Mois de Marie

d'après Bossuet



Quinzième Jour

Le Souvenez-vous et Saint François de Sales

Saint François de Sales fit une heureuse expérience de l’efficacité du Souvenez-vous. Nous lisons dans sa vie, qu’à l’âge de dix-sept ans, se trouvant à Paris, où il achevait ses études, il fut affligé d’une terrible tentation de désespoir. Le Seigneur, pour l’éprouver et le rendre de plus en plus digne de son amour et de ses faveurs, permit au démon de persuader le saint jeune homme que tout ce qu’il faisait pour Dieu était inutile, puisque sa réprobation était écrite dans les décrets éternels. Dans ce même temps, Dieu se cachant à lui, le laissa dans un état d’obscurité et de sécheresse, qui le rendait insensible aux pensées les plus consolantes sur la bonté divine ; en sorte qu’au milieu de ses désolations intérieures et tourmenté par la crainte de l’enfer, François de Sales perdit l’appétit, le sommeil, la santé ; et il n’était plus qu’un objet de compassion pour tous ceux qui le voyaient.
Durant cette horrible tempête, le saint n’avait d’autres pensées que des pensées de désespoir, et ne pouvait proférer que des paroles de découragement. La tentation dura un mois ; mais il plus au Seigneur de l’en délivrer, et ce fut au moyen de Marie, à laquelle le saint avait déjà voué sa virginité. Un soir, en revenant chez lui, il entra dans une église et vit pendue à la muraille une tablette sur laquelle était écrite l’oraison célèbre : Memorare, ô piissima Virgo Maria, etc. Se prosternant devant l’autel de la Mère de Dieu, il récita avec ferveur cette oraison, renouvela son vœu de chasteté, et promit à la sainte Vierge de réciter tous les jours le chapelet en son honneur. « O ma souveraine, lui dit-il encore, soyez mon avocate auprès de votre Fils, auquel je n’ose recourir, si je dois être assez malheureux dans l’autre monde pour ne pas aimer mon Seigneur obtenez-moi du moins de l’aimer de tout mon pouvoir en celui-ci. » Après quoi il se jeta dans les bras de la miséricorde divine, entièrement résigné à la volonté de Dieu. Mais le fruit de sa prière ne se fit pas attendre longtemps : Marie le délivra de sa tentation ; la paix rentra dans son cœur, et avec elle la joie. Depuis lors, il eût toujours la plus grande dévotion pour la sainte Vierge, et il ne cessa de la recommander dans ses sermons et dans ses écrits.
(De la vie du saint)

Résolution. – Bien vivre de confiance en la bonté de Dieu, par là on l’honore et on l’aime vraiment.


Pratique du jour

Le grand modèle que nous avons à imiter sur la terre, c’est Jésus-Christ, Verbe incarné, et par conséquent Dieu de toute sainteté. Il est le type premier sur lequel nous devons nous modeler, l’exemplaire divin que nous avons à reproduire, avec l’aide de la grâce, pour nous sauver. « Tout chrétien doit être un autre Christ », disait Tertullien. Christianus, alter Christus.
Mais la perfection de Jésus-Christ est une perfection infinie. Aussi toujours prompte aux lâches découragements, notre faiblesse désespérait-elle vite de pouvoir s’élever vers elle, si plus près de nous et à mi-hauteur, pour ainsi dire, elle n’apercevait pas un autre modèle, la Vierge Marie.
La perfection de cette Reine du ciel et de la terre est encore bien sublime, et sa beauté est sans pareille, même parmi les anges. Mais, si grande que soit sa sainteté, reflet de celle du Verbe fait homme, la très sainte Vierge n’en reste pas moins cependant une simple créature. Elle déconcerte moins dès lors notre infirmité, et voilà pourquoi Dieu, dans sa miséricordieuse délicatesse, la propose à notre imitation, pour que, par elle et en elle, nous reproduisions dans nos âmes le Sauveur du monde.
Prenons-la donc pour modèle, et imitons surtout aujourd’hui les vertus qu’elle pratiqua si parfaitement dans ses rapports avec le prochain : sa douceur, son inaltérable affabilité, sa charité si tendrement infatigable.


Prière

Vous êtes le chef-d’œuvre de la création, ô Mère sainte, l’ouvrage le plus excellent après l’adorable humanité du Verbe, que la Toute-Puissance éternelle ait jamais tiré des profondeurs du néant. Votre splendeur l’emporte sur la splendeur des soleils les plus éblouissants ; la pureté du firmament n’est pas comparable à la pureté sans tache de votre cœur ; votre beauté est sans pareille, et sans rivale votre grandeur. C’est que, créée à l’image divine, cette image est restée en vous ce que les mains créatrices l’avaient faite, et que nul péché ne passa jamais sur elle pour la détruire ou pour la voiler. Nous aussi, nous avions été faits semblables à Dieu. Mais la faute originelle a détruit dans nos âmes l’œuvre divine. Elle a déformé en nous l’image de notre Père céleste. Obtenez-nous la grâce de l’y reformer d’une main virile. Que nul effort, qu’aucun sacrifice ne nous coûtent dans ce but. Que notre vie entière soit consacrée à cette noble tâche et que, chaque heure ajoutant un trait nouveau à cette ressemblance divine, nous devenions à votre exemple, quoique avec une perfection bien moins grande, justes, miséricordieux, bons, charitables, saints comme Dieu. Ainsi soit-il.


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