La Passion de Jésus
racontée par les mystiques


Angèle de FOLIGNO (1248-1309)

Marie d'AGREDA (1602-1665)

Anne-Catherine ÉMMERICK (1774-1824)

Maria VALTORTA (1897-1961)
Introduction générale
Vie d'Anne-Catherine Emmerick
La Cène du Seigneur
L'agonie et l'arrestation
Chez Anne et Caïphe
Chez Pilate et Hérode
La condamnation
Le portement de Croix
Le crucifiement
Du crucifiement à la mort
Après la mort de Jésus
La Résurrection


La Passion de Jésus selon Anne-Catherine Emmerick


Du crucifiement à la mort de Jésus - Les dernières paroles

Remarques:

Il est bien difficile à quelqu'un de normal et sain d'esprit d'imaginer comment des hommes ont pu infliger à l'un de leurs semblables de telles tortures, traitant un être vivant et sensible comme une vulgaire chose avec laquelle on s'amuse sans se soucier des souffrances endurées, comme s'il s'agissait, notamment au moment de la crucifixion, d'un simple morceau de bois. Il est encore plus difficile de réaliser qu'un être humain ait pu subir ces tortures sans se plaindre, en priant sans cesse pour tous ses bourreaux, et en implorant Dieu de leur pardonner. Et que cet être humain ait pu tout supporter sans jamais se trouver mal, et sans jamais se plaindre!


Exaltation de la Croix (Chapitres XXXIX à XLI)

Quand la croix, après avoir été soulevée et placée au-dessus du trou qui avait été creusé pour elle, s'enfonça de tout son poids avec une terrible secousse, Jésus poussa un cri de douleur: "Ses blessures s'élargirent, son sang coula abondamment et ses os disloqués s'entre-choquèrent... Quand la croix s'enfonça avec bruit dans le creux du rocher, il y eut un moment de silence solennel... Même les cris et les injures furent interrompus quelques moments par le silence et la stupeur. C'est alors qu'on entendit du côté du temple le bruit des trompettes qui annonçaient l'immolation de l'agneau pascal prophétique..."

"Le choc terrible de la croix qui s'enfonçait en terre ébranla violemment la tête couronnée d'épines de Jésus (car on n'avait pas oublié de la Lui remettre), et en fit jaillir une grande abondance de sang."

La voyante fait ensuite un tableau dramatique de l'aspect de Jésus "si cruellement défiguré et dont le corps, sur la croix, avait quelque chose de noble: offert en sacrifice, brisé sous le poids des péchés du genre humain, le Fils de Dieu, l'Agneau Pascal mourant restait beau."


Première parole de Jésus sur la Croix (Chapitre XLII)

Jésus dut subir encore quelques outrages de la part de ses bourreaux, des soldats romains et des pharisiens, et même d'un des deux larrons. Jésus, revenu de sa faiblesse (il était resté comme mort pendant sept minutes) priait toujours: "Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font." Cette prière toucha beaucoup Dismas, le bon larron, qui, dit A.C. Émmerick, reconnut soudain, par une illumination intérieure, que Jésus et sa mère l'avaient sauvé dans son enfance.

La suite est intégralement racontée dans l'Évangile. Jésus lui dit d'abord: "Tu éprouveras ma miséricorde." Ce n'est que plus tard qu'Il lui dit: "Tu seras aujourd'hui avec moi dans le Paradis."


L'éclipse de soleil. Deuxième et troisième paroles de Jésus sur la Croix (Chapitre XLIII)

"Après midi il vint un épais brouillard rougeâtre devant le soleil. Vers la sixième heure (midi et demi) il y eut une éclipse miraculeuse de soleil... La lune... vint de l'Orient à grande vitesse se placer devant le soleil voilé par la brume... Du côté occidental du soleil, un corps obscur qui faisait l'effet d'une montagne, le couvrit tout entier...

Une terreur générale s'empara des hommes et des animaux... Ceux qui injuriaient Jésus baissèrent le ton... Les pharisiens essayaient encore de tout expliquer par des causes naturelles, mais... ils étaient, eux aussi, intérieurement saisis de terreur... Beaucoup de gens se jetèrent à genoux implorant leur pardon... et Jésus tourna les yeux vers eux..."


C'est alors qu'eut lieu le dialogue bien connu entre Jésus et le bon larron. (Deuxième parole de Jésus).

La mère de Jésus, priait intérieurement pour que Jésus la laissât mourir avec Lui. Mais "le Sauveur la regarda avec une ineffable tendresse, puis tourna les yeux vers Jean et dit à Marie: "Femme, voilà votre fils. Il sera votre fils plus que si vous l'aviez enfanté"... Puis il dit à Jean: "Voilà ta mère."

Jésus s'adressant à Marie lui dit: "Femme" et non pas: "Ma mère", parce qu'elle "apparaît comme la Femme par excellence, qui doit écraser la tête du serpent."


État de la ville et du Temple. Quatrième parole de Jésus sur la Croix (Chapitre XLIV)

Il était environ une heure et demi. Anne-Catherine Émmerick fut transportée dans la ville, pleine de trouble et d'inquiétude. Les rues étaient dans les ténèbres et le brouillard. Les animaux hurlaient. Pilate visita Hérode: les deux hommes regardaient le ciel, pleins d'inquiétude: "Ce n'est pas naturel, disaient-ils; on a certainement été trop loin contre Jésus."

La foule qui avait crié le matin même: "Crucifie-Le!" criait maintenant: "À bas le juge inique! Que son sang retombe sur ses meurtriers." La terreur et l'angoisse étaient au comble dans le Temple. On alluma toutes les lampes, mais le désordre augmentait toujours. Anne était frappé de terreur. Il n'y avait pas d'orage, et pourtant les grilles des fenêtres tremblaient. Quelques entrées de tombeaux s'effondraient comme si la terre eût tremblé.

Sur le Golgotha, le silence se fit à mesure que les ténèbres augmentaient. Les gens s'éloignaient...

"Le Sauveur était absorbé dans le sentiment de son profond délaissement ... Il priait avec amour pour ses ennemis... en répétant des passages des psaumes qui trouvaient maintenant en Lui leur accomplissement... Jésus était seul, sans consolateur. Il souffrait tout ce que souffre un homme affligé, plein d'angoisses, délaissé de toute consolation divine et humaine quand la foi, l'espérance et la charité toutes seules, privées de toute lumière et de toute assistance sensible, se tiennent vides et dépouillées dans le désert de la tentation, et vivent d'elles-mêmes au sein d'une souffrance infinie. Ce fut alors que Jésus nous obtint la force de résister aux plus extrêmes terreurs du délaissement, quand tous les liens se brisent, quand tous nos rapports avec ce monde... vont cesser, et qu'en même temps les perspectives que cette vie nous ouvre sur une autre vie se dérobent à nos regards. Nous ne pouvons sortir victorieux de cette épreuve qu'en unissant notre délaissement aux mérites de son délaissement sur la Croix... Nous n'avons plus à descendre seuls et sans protection dans ce désert de la vie intérieure... Il n'y a plus pour les chrétiens, de solitude, d'abandon, de désespoir... car Jésus, qui est la lumière, la voie et la vérité, a descendu ce sombre chemin... et Il a planté sa croix dans ce désert pour en surmonter les terreurs...

Dans sa douleur, Jésus témoigna son délaissement par un cri, et permit ainsi à tous les affligés qui reconnaissent Dieu pour leur Père une plainte confiante et filiale."


"Eli, Eli, lamma sabachtani!"

La suite est dans l'Évangile. "Parmi les assistants, beaucoup pleuraient... Peu après trois heures, la lumière revint un peu... La lune s'abaissa rapidement: on eût dit qu'elle tombait."


Mort de Jésus. Cinquième, sixième et septième paroles (Chapitre XLV)

"Lorsque la clarté revint, on vit le corps du Sauveur livide... à cause du sang qu'Il avait perdu. Il dit encore: "Je suis comme le raisin qui a été pressé ici pour la première fois: Je dois rendre tout mon sang jusqu'à ce que l'eau vienne et que l'enveloppe devienne blanche; mais on ne fera plus de vin en ce lieu." Jésus dit: "J'ai soif." Comme ses amis Le regardaient tristement, Il dit: "Ne pouviez-vous Me donner une goutte d'eau?" faisant entendre que pendant les ténèbres on ne les en aurait pas empêché. Jean, tout troublé, Lui répondit: "Ô Seigneur, nous l'avons oublié." Et Jésus dit encore quelques paroles dont le sens était: "Mes proches aussi devaient M'oublier et ne pas Me donner à boire, afin que tout fût accompli."

Les soldats Lui firent boire du vinaigre...

Jésus dit enfin: "Tout est consommé!" et cria à haute voix: "Mon Père, je remets mon esprit entre vos mains." ... La terre trembla "et le rocher se fendit, laissant une large ouverture entre la croix de Jésus et celle du mauvais larron.... Le coeur de ceux qui aimaient le Seigneur fut traversé par la douleur, comme par une épée..." Les soldats au pied de la Croix se convertirent.

Une grande épouvante s'empara de tous les assistants lorsque la terre trembla. Ce fut une terreur qui se fit sentir dans toute la nature, car c'est alors que le voile du Temple se déchira et que des morts sortirent de leurs tombeaux. Il était un peu plus de trois heures.


Tremblement de terre. Apparition des morts à Jérusalem (Chapitre XLVI)

"On avait à peine repris courage au retour de la lumière dans la ville et dans le temple, que les secousses qui agitaient le sol et le fracas des édifices qui s'écroulaient répandirent une terreur plus grande encore. Cette terreur fut portée au plus haut degré quand des gens qui fuyaient en pleurant rencontrèrent sur leur chemin des morts ressuscités qui les avertissaient et les menaçaient..." Il y eut bien une centaine de morts qui se manifestèrent. Ils rentrèrent ensuite dans leurs tombeaux vers quatre heures.

En ce qui concerne le voile du temple voici ce que raconte Anne-Catherine: "Les deux grandes colonnes situées à l'entrée du sanctuaire, et entre lesquelles était suspendu le magnifique rideau, s'écartèrent l'une de l'autre; le linteau qu'elles supportaient s'affaissa, le rideau se déchira avec bruit, dans toute sa longueur, et le sanctuaire fut ouvert à tous les regards. Ce rideau était rouge, bleu, blanc et jaune."

A la même heure, dans d'autres parties de la Terre Sainte et dans des pays éloignés, il y eut des signes et des bouleversements de toutes sortes.


Méditations sur la mort de Jésus

Pourquoi m'as-tu abandonné?...

Nous venons vers Toi, Jésus, avec tous nos amis, avec leur famille, leurs joies, mais aussi leurs soucis et leurs peines. Et leurs épreuves, parfois si douloureuses quand il s'agit de l'avenir des enfants, avenir terrestre mais surtout spirituel. Nous pensons à tous ceux qui ont été chrétiennement. Pourquoi sont-ils si nombreux aujourd'hui à avoir tout abandonné? Beaucoup de réussites humaines certes, mais l'état spirituel de ceux qui nous entourent est parfois tellement délabré... Ô Seigneur! Pourquoi Vous ont-ils abandonné? Pourquoi?...

Une autre phrase revient à notre mémoire, votre voix, Jésus, sur la Croix: "Père, pourquoi m'as-Tu abandonné?" Pourquoi Jésus, le Rédempteur du monde, est-il condamné à être abandonné de tous? Du Père Céleste et des hommes? Votre Agonie Jésus, continue donc encore? Jusqu'à la fin du monde? C'est étrange comme des choses que l'on connaît bien pourtant, que l'on a souvent méditées, prennent parfois une acuité nouvelle, un réalisme douloureux et stressant! Un réalisme qui dérange.

Jésus, pourquoi faut-il que tous Vous abandonnent? Pourquoi faut-il que même le Père, en cet instant dramatique de votre mort sur la Croix, cet instant suprême de la Rédemption, cet instant de l'éternel présent de Dieu, pourquoi faut-il que le Père semble Vous abandonner, Vous, son Fils Bien-Aimé, son unique? Vous la deuxième Personne de la Trinité Sainte? Vous, chargé des péchés du monde que Vous êtes venu sauver? Vous qui Vous êtes fait péché pour nous délivrer de nos péchés?

Jésus, votre Croix construit votre Église, votre Corps mystique. La construction est loin d'être achevée. Chaque jour apporte de nouvelles âmes qui viennent prendre leur place et accomplir leur vocation, celle que Vous avez prévue pour elles de toute éternité. Chaque jour votre grande Croix grandit, se construit un peu plus, et éclaire le monde. Mais chaque jour aussi tant d'âmes continuent à se perdre. Alors il faut que la Rédemption se poursuive, il faut que votre Agonie continue, jusqu'à la fin du monde. Il faut que les hommes continuent à Vous abandonner, à Vous trahir, à Vous renier; il faut que le Père aussi se cache pour Vous, Vous faisant endurer un abandon mortel, l'abandon total causé par la haine alors que votre Coeur n'est qu'Amour.

Et Vous continuez à nous dire, Jésus: "Pourquoi m'avez-Vous abandonné, pourquoi m'abandonnez-Vous alors que Je ne veux que votre salut, que votre bonheur?"

Et Vous continuez, Jésus, à dire à chacun de nous: "Reste avec Moi, console-Moi, sois près de Moi et partage ma peine, partage ma douleur." Et chacun de nous peut répondre, ne se sentant pas très bien, car nous sommes si petits, si faibles, si misérables. Et si pécheurs... Certes, Vous êtes venu pour les pécheurs, pour les malades du coeur, pour les déshérités de l'amour. Vous êtes venu pour les pécheurs que nous sommes tous. Et chaque pécheur qui se sauve est votre consolation. Et chaque pécheur converti peut être débordant d'amour pour Vous et Vous apporter l'amitié et l'amour que Vous attendez. Comme Marie-Madeleine...

Et chacun de nous, Jésus, peut prier avec Vous, et Vous dire; "Je suis comme ces pécheurs qui reviennent à Vous, le coeur brisé mais plein d'amour. Je veux répondre à votre plainte et rester près de Vous, tout près de Vous, dans votre Coeur et partager votre abandon. Ainsi Vous ne serez plus seul, vous ne serez plus abandonné. Et le Père, votre Père qui Vous aime, votre Père qui est aussi le nôtre, le Père nous étreindra de son Amour, et il n'y aura plus d'abandon.

Jésus, je reste près de Vous, étonné et ravi... Je reste près de Vous malgré toute ma misère. Je reste près de Vous, pas très fier, confus d'être l'objet de tant d'amour et de sollicitude. Je me sens démuni, incapable de Vous dire quoi que ce soit sinon que je Vous aime. Je Vous regarde Jésus, plein de confusion. Je Vous regarde Jésus et je reste avec Vous, simplement. Je Vous regarde Jésus, dans votre abandon, je Vous regarde et je reste là, à Vous contempler.

Je reste là, Jésus, car votre Amour a inondé mon coeur. Je reste là, Jésus, parce que je Vous aime. Je reste là parce que je Vous aime, parce que Vous êtes "Toi", parce que je suis moi. Parce que Tu es Toi, Ô Jésus, Toi l'Amour. Parce que je voudrais Te chanter, Te bénir, Te louer et Te glorifier. Parce que je T'aime et que Tu es mon Dieu.

Je T'aime, oui Jésus!

Je T'aime car Tu es Fils du Père, et donc mon Père aussi. Je T'aime parce que Tu es Amour. Ô Amour du Père et du Fils, Amour et Esprit Créateur, Esprit d'Amour qui soude la Trinité, Esprit de mon Dieu, Esprit de Jésus abandonné du Père. Jésus abandonné du Père mais pourtant toujours Un avec Lui dans l'éternelle étreinte de l'infini Amour...

Je T'aime, ô Jésus, abandonné du Père pendant ta Passion et ta longue Agonie, abandonné mais pourtant Un avec Lui, et toujours le Bien-Aimé... Moi je suis avec Toi, près de Toi, ô Jésus notre Sauveur.

Je T'aime, mon Sauveur. Je T'aime de l'Amour que Tu as mis en moi, que Tu mets en chacun de nous. Je T'aime, émerveillé de Toi, émerveillé de ton Amour, émerveillé et ébloui de Dieu. Je T'aime, ô Toi, ma vérité, ma vie, mon chemin et ma sécurité.

Je T'aime, Toi Merveilleux Amour. Je T'aime parce que Tu m'aimes, parce que Tu veux me faire partager ton bonheur, ton bonheur infini, ton bonheur éternel. Je T'aime, je ne sais pas pourquoi, parce que c'est ainsi, parce que Tu l'as voulu. Je ne suis rien sans Toi. Je n'existe que par Toi. Je ne vis que pour Toi qui as rempli mon coeur. Si je vis, c'est pour Toi... Si j'aime, c'est pour Toi... Si je chante, c'est encore pour Toi. Si je souffre, c'est toujours pour Toi. Car l'Amour est douleur, Tu le sais mieux que nous.

L'amour est douleur, l'Amour porte la Croix, l'Amour pleure de n'être pas aimé. Ton Amour, ô mon Dieu est un Amour de joie souvent baigné de larmes. Ton Amour, ô Jésus, est bonheur et douleur. Il est paix dans les peines et les bourrasques. Il est joie et tristesse. Il est calme dans les tempêtes. Mon coeur saigne, ô Seigneur, dans l'Amour de ton Coeur car Tu n'es pas aimé. Car Tu es incompris des hommes trop pécheurs, des hommes désespérés qui ont perdu l'espoir, qui ne peuvent plus accepter ton espérance, l'espérance que Tu apportes quand ton cri de détresse traverse les siècles et les mondes: "Père! pourquoi m'as-Tu abandonné?..."

Je T'aime, Jésus, mon Sauveur et ma joie. Je T'aime, Jésus, je ne sais pas pourquoi. Parce que Tu es l'Amour et parce que Tu m'aimes. Tu m'aimes, Tu m'as toujours aimé, de toute éternité. Et je T'aime ô Jésus, Toi qui m'as délivré du péché, de l'Enfer. Je T'aime, ô Jésus, car Tu es tout pour moi, car Tu es tout pour nous...

Avec un grand cri

Jésus est sur la Croix et Jésus va mourir. Durant toute sa Passion, Il n'a pensé qu'aux autres: à son peuple égaré, à sa patrie aveuglée, aux femmes de Jérusalem, à sa Mère, à Saint Jean, au Bon Larron... Il a pensé à son Père aussi, à son Père dont Il accomplissait la sainte Volonté, cette Volonté terrible dont Il a tout accompli jusque dans les moindres détails: "Père, tout est accompli!" Tout est accompli et Jésus peut mourir... Ce sera fait dans quelques minutes.

Jusqu'à présent Jésus s'est tu, Jésus ne s'est jamais plaint. Pourtant, juste au moment de retourner au Père, de Lui rendre l'Esprit, Jésus qui a tout accompli, Jésus prononce deux plaintes: "J'ai soif!" et "Père, pourquoi m'as-Tu abandonné?"

Jésus a soif, une atroce soif physique, mais aussi une intense soif de notre salut et des âmes pour qui Il agonise et meurt sur la Croix.

Jésus appelle le Père qui semble l'avoir abandonné afin de rendre sa souffrance plus totale et son sacrifice plus parfait. Car il fallait que Jésus connût jusqu'à l'horreur de nos désespoirs, l'horreur de l'absence de Dieu. Jésus va mourir, Jésus meurt... Dans quelques secondes son âme aura quitté son Corps meurtri, blessé, torturé, disloqué, écartelé, martyrisé jusque dans ses fibres les plus profondes. Son Coeur pourra s'ouvrir et nous donner l'Amour, et nous donner l'Esprit. Jésus meurt... dans son déchirant silence. La terre et la nature se taisent et pleurent. Même ses ennemis se taisent et ne ricanent plus. Jésus meurt. Il fait nuit... Tout se tait...

Tout se tait, quand soudain...

Jésus va mourir... Mais avant que son âme ne quitte complètement sa nature humaine, avant que la nature hurle sa douleur dans un effroyable tremblement de terre doublé d'un foudroyant orage, Jésus pousse un grand cri.

On a beaucoup épilogué sur ce cri. On lui a fait dire beaucoup de choses. En fait, quand Jésus a remis son âme entre les mains du Père, quand l'âme de Jésus, dont la volonté est restée fidèle jusqu'au bout à la Volonté du Père, est sur le point de quitter son Corps, alors, ce corps humain, ce lambeau de corps humain qui n'est plus soutenu par une volonté divine, ce corps qui est en train de mourir dans les pires souffrances qu'on puisse imaginer, ce corps va brusquement se détendre et crier sa douleur et sa détresse infinies.

Jésus qui meurt ne peut plus retenir sa douleur humaine et un grand cri s'exhale. Que crie-t-il: "Maman!..." comme crient tous ceux qui vont mourir, qui meurent dans de grandes douleurs, dans un délaissement total?

Ou bien crie-t-il: "Abba! Papa, pourquoi m'as-tu ainsi délaissé, ainsi abandonné?" Comme nous comprenons ces paroles, nous dont la plus grande douleur est de n'être pas aimés, ou plutôt de croire que nous ne sommes pas aimés, que nous sommes abandonnés, laissés seuls avec notre détresse.

Jésus a-t-il, au contraire, encore pensé à nous et permis le jaillissement de ce cri, dans la détente de son corps torturé? "J'ai soif! soif de vous qui ne me comprenez pas, soif de vous qui ne voulez pas vous sauver, soif de vous qui refusez l'amour de l'Amour." Jésus voulait-Il nous montrer qu'Il nous aimait, tous, jusque là, jusqu'à ce grand cri?

Quel qu'il soit, ce grand cri de Jésus a glacé d'effroi l'univers tout entier. Ce grand cri de Jésus a transpercé le monde, a traversé les siècles. Le voici parmi nous. Et le voici chez nous, ce grand cri de Jésus, ce cri de la détresse humaine, de la misère humaine.

Entendez-vous ce cri terrible qui traverse les siècles? Entendez-vous ce cri de Jésus qui rencontre le cri de l'agonie des hommes? Entendez-vous ce cri des peuples affamés? Entendez-vous ce cri des enfants sans pasteur? Entendez-vous l'appel des victimes des guerres, des femmes abandonnées, des enfants qu'on égorge? Entendez-vous le cri des hommes qui cherchent Dieu, qui courent après Dieu qu'on leur cache. Entendez-vous le cri des mondes déchirés, des mondes assoiffés, des peuples sans travail, ou de ceux écrasés par de lourdes richesse, richesses insupportables car fabriquées avec le sang des pauvres? Entendez-vous le cri de ceux qui cherchent Dieu? Entendez-vous ce cri, ce grand cri de Jésus? Entendez-vous? Entendez-vous?...

Le grand cri de Jésus a traversé les mondes, a traversé les siècles. Nous l'entendons encore: il est là, dans nos coeurs. Jésus, j'entends ton cri, ton grand cri de ta mort. Mais ton cri de détresse, c'est le cri de ta gloire.

Jésus, j'entends ton cri, ton grand cri, le grand cri de ta gloire, le cri de ta victoire. Ton cri est glorieux, Jésus, car, dans sa douleur immense il annonce déjà le jour de ta Résurrection. Non, Jésus n'est pas mort, Jésus vit toujours, Jésus est toujours là... Ton cri est glorieux, Jésus, car il annonce aussi ton retour parmi nous, ton retour dans la Gloire. Grande est ta Victoire, ô Croix de Jésus-Christ!




Suite...