Poésies d'inspiration chrétienne


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Confession
A Pierre Grosclaude


Seigneur, pardonnez-moi si je suis un peu lasse.
Le chemin est souvent trop dur à parcourir.
J'évoque, malgré moi, la douceur de mourir,
Et de connaître enfin votre divine grâce.

Je sais bien que les temps ne sont pas révolus,
Qu'il faut encor lutter pour accomplir sa tâche ;
Que désirer la mort, mon Dieu, c'est déjà lâche,
Et que nos désespoirs vous les avez voulus.

Vous les avez voulus, c'est là le grand mystère,
Et la tentation d'un mur trop douloureux.
Les meilleurs ne sont pas, hélas, les plus heureux,
Parmi les voyageurs qui traversent la terre.

Redites-leur, mon Dieu, que le but est plus haut,
Que la souffrance est un tremplin vers la lumière.
Qu'ils doivent surmonter leur peine coutumière,
Avant d'exécuter l'imprévisible saut.

Secourez les martyrs d'une trop longue épreuve,
Dont le regard craintif se tourne vers le ciel.
Soyez l'espoir unique et providentiel
Qui, de votre immanence, apportera la preuve.

Mais surtout, ô mon Dieu, envoyez des rayons,
Dans le coeur de celui qui ne connaît que l'ombre.
De votre glaive d'or, percez le voile sombre,
Et que vos feux d'amour éclatent par millions.

Je ne suis qu'une enfant, dans votre main divine,
Mais je remets en Vous ma joie et mes douleurs.
Laissez-voi Vous offrir ces émouvantes fleurs,
Afin qu'une âme, encor loin de Vous, s'illumine.

Inspirez-moi les chants arrachés à ma chair,
Dans le secret du coeur comme en divin temple,
Mais qu'à travers mes cris un autre Vous contemples
Et Vous devienne alors et plus proche et plus cher.

Seigneur, pardonnez-moi si je suis importune.
J'ai l'air de commander et j'implore pourtant.
Faites que je m'oublie et qu'en Vous écoutant,
Je sois sûre d'avoir compris une infortune.

Anita Chevallier
Les Harmonies fantasques, Editions du Centre (1954)




Sur le Christ de Léonard de Vinci

Ses cheveux d'or léger, pathétiques, déroulent
Leurs volutes, des deux côtés du front si beau,
Et l'on dirait des pleurs de lumière qui coulent,
Effusion pieuse et tendre du pinceau.

Sa tête est comme un lys qu'un vent du soir incline,
Car il entend déjà le sarcasme et les cris ;
Il sait les stations de l'infâme colline,
La couronne, et la croix, et ses genoux meurtris.

Il sait qu'il va bientôt mourir, Roi dérisoire.
Il se sent, sous les clous invisibles, sanglant ;
A sa soif insultée on tend du fiel à boire ;
Et le trou de la lance est déjà dans son flanc.

Et pourtant Il est là ! Pourtant là sont les Douze !
Ils le regardent tous avec des yeux d'amour,
Sauf un. Ne se peut-il que la honte la couse,
La bouche qui va feindre en parlant à son tour !

Jésus tient sur ses yeux ses paupières baissées,
Et seul ainsi, dans son amère humanité,
il ne regarde plus qu'en ses tristes pensées,
Pesant le sacrifice et sa nécessité.

Mais en vain dans son coeur sa peine est infinie,
La douleur n'a point fait que l'humaine laideur
Offense en l'Homme-Dieu l'ineffable harmonie
De ses traits revêtus d'une auguste pudeur.

Eugène Hollande (1866-1931)
La Route chante, 1922


Ce soir, mon Dieu

Ce soir, mon Dieu, je viens pleurer, je viens prier
Et rompre sur ta croix les reins d'un ouvrier
Dont le labeur stérile a négligé ta gloire.
La nuit du monde autour de ton église est noire ;
Je viens puiser de l'huile à tes feux éternels,
Loin de la joie humaine et des hommes charnels.
Mon Dieu, je viens jeter à tes pieds cette vie,
Dont chaque jour d'un clou haineux te crucifie.
Je suis le plus méchant des mauvais serviteurs.
O Jésus qui prêchais la sagesse aux docteurs,
J'ai détourné le sens divin des paraboles ;
J'ai, d'un grain vil, semé le champ de tes paroles.
Malheur à moi ! Car dans les vers dont j'ai chantés
La prière se mêle au cri des voluptés.
J'ai baisé tes pieds nus comme une chair de femme
Et posé sur ton coeur ouvert un coeur infâme.
L'iniquité fut ma maîtresse. Et me voilà.
Tes yeux que le Péché de l'univers scella
Me brûlent de leurs pleurs de sang. Quoique tu l'aies
Senti mettre ses mains cruelles dans tes plaies,
O Seigneur, prends enfin en pitié ton enfant !
Son coeur comme un vitrail qu'on étoile se fend.
Sois-lui clément, permets le retour du prodigue ;
Rends l'eau du ciel à la citerne, et que la figue
Encor pèse aux rameaux du figuier desséché !
Ah ! ne le laisse pas mourir dans son péché ;
Cet errant qui s'enlace à ta croix et qui pleure,
Las d'avoir tant cherché l'amour qui seul demeure.

Charles Guerin (1873-1907)
In Le Semeur de cendres, Mercure de France



Prière pour aller au Paradis avec les ânes

Lorsqu'il faudra aller vers vous, ô mon Dieu, faites
que ce soit par un jour où la campagne en fête
poudroiera. Je désire, ainsi que je fis ici-bas,
choisir un chemin pour aller, comme il me plaira,
au Paradis, où sont en plein jour les étoiles.
Je prendrai mon bâton et sur la grande route
j'irai, et je dirai aux ânes, mes amis :
Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis,
car il n'y a pas d'enfer au pays du Bon Dieu.
Je leur dirai : Venez, doux amis du ciel bleu,
pauvres bêtes chéries qui, d'un brusque mouvement d'oreille,
chassez les mouches plates, les loups et les abeilles...

Que je Vous apparaisse au milieu de ces bêtes
que j'aime tant, parce qu'elles baissent la tête
doucement, et s'arrêtent en joigant leurs petits pieds
d'une façon bien douce et qui me fait pitié.
J'arriverai suivi de leurs milliers d'oreilles,
suivi de ceux qui portèrent au flanc des corbeilles,
de ceux traînant des voitures de saltimbanques
ou des voitures de plumeaux et de fer-blanc,
de ceux qui ont au dos des bidons bossués,
des ânesses pleines comme des outres, aux pas cassés,
de ceux à qui l'on met de petits pantalons
à cause des plaies bleues et suintantes qui font
les mouches entêtées qui s'y groupent en rond.
Mon Dieu, faites qu'avec ces ânes je Vous vienne.
Faites que, dans la paix, des anges nous conduisent
vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises
lisses comme la chair qui rit des jeunes filles,
et faites que, penché dans ce séjour des âmes,
sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes
qui mireront leur humble et douce pauvreté
à la limpidité de l'amour éternel.

Francis Jammes (1868-1938)
in Le Deuil des primevères, Paris, Mercure de France, 1901.



Soir mystique

Le soir tombe. Là-bas, sur la plaine apaisée,
Court dans les oliviers une lueur rosée.
Les chevaux ébroués rentrent de l'abreuvoir.
Les abeilles déjà dorment au fond des ruches,
Et dans la pièce sombre où se glisse le soir
La lampe qu'on allume a fait luire les cruches.
O braves gens, chez vous j'aime à venir m'asseoir
A cette heure du jour entre toutes paisible
Où les bons serviteurs se reposent... Repos
De la maison où rêve une fée invisible !
Des touffes de genêts trempent dans de grands pots,
Et les amandes d'or sèchent sur un vieux crible.
Il me semble relire un verset de la Bible
A la page où Jacob parle de ses troupeaux,
Car le bruit des brebis vient par la porte ouverte
Et se mêle aux parfums de l'obscurité verte,
D'où rêveur se détache un berger sous un pin.
La table est mise, on sent la bonne odeur du pain,
Le vin de l'an passé brille dans les bouteilles,
Et près du beurre frais et des figues vermeilles
La soupe fume au fond des assiettes d'étain.
La beauté de la race antique et vénérable
S'est assise avec nous autour de cette table.
Le vieux Jean s'est signé d'un grand signe de croix
Et dans l'eau que je bois, dans ce pain que je mange,
Je communie avec la prairie et la grange,
Et le soir est si pur et si bleu que je crois
Qu'au fond de la campagne où le vieux berger marche
Dieu visite le coeur de quelque patriarche.

Joachim Gasquet (1873-1921)
In Les Chants séculaires, l'Amitié par le livre


Prière

O Seigneur, chaque fois qu'aux festins de la terre
Mes pieds me porteront loin de Vous, - aussitôt
Que je songe à Vos pieds troués sur le Calvaire
Et je frissonne au bruit sinistre des marteaux !

Chaque fois que mes mains, faites pour la prière,
Voudront cueillir la fleur des péchés capitaux,
Que je sente frémir leur paume téméraire
Sous vos clous aiguisés ainsi que des couteaux !

Et quand, l'âme troublée et le coeur en déroute,
Furtif, je descendrai par les mauvaises routes
Vers les plaines du Mal aux ombrages pervers,

Que soudain, comme à cet instant évangélique,
Se dresse devant moi Votre gibet tragique
M'arrêtant au passage avec Vos bras ouverts !

Armand Praviel (1882-?)
L'Exercice du Chemin de la Croix, XI° station



Mater Dolorosa

Lorsque son Fils Jésus fut, lamentable et beau,
Descendu de la Croix et mis dans le tombeau,
Marie, ayant dans sa plénitude sévère
Accompli jusqu'au bout le maternel calvaire,
Eut soif soudain d'un peu de paix, d'isolement.
En dépit de leurs soins repoussant doucement
Tous les êtres aimés qui partageaient sa peine,
Tous, jusqu'à Jean l'Apôtre et jusqu'à Madeleine,
Elle laissa leurs coeurs se consoler entre eux
Et, seule à seule avec son rêve douloureux,
A travers le veuvage éperdu de cette heure,
S'en revint dans le soir vers sa triste demeure.
L'univers tout entier semblait frémir encor
Du récent drame auquel il servait de décor :
Les oliviers tordus par de tragiques bises
Secouaient sur le sol, sans fin, leurs feuilles grises,
Qui, tels des pleurs de cendre, erraient - vol infécond ! -
Le crêpe échevelé des nuages de plomb
Voilait le front lointain et livide des cimes
Où le couchant râlait en des rougeurs de crimes...
Marie, avec effroi, se demandait comment
Dieu, malgré l'équité de son esprit clément,
Pardonnerait jamais aux hommes cette faute
Dont l'aberration se révélait si haute
Que les éléments même exhalaient, anxieux,
L'innombrable courroux de la terre et des cieux
                  En révolte.
                                       Non loin, au coeur d'un térébinthe,
Une palombe, oiseau de paix, pleurait sa plainte...

*
*            *

Soudain, sur le sentier, au-devant de ses pas,
La Vierge vit venir une femme. Si las
Semblait son pauvre corps courbé par la vieillesse,
Son visage ridé, son regard de détresse,
Que Marie, au travers de sa propre douleur,
Devina dans cette âme une misère soeur.
Lors, elle interrogea doucement l'inconnue.
Celle-ci, d'une voix navrante, contenue,
Ne put que lui répondre en se tordant les mains
Et secouant la tête : " Ah ! Passez vos chemins,
Femme, et laissez leur cours à mes larmes amères.
Je suis, hélas ! la plus malheureuse des mères ! "
La Mère des Douleurs, d'un geste, l'arrêta...
Quel tourment, ici-bas, valait son golgotha ?
Quel fils pouvait subir un destin plus infâme ?
Elle voulut savoir le nom de cette femme...
L'étrangère frémit. Sur l'émoi d'alentour
Ses yeux brûlés, ternis, se fixaient tour à tour
En angoisse craintive, en muette prière...
Son être, sous le poids de la honte dernière,
Plia. Son souffle, empreint d'horreur, sourd comme un glas,
Agonisa: " Je suis... la mère... de Judas ! "
Marie, à son tour, tressaillit, puis, convaincue
Par cette immensité de torture vécue,
Sentit son coeur se fondre en un cri de pitié...
Douce, elle releva le corps humilié
Et dans un fraternel élan posa ses lèvres
Sur le pâle visage où les pleurs et les fièvres
Expiaient, en vertu d'un mystère infini,
L'autre baiser donné sur le Gethsémani !...
Pendant ce temps, non loin, au coeur du térébinthe,
L'oiseau de paix, l'oiseau d'amour, chantait sa plainte...

Lya Berger, Les Effigies, 1911




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