Mois de Marie

d'après Bossuet



Premier Jour

Jésus par Marie

Deux frères s'aimaient beaucoup : âgés de dix et douze ans, ils avaient été élevés si suavement, si pieusement que rien ne pouvait donner une idée de la délicatesse de leurs âmes. Le plus jeune tombe malade, et au bout de quelques jours son état devient très grave, inquiétant. Un matin surtout, de grosses larmes tombaient des yeux de la mère alors qu'elle accompagnait, à la porte de la maison, le médecin causant gravement et qui, hochant la tête, disait : « Je crains bien, madame, un dénouement fatal et prompt... ». Le frère aîné entend cette réflexion. Eperdu, il court à l'église, se prosterne devant l'autel de la Sainte Vierge et prie presque tout haut : « O ma Mère, ayez pitié, sauvez mon petit frère. Vous pouvez commander à Jésus, Lui est votre Fils, Lui est tout puissant. Je vous confie la cause de mon pauvre malade. Mère, j'ai foi en votre bonté, si vous parlez à Jésus, Il vous écoutera. » Il resta longtemps là, abîmé dans des sentiments de douleur suppliante. Soudain, il se relève, va droit au tabernacle où était l'Eucharistie et dit avec feu à Jésus : « Bon Maître, votre Mère vous parle pour moi, écoutez-la... » Et il repart à la maison. Justement le médecin en sortait venant de faire une seconde visite. La mère souriait et quand notre petit homme s'approche, il entend le docteur dire : « Eh bien, c'est fait, il est sauvé, il vient de se produire une réaction étonnante que je ne m'explique pas. Mais c'est maintenant l'affaire de quelques jours ! » L'enfant est devenu prêtre et c'est lui qui a raconté ce trait à l'auteur de ces lignes.

Résolution. – Confier l’affaire de notre salut à la Sainte Vierge.


Pratique du jour

Quel cœur d’homme n’est pas plus ou moins infesté d’égoïsme ? Poison subtil entre tous, cet égoïsme tend à s’infiltrer dans nos actions les meilleurs. Moi, ce qui dérive de moi ou ce qui s’y rapporte, ce qui me touche, ce qui tournera à ma considération, à mon avantage ou à mon profit, voilà, si je n’y prends point garde, ce que je ne recherche que trop fréquemment dans ma vie. Nos prières, nos bonnes œuvres, ne sont pas elles-mêmes à l’abri de ce venin redoutable. Et pourtant, né sur le Calvaire, à la grande ombre d’une Croix sanglante, le christianisme n’a pas pour base la recherche égoïste de soi-même. C’est l’oubli de soi, au contraire, qui lui sert de fondement. Avant tout, le vrai chrétien recherche Dieu et sa gloire ; il fait toujours passer les intérêts divins avant les siens.
Souvenons-nous-en aujourd’hui. Oublions-nous, travaillons pour celui dont la prodigue miséricorde nous a faits ce que nous sommes et nous a donné ce que nous avons. Plus nous nous oublierons, plus notre mère appellera sur nous les regards de son divin Fils. Plus aussi, par le fait même, nous serons inondés de grâces. Car le regard du Maître n’est pas un regard froid et mort. C’est un regard brûlant, vivificateur, chargé d’amour. Partout où il s’arrête, les bénédictions les plus précieuses abondent, et l’on y voit bientôt germer et s’épanouir, comme des fleurs célestes, les plus suaves vertus.


Prière

Digne temple du Saint-Esprit qui la devait féconder, votre chair virginale, ô Marie, ne fut pas plus immaculée que votre cœur. Dans ce cœur, toujours ignorant des calculs mesquins de l’égoïsme, Dieu régna seul. De même que sous le poids si lourd de la faute originelle nous sommes entraînés à nous rechercher sans cesse nous-mêmes, ainsi, sur les ailes de votre pureté incomparable, vous étiez portée à chercher Dieu. Et, comme votre divin Fils, dans votre fidélité sainte vous pouviez dire en toute vérité : « Je ne cherche pas ma gloire. Ego non quaero gloriam meam. »
Hélas ! combien nos cœurs ressemblent peu au vôtre ! Combien, malgré leur évidente misère, ne sont-ils pas exposés à se concentrer sur eux-mêmes pour ne voir qu’eux ! Venez donc vers nous, ô Vierge douce et forte. Enseignez-nous cet oubli de soi, aussi contraire à notre nature qu’il est agréable à Dieu. Comme les mères déploient une infatigable patience à former le cœur de leurs fils, de vos mains virginales modelez doucement les nôtres. Apprenez-nous cette pureté d’intention qui nous est si souvent étrangère, et en nous habituant ainsi à dépouiller de plus en plus nos pensées, nos sentiments et nos actes des scories de l’égoïsme, aidez-nous à les rendre tous les jours moins indignes de celui vers lequel ils doivent tendre et à qui de droit ils appartiennent, du Roi Jésus ! Ainsi soit-il.




Anecdotes et Résolutions extraites de « Un mois à la Sainte Vierge – Mai ou Octobre – Tiré de Bossuet » par l’Abbé A. Gonon, Chapelain du Sacré-Cœur de Paray-le-Monial, L. Cloix, Nevers & Charles Diard, Paray-le-Monial, s.d. [1907].
Pratiques du jour et Prières extraites de « La Très Sainte Vierge d’après Bossuet – Nouveau mois de Marie » par le P. Fréd. Rouvier, Tours, Maison Mame et Fils, 1900.