Mois de Marie

d'après Bossuet



Vingt-sixième Jour

La France et la Sainte Vierge

La France est vouée à la Sainte Vierge : Charlemagne avait une dévotion si tendre pour Marie qu’il lui attribuait tous ses triomphes, disant qu’il tenait d’elle son sceptre et sa couronne. Louis le Débonnaire portait toujours sur lui l’image de la Mère de Dieu. Hugues Capet avait, pour la Vierge Marie, une sincère dévotion. Guillaume le Conquérant, comme son père Robert, tenait Marie en merveilleuse référence. Philippe-Auguste attribua à Marie son éclatante victoire de Bouvines. Louis IX se distingua entre tous nos rois par sa tendre piété envers la Sainte Mère de Dieu. Il savait que sa naissance était due aux prières du Rosaire. Chaque samedi, en l’honneur de Marie, il recevait les pauvres à sa table et les servait lui-même ; il récitait tous les jours l’office de la Vierge, même dans ses voyages. Louis XI faisait mettre en branle, à l’heure de midi, toutes les cloches de la cité, en l’honneur de Marie. Louis XII fit le pèlerinage de Notre-Dame de Lorette.
Enfin, en 1638, Louis XIII, après avoir fait construire, à Paris, l’église de Notre-Dame des Victoires, voulut mettre par une consécration publique et solennelle, sa personne et tout son royaume sous la protection de la sainte Vierge, demandant à tous les évêques d’ordonner, le jour de l’Assomption, une procession générale, en mémoire de cette consécration de tout son royaume à Marie. Cette procession se fait encore aujourd’hui, en exécution du vœu de Louis XIII.
C’est le 10 février 1638 que Louis XIII signait le décret de cette consécration solennelle ; or c’est le 11 février 1858 que Marie inaugurait ses apparitions à Lourdes. N’est-il pas permis de voir, dans ce rapprochement de dates, une récompense de l’acte de Louis XIII, et un nouveau gage d’espérance pour notre patrie, qui est toujours le royaume de Marie ? C’est pourquoi ce royaume ne périra pas, a dit un Pape. Mais si Marie est Reine de France, n’oublions pas qu’elle veut être priée, surtout de la manière qu’elle indiquait à Lourdes, en tenant un chapelet à la main. Répétons donc avec ferveur l’Ave Maria.

Résolution. – Vivre de la pensée du Ciel.


Pratique du jour

« Mais arrêtons ici nos pensées (1) ; n’entreprenons pas de représenter quelles sont les douleurs de marie, ni de comprendre une chose incompréhensible. Méditons l’excès de son déplaisir, mais tâchons de l’imiter plutôt que de l’entendre ; et, à l’exemple de cette Vierge, remplissons-nous tellement le cœur de la Passion de son Fils pendant le cours de cette journée, que l’abondance de cette douleur ferme à jamais la porte à la joie du monde. Ah ! Marie ne peut plus supporter la vie ; depuis la mort de son bien-aimé, rien n’est plus capable de plaire à ses yeux. Ce n’est pas pour elle, ô Père éternel, qu’il faut faire éclipser votre soleil ni éteindre tous les feux du ciel ; ils n’ont déjà plus de lumière pour cette Vierge ; il n’est pas nécessaire que vous ébranliez les fondements de la terre, ni que vous couvriez d’horreur toute la nature, ni que vous menaciez tous les éléments de les envelopper dans leur premier chaos ; après la mort de son Fils, tout lui paraît déjà couvert de ténèbres ; la figure de ce monde est passée pour elle, et, en quelque endroit qu’elle tourne les yeux, elle ne découvre partout qu’une ombre de mort : Quidquid aspiciebam, mors erat (a).
C’est ce que doit faire en nous la croix de jésus. Si nous ressentons ses douleurs, le monde ne peut plus avoir de douceurs pour nous : les épines du Fils de Dieu doivent avoir arraché ses fleurs, et l’amertume qu’il nous donne à boire doit avoir rendu fade le goût des plaisirs. Heureux mille fois, ô divin Sauveur, heureux ceux à qui votre ignominie a rendu les vanités ridicules, et que vos clous ont tellement attachés à votre croix qu’ils ne peuvent plus élever leurs mains ni étendre leurs bras qu’au ciel ! »

       (1) : Œuvres orat., t. II, pp. 469-470.
       (a) : S. Aug. Conf., lib. IV, cap. IV.


Prière

Toute vie est une montée au Calvaire, ô Vierge sainte, et dans ce monde chacun de nous porte sa croix. Cette croix est faite de souffrances bien différentes. Mais, quelle qu’en soit la nature, son bois dur meurtrit et écrase toujours nos pauvres cœurs. Comment ne pas faiblir sous cette charge douloureuse ? Comment ne pas chanceler, ne pas tomber ? En recourant à votre cœur transpercé d’un glaive, ô Vierge des douleurs, et en vous appelant à notre aide, comme Jésus-Christ lui-même a appelé Simon à son aide sur les pentes du Golgotha. Soyez donc notre compatissante Cyrénéenne et secourez-nous. Avec le même courage que vous avez mis à gravir la montagne du sacrifice, faites que nous y montions aussi. Et, parvenus au sommet, si les ténèbres nous enveloppent comme elles vous enveloppèrent, si elles vont jusqu’à nous ravir la vue du ciel, ô Vous qui, dans cette obscurité effrayante, n’avez pas plus tremblé que douté, apprenez-nous à nous appuyer d’autant plus sur la croix du maître et, la nuit devînt-elle mille fois plus affreuse dans nos âmes, à persévérer malgré tout dans son saint amour. Ainsi soit-il.


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