciel ?

Les deux armées vont s'aborder ; les Macchabées invoquent le secours de Dieu, et Dieu leur envoie ses Anges. Au milieu de la lutte ardente, acharnée, s'élancent du sein des cieux cinq cavaliers superbes montés sur des coursiers rapides, aux rênes d'or étincelant.
Les soldats de Timothée ont vu apparaître ces cavaliers étranges ; ils les voient protèger les guerriers d'Israël et prendre une part active au combat.
Deux de ces cavaliers, près de Judas, à sa droite, à sa gauche, le couvrent de leur bouclier rutilant, écartent les traits ennemis ; les trois autres frappent de leurs lances meurtrières les guerriers interdits, pris de panique. Vingt mille cinq cents cadavres gisent sur le champ de bataille.
Timothée s'enfuit précipitamment pour se mettre en sûreté dans la forteresse de Gazara. Cette forteresse, réputée imprenable, est forcée au bout de cinq jours, et Timothée est égorgé avec ses partisans, dont les insolentes bravades avaient exaspéré les guerriers d'Israël.
Le chant des cantiques saints s'éleva en actions de grâces vers le Seigneur, dont la protection allait apparaître encore.

Lysias avait rassemblé quatre-vingt mille hommes. Dans la prière et les larmes, les Macchabées et le peuple fidèle attendaient le secours du ciel. L'attente ne fut pas vaine. Lorsque Judas et ses guerriers sortaient de Jérusalem, un cavalier vêtu de blanc, à l'armure d'or, à la lance fulgurante, parut soudain à leur tête. Les guerriers bénirent le Seigneur, et, pleins d'assurance, allèrent au combat. La victoire leur fut fidèle ; l'ennemi s'enfuit dans le plus grand désordre, laissant sur le champ de bataille onze mille fantassins et seize cents cavaliers...

Dieu a créé les frontières, les nationalités. Il ne veut pas que ces nationalités meurent, si, fidèles à leur mission, elles méritent de vivre encore. Une nation fidèle à la mission que Dieu lui a donnée dans le monde est sûre non seulement de vivre, mais de rester puissante et prospère.
Aux Français qui s'étonnent et s'attristent des multiples assauts que subit notre bien-aimée patrie tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, de regarder quelle a été la mission de la France. Cette mission apparaît, ce semble, assez claire : la France a été la lumière et le glaive de Dieu dans le monde.
Tant qu'elle fut cette lumière divine et ce glaive céleste, Dieu lui fit des destinées glorieuses. Nos siècles de foi furent nos siècles de gloire guerrière et de gloire pacifique.

La France est-elle de nos jours la lumière et le glaive de Dieu ? La lumière ? Peut-être, car elle porte encore, par la voix de ses apôtres et les écrits de ses meilleurs écrivains, les radieuses clartés de la foi aux extrémités du monde. Mais, à côté des ouvriers de lumière, avouons-le sans fausse honte, la France nourrit en son sein de trop nombreux ouvriers de ténèbres. Pendant qu'elle sème la vérité, elle sème aussi l'erreur. Effrayante contradiction !
La France est-elle le glaive de Dieu ? Défend-elle la cause de la vérité, de la religion et de la justice ? Met-elle son autorité, sa force, à faire étinceler son glaive au soleil des nations, pour le service des causes nobles et saintes, justes et patriotiques ? Ne dirait-on pas qu'au lieu de s'inspirer des désirs et des besoins de la patrie, elle semble plutôt mettre sa force au service des ordres des renégats et des étrangers, des sans patrie et des sans Dieu ?

Quel sera le nouveau Judas Macchabée dont on pourra dire comme de celui de la Judée : « Dieu lui envoyait ses Anges pour le diriger dans les combats, parce qu'il reconnaissait que toute force vient du ciel, et qu'il était un pieux observateur de la loi du Seigneur. Revêtu du casque et de la cuirasse, il renversait tous les obstacles ; partout son courage se signalait par des victoires et de grandes actions. Terreur des impies et joie des fidèles, il allait d'une ville l'autre chassant les adorateurs d'idoles, brisant les autels des faux dieux, et détournant de dessus Israël la colère du Seigneur ! »

Anges du ciel, Anges gardiens de la patrie bien-aimée, conjurez les dangers de l'intérieur et de l'extérieur, donnez à ceux qui président aux destinées de notre catholique pays la claire notion des besoins présents, la prudence nécessaire pour éviter d'inutiles conflits, et la patriotique pudeur, gardienne de la dignité nationale.
Si la France pacifique pourtant devait tirer l'épée ; si le jour des combats qu'on nous prédit depuis longtemps devait luire enfin ; si pour la patrie, la plus juste des causes après la cause de Dieu, les Français devaient combattre, Anges gardiens, donnez aux chefs le génie, aux soldats la force, à tous nos efforts réunis le triomphe des armes, et plus encore le triomphe du bien sur le mal, de la religion sur l'impiété qui affaiblit tant la France !

L'Ange Gardien – Avril 1900 – pp.399-403




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Th. Laval : Le rôle des Anges
P. Enfantin : Le secours des saints Anges
Ch. Sauvé : Le rôle des Anges
Th. Laval : Révolte et fidélité
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L. Laurand : Les Anges gardiens
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