BENOÎT XVI

MESSAGES ET HOMÉLIES


1 Message de Noël 2005
Homélie pour la messe de minuit 2005
Message pour le 1° janvier 2006 (Journée mondiale de la Paix)
"Deus caritas est" : Encyclique "Dieu est amour"
Message pour le Carême 2006
Message pour les JMJ 2006
Catéchèse du Mercredi Saint
2 Bilan de l'année 2006
Message de Noël 2006
Message pour les JMJ 2007
Message pour le Carême 2007
Prière à la Vierge Marie pour les jeunes
Homélie pour la messe de minuit 2007
3 Message de Noël 2007
Message de Carême 2008
Message de Pâques 2008
Message aux enfants avant Noël
Message pour le 1° janvier 2009
Message de Carême 2009

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Message de Noël 2005

«Je vous annonce une grande joie... aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur» (Lc 2, 10-11). Cette nuit, nous avons écouté à nouveau les paroles de l’Ange aux bergers, et nous avons revécu le climat de cette sainte Nuit, la Nuit de Bethléem, lorsque le Fils de Dieu s’est fait homme et que, naissant dans une pauvre grotte, il a établi sa demeure parmi nous.

En ce jour solennel, retentit l’annonce de l’Ange et pour nous aussi, hommes et femmes du troisième millénaire, c’est une invitation à accueillir le Sauveur. Que l’humanité d’aujourd’hui n’hésite pas à le faire entrer dans ses maisons, dans ses villes, dans ses nations et en tout point de la terre! Il est vrai, qu’au cours du millénaire qui s’est achevé il y a peu, et spécialement pendant les derniers siècles, les progrès accomplis dans le domaine technique et scientifique ont été nombreux; les ressources matérielles dont nous pouvons disposer aujourd’hui sont importantes. L’homme de l’ère technologique risque cependant d’être victime des succès mêmes de son intelligence et des résultats de ses capacités d’action s’il se laisse prendre par une atrophie spirituelle, par un vide du cœur. C’est pourquoi il est important qu’il ouvre son esprit et son cœur à la Naissance du Christ, événement de salut capable d’imprimer une espérance renouvelée dans l’existence de tout être humain.

«Homme, éveille-toi: pour toi, Dieu s’est fait homme» (saint Augustin, Discours, 185). Éveille-toi, homme du troisième millénaire! À Noël, le Tout-Puissant s’est fait petit enfant et il demande aide et protection; sa façon d’être Dieu provoque notre façon d’être hommes; le fait qu’il frappe à nos portes nous interpelle, interpelle notre liberté et nous demande de revoir notre rapport à la vie et notre façon de l’envisager. L’époque moderne est souvent présentée comme une période de réveil du sommeil de la raison, comme la venue de l’humanité à la lumière, émergeant ainsi d’une période obscure. Néanmoins, sans le Christ, la lumière de la raison ne suffit pas à éclairer l’homme et le monde. C’est pourquoi la parole évangélique du jour de Noël – «La lumière véritable qui éclaire tout homme en venant dans le monde» (Jn 1, 9) – retentit plus que jamais comme une annonce du salut pour tous. «Le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné» (const. Gaudium et spes, n. 22). L’Église répète sans se lasser ce message d’espérance repris par le Concile Vatican II, qui s’est achevé il y a exactement quarante ans.

Homme moderne, adulte pourtant parfois faible dans sa pensée et dans sa volonté, laisse-toi prendre par la main par l’Enfant de Bethléem; ne crains pas, aie confiance en Lui! La force vivifiante de sa lumière t’encourage à t’engager dans l’édification d’un nouvel ordre mondial, fondé sur de justes relations éthiques et économiques. Que son amour guide les peuples et éclaire leur conscience commune d’être une «famille» appelée à construire des relations de confiance et de soutien mutuel. L’humanité unie pourra affronter les problèmes nombreux et préoccupants du moment présent: de la menace terroriste aux conditions d’humiliante pauvreté dans laquelle vivent des millions d’êtres humains, de la prolifération des armes aux pandémies et à la dégradation de l’environnement qui menace l’avenir de la planète.

Le Dieu qui s’est fait homme par amour de l’homme soutient ceux qui, en Afrique, agissent en faveur de la paix et du développement intégral, s’opposant aux luttes fratricides, pour que se consolident les transitions politiques actuelles encore fragiles et que soient sauvegardés les droits les plus élémentaires de ceux qui se trouvent dans de tragiques situations humanitaires, comme au Darfour et en d’autres régions de l’Afrique centrale. Qu’Il incite les peuples latino-américains à vivre dans la paix et la concorde. Qu’Il donne courage aux hommes de bonne volonté qui agissent en Terre Sainte, en Iraq, au Liban, où les signes d’espérance qui, s’ils ne manquent pas, attendent d’être confirmés par des comportements inspirés par la loyauté et la sagesse; qu’Il favorise les processus de dialogue dans la Péninsule coréenne et dans d’autres Pays d’Asie, pour que, les dangereuses divergences étant surmontées, on parvienne, dans un esprit amical, à des solutions de paix cohérentes, ce qui est tant attendu de ces populations.

À Noël, notre esprit s’ouvre à l’espérance en contemplant la gloire divine cachée dans la pauvreté d’un Enfant enveloppé de langes et déposé dans une mangeoire : c’est le Créateur de l’univers réduit à l’impuissance d’un nouveau-né. Accepter un tel paradoxe, le paradoxe de Noël, c’est découvrir la Vérité qui rend libres, l’Amour qui transforme l’existence. Dans la Nuit de Bethléem, le Rédempteur se fait l’un de nous, pour être notre compagnon sur les routes de l’histoire semées d’embûches. Accueillons la main qu’il nous tend: c’est une main qui ne veut rien nous enlever, mais seulement donner.

Avec les bergers, entrons dans la grotte de Bethléem sous le regard aimant de Marie, témoin silencieux de cette prodigieuse naissance. Qu’elle nous aide à vivre un bon Noël; qu’elle nous apprenne à conserver dans notre cœur le mystère de Dieu qui, pour nous, s’est fait homme; qu’elle nous conduise à être dans le monde des témoins de sa vérité, de son amour, de sa paix.




Homélie pour la messe de minuit

«Le Seigneur m’a dit: "Tu es mon fils; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré"». Par ces paroles du psaume 2, l’Église commence la Messe de la veillée de Noël, dans laquelle nous célébrons la naissance de notre Rédempteur Jésus Christ, dans l’étable de Bethléem. Autrefois, ce psaume appartenait au rituel du couronnement du roi de Juda. Le peuple d’Israël, en raison de son élection, se sentait de façon particulière fils de Dieu, adopté par Dieu. Comme le roi était la personnification de ce peuple, son intronisation était vécue comme un acte solennel d’adoption de la part de Dieu, dans lequel le roi était, en quelque sorte, introduit dans le mystère même de Dieu. Dans la nuit de Bethléem, ces paroles, qui étaient en fait plutôt l’expression d’une espérance qu’une réalité présente, ont pris un sens nouveau et inattendu. L’Enfant dans la crèche est vraiment le Fils de Dieu. Dieu n’est pas solitude éternelle, mais cercle d’amour où il se donne et se redonne dans la réciprocité. Il est Père, Fils et Esprit Saint.

Plus encore: en Jésus Christ, le Fils de Dieu, Dieu lui-même s’est fait homme. C’est à Lui que le Père dit: «Tu es mon fils». L’aujourd’hui éternel de Dieu est descendu dans l’aujourd’hui éphémère du monde et il entraîne notre aujourd’hui passager dans l’aujourd’hui éternel de Dieu. Dieu est si grand qu’il peut se faire petit. Dieu est si puissant qu’il peut se faire faible et venir à notre rencontre comme un enfant sans défense, afin que nous puissions l’aimer. Dieu est bon au point de renoncer à sa splendeur divine et descendre dans l’étable, afin que nous puissions le trouver et pour que, ainsi, sa bonté nous touche aussi, qu’elle se communique à nous et continue à agir par notre intermédiaire. C’est cela Noël: «Tu es mon fils; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré». Dieu est devenu l’un de nous, afin que nous puissions être avec Lui, devenir semblables à Lui. Il a choisi comme signe l’Enfant dans la crèche: Il est ainsi. De cette façon nous apprenons à le connaître. Et sur chaque enfant resplendit quelque chose du rayon de cet aujourd’hui, de la proximité de Dieu que nous devons aimer et à laquelle nous devons nous soumettre – sur chaque enfant, même sur celui qui n’est pas encore né.

Écoutons une deuxième parole de la liturgie de cette sainte Nuit, cette fois tirée du Livre du prophète Isaïe: «Sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi» (9, 1). Le mot «lumière» pénètre toute la liturgie de cette Messe. Elle est mentionnée de nouveau dans le passage tiré de la lettre de saint Paul à Tite: «La grâce de Dieu est apparue» (2, 11). L’expression «est apparue» (est manifestée) appartient au langage grec et, dans ce contexte, dit la même chose que ce que l’hébreu exprime par les mots «une lumière resplendit»: l’«apparition» – l’«épiphanie» – est l’irruption de la lumière divine dans le monde plein d’obscurité et plein de problèmes irrésolus. Enfin, l’Évangile nous rapporte que la gloire de Dieu apparut aux bergers et «les enveloppa de lumière» (Lc 2, 9). Là où paraît la gloire de Dieu, là se répand, dans le monde, la lumière. «Dieu est lumière, il n’y a pas de ténèbres en lui», dit saint Jean (1 Jn 1, 5). La lumière est source de vie.

Mais lumière signifie surtout connaissance, vérité en opposition à l’obscurité du mensonge et de l’ignorance. Ainsi, la lumière nous fait vivre, nous indique la route. Mais ensuite, la lumière, parce qu’elle donne de la chaleur, signifie aussi amour. Là où il y a de l’amour, apparaît une lumière dans le monde; là où il y a de la haine le monde est dans l’obscurité. Oui, dans l’étable de Bethléem est apparue la grande lumière que le monde attend. Dans cet Enfant couché dans l’étable, Dieu montre sa gloire – la gloire de l’amour, qui se fait don lui-même et qui se prive de toute grandeur pour nous conduire sur le chemin de l’amour. La lumière de Bethléem ne s’est plus jamais éteinte. Tout au long des siècles, elle a touché des hommes et des femmes, «elle les a enveloppés de lumière». Là où a surgi la foi en cet Enfant, là aussi a jailli la charité – la bonté envers les autres, l’attention empressée pour ceux qui sont faibles et pour ceux qui souffrent, la grâce du pardon. À partir de Bethléem, un sillage de lumière, d’amour, de vérité, envahit les siècles. Si nous regardons les saints – de Paul et Augustin, jusqu’à saint François et saint Dominique, de François-Xavier et Thérèse d’Avila à Mère Teresa de Calcutta – nous voyons ce courant de bonté, ce chemin de lumière qui, toujours de nouveau, s’enflamme au mystère de Bethléem, à ce Dieu qui s’est fait Enfant. Dans cet Enfant, Dieu oppose sa bonté à la violence de ce monde et il nous appelle à suivre l’Enfant.

Avec l’arbre de Noël, nos amis autrichiens nous ont apporté aussi une petite flamme qu’ils avaient allumée à Bethléem, pour nous dire: le vrai mystère de Noël est la splendeur intérieure qui vient de cet Enfant. Laissons cette splendeur intérieure se communiquer à nous, allumer dans notre cœur la petite flamme de la bonté de Dieu; par notre amour, portons tous la lumière dans le monde! Ne permettons pas que cette flamme de lumière soit éteinte par les courants froids de notre temps! Gardons-la fidèlement et faisons-en don aux autres! En cette nuit, dans laquelle nous regardons vers Bethléem, nous voulons aussi prier de façon spéciale pour le lieu de la naissance de notre Rédempteur et pour les hommes qui y vivent et qui y souffrent. Nous voulons prier pour la paix en Terre Sainte: Regarde, Seigneur, cette région de la terre qui, étant ta patrie, t’est si chère! Fais que ta lumière y brille! Fais que la paix y advienne!

Avec le terme «paix», nous sommes arrivés à la troisième parole-guide de la liturgie de cette sainte Nuit. L’Enfant qu’Isaïe annonce est appelé par lui «Prince de la paix». On dit de son règne: «La paix n’aura pas de fin». Aux bergers sont annoncées dans l’Évangile la «gloire de Dieu au plus haut des cieux» et «la paix sur terre...». Autrefois on lisait: «...aux hommes de bonne volonté»; dans la nouvelle traduction, on dit: «...aux hommes, qu’il aime». Que signifie ce changement? La bonne volonté ne compte-t-elle plus? Posons mieux la question: qui sont les hommes que Dieu aime et pourquoi les aime-t-il? Dieu est-il partial? Aime-t-il seulement des personnes déterminées et abandonne-t-il les autres à elles-mêmes? L’Évangile répond à ces questions en nous présentant quelques personnes particulières aimées de Dieu. Ce sont des personnes précises – Marie, Joseph, Élisabeth, Zacharie, Siméon, Anne, etc. Mais il y a aussi deux groupes de personnes: les bergers et les sages de l’Orient, ceux qu’on appelle les rois mages. Arrêtons-nous en cette nuit sur les bergers. Quelle sorte d’hommes sont-ils? Dans leurs milieux, les bergers étaient méprisés; ils étaient considérés comme peu fiables et, au tribunal, ils n’étaient pas admis comme témoins. Mais qui étaient-ils en réalité? Ils n’étaient certainement pas de grands saints, si par ce terme nous entendons des personnes de vertu héroïque. C’étaient des âmes simples. L’Évangile met en lumière une caractéristique qui, par la suite, dans les paroles de Jésus, aura un rôle important: c’étaient des veilleurs. Cela vaut avant tout dans le sens extérieur: de nuit, ils veillaient auprès de leurs moutons. Mais cela vaut aussi dans un sens plus profond: ils étaient disponibles à la parole de Dieu. Leur vie n’était pas fermée sur elle-même; leur cœur était ouvert. D’une certaine façon, au plus profond, ils L’attendaient. Leur vigilance était disponibilité – disponibilité à écouter, disponibilité à se mettre en route; elle était une attente de la lumière qui leur indiquerait le chemin. C’est cela qui intéresse Dieu. Dieu aime tous les hommes parce que tous sont ses créatures. Mais certaines personnes ont fermé leur âme; son amour ne trouve aucun accès auprès d’eux. Ils croient qu’ils n’ont pas besoin de Dieu; ils ne le veulent pas. D’autres, qui peut-être moralement sont aussi pauvres et pécheurs, souffrent au moins de cela. Ils attendent Dieu. Ils savent qu’ils ont besoin de sa bonté, même s’ils n’en ont pas une idée précise. Dans leur cœur ouvert à l’attente, la lumière de Dieu peut entrer et, avec elle, sa paix. Dieu cherche des personnes qui apportent sa paix et qui la communiquent. Demandons-lui de faire en sorte qu’il ne trouve pas notre cœur fermé. Faisons en sorte de pouvoir devenir des porteurs actifs de sa paix – précisément dans notre temps.

Chez les chrétiens, le mot paix a pris ensuite une signification toute spéciale: elle est devenue un nom pour désigner l’Eucharistie. En elle, la paix du Christ est présente. Grâce à tous les lieux où se célèbre l’Eucharistie, un réseau de paix s’étend sur le monde entier. Les communautés rassemblées autour de l’Eucharistie constituent un règne de paix, vaste comme le monde. Quand nous célébrons l’Eucharistie, nous nous trouvons à Bethléem, dans la «maison du pain». Le Christ se donne à nous et nous donne avec cela sa paix. Il nous la donne pour que nous portions la lumière de la paix au plus profond de nous-mêmes et que nous la communiquions aux autres; pour que nous devenions des artisans de paix et que nous contribuions ainsi à la paix dans le monde. Prions donc: Seigneur, réalise ta promesse! Fais que là où se trouve la discorde naisse la paix! Fais que là où règne la haine jaillisse l’amour! Fais que là où dominent les ténèbres surgisse la lumière! Fais-nous devenir des porteurs de ta paix! Amen.




Message pour le 1° janvier 2006 - Journée mondiale de la Paix

1. Au commencement de la nouvelle année, par le traditionnel Message pour la Journée mondiale de la Paix, je désire adresser des vœux affectueux à tous les hommes et à toutes les femmes du monde, particulièrement aux personnes qui souffrent en raison de la violence et des conflits armés. Ce sont des vœux pleins d'espérance pour un monde plus serein, où augmentera le nombre des personnes qui, individuellement ou collectivement, s'engageront à parcourir les chemins de la justice et de la paix.

2. Je voudrais d'abord rendre un sincère hommage de gratitude à mes Prédécesseurs, les grands Papes Paul VI et Jean-Paul II, artisans de paix éclairés. Animés de l'esprit des Béatitudes, ils ont su lire dans les nombreux événements de l'histoire qui ont marqué leurs Pontificats respectifs l'intervention providentielle de Dieu, qui n'oublie jamais les destinées du genre humain. À plusieurs reprises, en infatigables messagers de l'Évangile, ils ont invité chaque personne à repartir de Dieu afin de pouvoir promouvoir une cohabitation pacifique dans toutes les régions de la terre. Mon premier Message pour la Journée mondiale de la Paix se situe dans le sillage de ce très noble enseignement: par ce message, je désire encore une fois confirmer la ferme volonté du Saint-Siège de continuer à servir la cause de la paix. Le nom même de Benoît, que j'ai choisi le jour de mon élection au Siège de Pierre, indique mon engagement déterminé en faveur de la paix. J'ai ainsi voulu me référer à la fois au Saint Patron de l'Europe, inspirateur d'une civilisation pacificatrice dans le continent tout entier, et au Pape Benoît XV, qui condamna la Première Guerre mondiale comme « un massacre inutile » (1) et qui a tout mis en œuvre pour que les raisons supérieures de la paix soient reconnues par tous.

3. Le thème de réflexion de cette année — « Dans la vérité, la paix » — exprime la conviction que, là où l'homme se laisse éclairer par la splendeur de la vérité et quand il le fait, il entreprend presque naturellement le chemin de la paix. La Constitution pastorale Gaudium et spes du Concile œcuménique Vatican II, qui s'est achevé il y a 40 ans, affirme que l'humanité ne réussira à « édifier un monde réellement plus humain pour tous les hommes et partout sur terre que si tous se renouvellent intérieurement et se tournent vers la vérité de la paix ».(2) Mais quelle signification doit-on donner à l'expression « vérité de la paix »? Pour répondre de façon juste à cette question, il faut bien avoir en mémoire que la paix ne peut être réduite à une simple absence de conflits armés, mais il faut la comprendre comme « le fruit d'un ordre qui a été implanté dans la société humaine par son divin Fondateur », un ordre « qui doit être mené à la réalisation par des hommes aspirant sans cesse à une justice plus parfaite ».(3) En tant que résultat d'un ordre fixé et voulu par l'amour de Dieu, la paix possède sa vérité intrinsèque et invincible, et elle correspond « à une aspiration profonde et à une espérance qui vivent en nous de manière indestructible ».(4)

4. Définie de cette façon, la paix apparaît comme un don céleste et une grâce divine; à tous les niveaux, elle demande l'exercice de la plus grande responsabilité, à savoir de conformer dans la vérité, dans la justice, dans la liberté et dans l'amour, l'histoire humaine à l'ordre divin. Quand n'existe plus l'adhésion à l'ordre transcendant des choses, ni le respect de la « grammaire » du dialogue qu'est la loi morale universelle, écrite dans le cœur de l'homme,(5) quand sont entravés et empêchés le développement intégral de la personne et la sauvegarde de ses droits fondamentaux, quand de nombreux peuples sont contraints à subir des injustices et des inégalités intolérables, comment peut-on espérer en la réalisation du bien de la paix? En effet, manquent alors les éléments essentiels qui donnent forme à la vérité de ce bien. Saint Augustin a décrit la paix comme « tranquillitas ordinis »,(6) la tranquillité de l'ordre, c'est-à-dire la situation qui permet, en définitive, de respecter et de réaliser pleinement la vérité de l'homme.

5. Et alors, qui peut empêcher la réalisation de la paix et quelle chose peut l'empêcher? À ce propos, dans son premier livre, la Genèse, la Sainte Écriture met en évidence le mensonge, prononcé au commencement de l'histoire par l'être à la langue fourchue, qualifié par l'Évangéliste Jean de « père du mensonge » (Jn 8,44). Le mensonge est aussi un des péchés qu'évoque la Bible dans le dernier chapitre de son dernier Livre, l'Apocalypse, pour parler de l'exclusion des menteurs hors de la Jérusalem céleste: « Dehors ... tous ceux qui aiment et pratiquent le mensonge » (22,15). Au mensonge est lié le drame du péché avec ses conséquences perverses, qui ont causé et qui continuent à causer des effets dévastateurs dans la vie des individus et des nations. Il suffit de penser à ce qui s'est passé au siècle dernier, quand des systèmes idéologiques et politiques aberrants ont mystifié la vérité de façon programmée et ont conduit à l'exploitation et à la suppression d'un nombre impressionnant d'hommes et de femmes, exterminant même des familles et des communautés entières. Comment ne pas rester sérieusement préoccupés, après ces expériences, face aux mensonges de notre temps, qui sont comme le cadre de menaçants scénarios de mort dans de nombreuses régions du monde? La recherche authentique de la paix a son point de départ dans la conscience que le problème de la vérité et du mensonge concerne tout homme et toute femme, et qu'il se révèle décisif pour un avenir pacifique de notre planète.

6. La paix est une aspiration profonde et irrépressible, présente dans le cœur de toute personne, au-delà des identités culturelles spécifiques. C'est précisément pourquoi chacun doit se sentir engagé au service d'un bien si précieux, en travaillant pour qu'aucune forme de fausseté ne s'insinue et ne vienne perturber les relations. Tous les hommes appartiennent à une unique et même famille. La mise en avant exagérée de leurs différences contraste avec cette vérité fondamentale. Il faut retrouver la conscience d'avoir en commun une même destinée, en dernier ressort transcendante, pour pouvoir mettre en valeur au mieux les différences historiques et culturelles, sans s'opposer, mais en se concertant avec les personnes qui appartiennent aux autres cultures. Telles sont les simples vérités qui rendent la paix possible; elles deviennent facilement compréhensibles lorsqu'on écoute son cœur, avec une pureté d'intention. La paix apparaît alors sous un jour nouveau: non comme une simple absence de guerre, mais comme la convivialité des citoyens dans une société gouvernée par la justice, société dans laquelle se réalise aussi le bien pour chacun d'entre eux, autant que faire se peut. La vérité de la paix appelle tous les hommes à entretenir des relations fécondes et sincères; elle les encourage à rechercher et à parcourir les voies du pardon et de la réconciliation, à être transparents dans les discussions et fidèles à la parole donnée. En particulier, le disciple du Christ qui se sent assailli par le mal et qui de ce fait a besoin de l'intervention libératrice du divin Maître se tourne vers Lui avec confiance, sachant bien que ce dernier « n'a pas commis le péché; que dans sa bouche on n'a pu trouver de mensonge » (1 P 2,22; cf. Is 53, 9). En effet, Jésus s'est défini comme la Vérité en personne et, parlant dans une vision au voyant de l'Apocalypse, il a déclaré sa totale aversion pour « tous ceux qui aiment et pratiquent le mensonge » (Ap 22, 15). C'est Lui qui révèle la pleine vérité de l'homme et de l'histoire. C'est par la force de sa grâce qu'il est possible d'être dans la vérité et de vivre de la vérité, parce que Lui seul est totalement sincère et fidèle. Jésus est la vérité qui nous donne la paix.

7. La vérité de la paix doit avoir valeur en soi et faire valoir son reflet de lumière bénéfique même quand on se trouve dans la tragique situation de la guerre. Dans la Constitution pastorale Gaudium et spes, les Pères du Concile œcuménique Vatican II soulignent que « ce n'est pas parce qu'une guerre a malheureusement éclaté que du fait même tout devient licite entre parties adverses ».(7) La Communauté internationale s'est dotée d'un droit humanitaire international pour limiter au maximum, surtout pour les populations civiles, les conséquences dévastatrices de la guerre. En de multiples circonstances et de différentes manières, le Saint-Siège a exprimé son soutien à ce droit humanitaire, encourageant son respect et sa prompte mise en œuvre, convaincu que la vérité de la paix existe aussi dans la guerre. Le droit humanitaire international est à mettre au compte des expressions les plus heureuses et les plus efficaces des exigences qui émanent de la vérité de la paix. C'est justement pourquoi le respect de ce droit s'impose comme un devoir pour tous les peuples. Sa valeur doit être appréciée et il faut en garantir l'application correcte, en le renouvelant par des normes ponctuelles, capables de faire face aux scénarios changeants des conflits armés d'aujourd'hui, ainsi qu'à l'utilisation d'armements toujours nouveaux et plus sophistiqués.

8. Ma pensée reconnaissante va aux Organisations internationales et à toutes les personnes qui, par un effort permanent, travaillent à l'application du droit humanitaire international. Comment pourrais-je oublier ici les nombreux soldats engagés dans de délicates opérations de règlement des conflits et de rétablissement des conditions nécessaires à la réalisation de la paix? À eux aussi je désire rappeler les paroles du Concile Vatican II: « Ceux qui se vouent au service de la patrie et qui sont incorporés dans l'armée se considéreront eux aussi comme serviteurs de la sécurité et de la liberté des peuples, et, en s'acquittant correctement de cette tâche, ils contribuent vraiment à la consolidation de la paix ».(8) C'est dans ce domaine exigeant que se situe l'action pastorale des Ordinaires militaires de l'Église catholique: mes encouragements à demeurer, en toutes situations et en tous milieux, de fidèles évangélisateurs de la vérité de la paix vont aux Ordinaires militaires ainsi qu'aux aumôniers militaires.

9. Au jour d'aujourd'hui, la vérité de la paix continue d'être compromise et niée de façon dramatique par le terrorisme qui, par ses menaces et ses actes criminels, est en mesure de tenir le monde dans un état d'angoisse et d'insécurité. Mes Prédécesseurs Paul VI et Jean-Paul II sont intervenus à plusieurs reprises pour dénoncer la terrible responsabilité des terroristes et pour condamner l'absurdité de leurs desseins de mort. Ces desseins, en effet, se révèlent être inspirés d'un nihilisme tragique et bouleversant que le Pape Jean- Paul II décrivait ainsi: « Celui qui tue par des actes terroristes nourrit des sentiments de mépris envers l'humanité, faisant preuve de désespérance face à la vie et à l'avenir: dans cette perspective, tout peut être haï et détruit ».(9) Non seulement le nihilisme, mais aussi le fanatisme religieux, souvent appelé aujourd'hui fondamentalisme, peuvent inspirer et alimenter des propos et des gestes terroristes. Pressentant depuis le commencement le danger explosif que le fondamentalisme fanatique représente, le Pape Jean-Paul II l'a durement stigmatisé, mettant en garde contre la prétention d'imposer par la violence, plutôt que de proposer à la libre décision d'autrui, ses convictions concernant la vérité. Il écrivait: « Prétendre imposer à d'autres par la violence ce que l'on considère comme la vérité signifie violer la dignité de l'être humain et, en définitive, outrager Dieu dont il est l'image ».(10)

10. À tout bien considérer, le nihilisme et le fondamentalisme ont un rapport erroné à la vérité: les nihilistes nient l'existence de toute vérité, les fondamentalistes ont la prétention de pouvoir l'imposer par la force. Tout en ayant des origines différentes et tout en étant des manifestations qui s'inscrivent dans des contextes culturels divers, le nihilisme et le fondamentalisme ont en commun un dangereux mépris pour l'homme et pour sa vie, et, en dernière analyse, pour Dieu lui-même. En effet, à la base de cette tragique issue commune il y a, en définitive, l'altération de la pleine vérité de Dieu: le nihilisme en nie l'existence et la présence providentielle dans l'histoire; le fondamentalisme fanatique en défigure le visage aimant et miséricordieux, Lui substituant des idoles faites à son image. Dans l'analyse des causes du phénomène contemporain du terrorisme, il est souhaitable que, en plus des raisons à caractère politique et social, on ait aussi présent à l'esprit ses plus profondes motivations culturelles, religieuses et idéologiques.

11. Devant les risques que l'humanité vit à notre époque, il est du devoir de tous les catholiques d'intensifier, dans toutes les parties du monde, l'annonce et le témoignage de « l'Évangile de la paix », proclamant que la reconnaissance de la pleine vérité de Dieu est la condition préalable et indispensable pour la consolidation de la vérité de la paix. Dieu est Amour qui sauve, Père aimant qui désire voir ses enfants se reconnaître entre eux comme des frères cherchant de manière responsable à mettre leurs différents talents au service du bien commun de la famille humaine. Dieu est source inépuisable de l'espérance qui donne sens à la vie personnelle et collective. Dieu, Dieu seul, rend efficace toute œuvre de bien et de paix. L'histoire a amplement démontré que faire la guerre à Dieu pour l'extirper du cœur des hommes conduit l'humanité, effrayée et appauvrie, vers des choix qui n'ont pas d'avenir. Cela doit encourager les croyants à se faire les témoins convaincus de Dieu, qui est inséparablement vérité et amour, en se mettant au service de la paix, dans une large collaboration œcuménique, ainsi qu'avec les autres religions et avec tous les hommes de bonne volonté.

12. Regardant le contexte mondial actuel, nous pouvons enregistrer avec plaisir quelques signes prometteurs sur le chemin de la construction de la paix. Je pense, par exemple, à la diminution numérique des conflits armés. Il s'agit certainement de pas encore très timides sur le sentier de la paix, mais déjà en mesure d'annoncer un avenir de plus grande sérénité, en particulier pour les populations martyrisées de la Palestine, la Terre de Jésus, et pour les habitants de certaines régions d'Afrique et d'Asie qui attendent depuis des années la conclusion positive des processus de pacification et de réconciliation en cours. Ce sont des signes réconfortants qui demandent à être confirmés et consolidés par une action unanime et infatigable, surtout de la part de la Communauté internationale et de ses Organismes, qui ont pour mission de prévenir les conflits et d'apporter une solution pacifique à ceux qui sont en cours.

13. Tout cela ne doit cependant pas inciter à un optimisme naïf. On ne peut, en effet, oublier que, malheureusement, se poursuivent encore de sanglants conflits fratricides et des guerres dévastatrices, qui sèment larmes et mort en de larges zones de la terre. Il y a des situations dans lesquelles le conflit, qui couve comme un feu sous la cendre, peut de nouveau éclater, causant des destructions d'une ampleur imprévisible. Les autorités qui, au lieu de mettre à exécution ce qui est en leur pouvoir pour promouvoir efficacement la paix, fomentent chez les citoyens des sentiments d'hostilité envers les autres nations se chargent d'une très grave responsabilité: elles mettent en danger, dans des régions particulièrement à risque, les équilibres délicats atteints au prix de difficiles négociations, contribuant ainsi à rendre l'avenir de l'humanité plus dépourvu de sécurité et plus confus. Que dire ensuite des gouvernements qui comptent sur les armes nucléaires pour garantir la sécurité de leurs pays? Avec d'innombrables personnes de bonne volonté, on peut affirmer que cette perspective, hormis le fait qu'elle est funeste, est tout à fait fallacieuse. En effet, dans une guerre nucléaire il n'y aurait pas des vainqueurs, mais seulement des victimes. La vérité de la paix demande que tous — aussi bien les gouvernements qui, de manière déclarée ou occulte, possèdent des armes nucléaires depuis longtemps, que ceux qui entendent se les procurer — changent conjointement de cap par des choix clairs et fermes, s'orientant vers un désarmement nucléaire progressif et concordé. Les ressources ainsi épargnées pourront être employées en projets de développement au profit de tous les habitants et, en premier lieu, des plus pauvres.

14. À ce sujet, on ne peut pas ne pas enregistrer avec regret les données concernant une augmentation préoccupante des dépenses militaires et du commerce des armes toujours prospère, tandis que stagne dans le marécage d'une indifférence quasi générale le processus politique et juridique mis en œuvre par la Communauté internationale pour renforcer le chemin du désarmement. Quel avenir de paix sera un jour possible si on continue à investir dans la production des armes et dans la recherche employée à en développer de nouvelles? Le souhait qui monte du plus profond du cœur est que la Communauté internationale sache retrouver le courage et la sagesse de relancer résolument et collectivement le désarmement, donnant une application concrète au droit à la paix, qui est pour tout homme et pour tout peuple. En s'engageant à sauvegarder le bien de la paix, les divers Organismes de la Communauté internationale pourront retrouver l'autorité qui est indispensable pour rendre leurs initiatives crédibles et incisives.

15. Les premiers à tirer profit d'un choix résolu pour le désarmement seront les pays pauvres, qui réclament non sans raison, après bien des promesses, la réalisation concrète du droit au développement. Un tel droit a aussi été solennellement réaffirmé dans la récente Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies, qui a célébré cette année le soixantième anniversaire de sa fondation. Confirmant sa confiance dans cette Organisation internationale, l'Église catholique en souhaite le renouvellement institutionnel et opérationnel, afin qu'elle soit en mesure de répondre aux nouvelles exigences de l'époque actuelle, marquée par le vaste phénomène de la mondialisation. L'Organisation des Nations unies doit devenir un instrument toujours plus efficace pour promouvoir dans le monde les valeurs de justice, de solidarité et de paix. Pour sa part, l'Église, fidèle à la mission reçue de son Fondateur, ne se lasse pas de proclamer partout « l'Évangile de la paix ». Animée comme elle l'est par la ferme conviction de rendre un service indispensable à tous ceux qui se consacrent à promouvoir la paix, elle rappelle à tous que, pour être authentique et durable, la paix doit être construite sur le roc de la vérité de Dieu et de la vérité de l'homme. Seule cette vérité peut sensibiliser les esprits à la justice, les ouvrir à l'amour et à la solidarité, encourager tous les hommes à travailler pour une humanité réellement libre et solidaire. Oui, le fondement d'une paix authentique s'appuie seulement sur la vérité de Dieu et de l'homme.

16. En conclusion de ce message, je voudrais maintenant m'adresser particulièrement à ceu x qui croient au Christ, pour leur renouveler l'invitation à se faire des disciples du Seigneur attentifs et disponibles. En écoutant l'Évangile, chers frères et sœurs, nous apprenons à fonder la paix sur la vérité d'une existence quotidienne inspirée par le commandement de l'amour. Il est nécessaire que chaque communauté s'engage dans une action intense et capillaire d'éducation et de témoignage qui fasse grandir en chacun la conscience de l'urgence de découvrir toujours plus profondément la vérité de la paix. Je demande en même temps que l'on intensifie la prière, parce que la paix est d'abord un don de Dieu à implorer sans cesse. Grâce à l'aide divine, l'annonce et le témoignage de la vérité de la paix en sortiront certainement plus convaincants et plus éclairants. Avec confiance et abandon filial, tournons notre regard vers Marie, la Mère du Prince de la Paix. Au commencement de cette nouvelle année, demandons- lui d'aider l'ensemble du Peuple de Dieu à être, en toute circonstance, artisan de paix, se laissant éclairer par la Vérité qui rend libre (cf. Jn 8,32). Par son intercession, puisse l'humanité apprécier de manière croissante ce bien fondamental et s'engager à en consolider la réalité dans le monde, pour remettre aux générations qui viendront un avenir plus serein et plus sûr!

Du Vatican, le 8 décembre 2005.

BENEDICTUS PP. XVI

(1) Appel aux Chefs des peuples belligérants (1er août 1917): AAS 9 (1917), p. 423.
(2) N. 77.
(3) Ibid, n. 78.
(4) Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale de la Paix 2004, n. 9: La Documentation catholique 101 (2004), p. 7.
(5) Cf. Jean-Paul II, Discours à la cinquantième Assemblée générale des Nations unies, 5 octobre 1995, n. 3: La Documentation catholique 92 (1995), p. 918.
(6) La cité de Dieu, 19, 13: La Pléiade, Paris (2000), p. 869.
(7) N. 79.
(8) Ibid.
(9) Message pour la Journée mondiale de la Paix 2002, n. 6: La Documentation catholique 99 (2002), p. 5.
(10) Ibid.: l.c., p. 6.

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"Deus caritas est" : Encyclique "Dieu est amour"

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Message pour le Carême 2006

« Voyant les foules, Jésus eut pitié d’elles » (Mt 9, 36)

Chers frères et sœurs !

Le Carême est le temps privilégié du pèlerinage intérieur vers Celui qui est la source de la miséricorde. C’est un pèlerinage au cours duquel Lui-même nous accompagne à travers le désert de notre pauvreté, nous soutenant sur le chemin vers la joie profonde de Pâques. Même dans les «ravins de la mort» dont parle le Psalmiste (Ps 22 [23], 4), tandis que le tentateur nous pousse à désespérer ou à mettre une espérance illusoire dans l’œuvre de nos mains, Dieu nous garde et nous soutient. Oui, aujourd’hui encore le Seigneur écoute le cri des multitudes affamées de joie, de paix, d’amour. Comme à chaque époque, elles se sentent abandonnées. Cependant, même dans la désolation de la misère, de la solitude, de la violence et de la faim, qui frappent sans distinction personnes âgées, adultes et enfants, Dieu ne permet pas que l’obscurité de l’horreur l’emporte. Comme l’a en effet écrit mon bien-aimé Prédécesseur Jean-Paul II, il y a une «limite divine imposée au mal», c’est la miséricorde (Mémoire et identité, 4, Paris, 2005, pp. 35 ss.). C’est dans cette perspective que j’ai voulu placer au début de ce Message l’annotation évangélique selon laquelle, «voyant les foules, Jésus eut pitié d’elles» (Mt 9, 36). Dans cet esprit, je voudrais m’arrêter pour réfléchir sur une question très débattue parmi nos contemporains : la question du développement. Aujourd’hui encore le «regard» de compassion du Christ ne cesse de se poser sur les hommes et sur les peuples. Il les regarde sachant que le «projet» divin prévoit l’appel au salut. Jésus connaît les embûches qui s’opposent à ce projet et il est pris de compassion pour les foules : il décide de les défendre des loups, même au prix de sa vie. Par ce regard, Jésus embrasse les personnes et les multitudes, et il les remet toutes au Père, s’offrant lui-même en sacrifice d’expiation.

Éclairée par cette vérité pascale, l’Église sait que, pour promouvoir un développement plénier, il est nécessaire que notre «regard» sur l’homme soit à la mesure de celui du Christ. En effet, il n’est en aucune manière possible de dissocier la réponse aux besoins matériels et sociaux des hommes de la réponse aux désirs profonds de leur cœur. Il convient d’autant plus de souligner cela à notre époque de grandes transformations, où nous percevons de manière toujours plus vive et plus urgente notre responsabilité envers les pauvres du monde. Mon vénéré Prédécesseur, le Pape Paul VI, identifiait déjà avec précision les dommages du sous-développement comme étant un amoindrissement d’humanité. Dans cet esprit, il dénonçait dans l’Encyclique Populorum progressio «les carences matérielles de ceux qui sont privés du minimum vital, et les carences morales de ceux qui sont mutilés par l'égoïsme, […] les structures oppressives, qu'elles proviennent des abus de la possession ou des abus du pouvoir, de l'exploitation des travailleurs ou de l'injustice des transactions» (n. 21). Comme antidote à de tels maux, Paul VI suggérait non seulement «la considération accrue de la dignité d'autrui, l'orientation vers l'esprit de pauvreté, la coopération au bien commun, la volonté de paix», mais aussi, «la reconnaissance par l’homme des valeurs suprêmes et de Dieu, qui en est la source et le terme» (ibid.). Dans cette ligne le Pape n’hésitait pas à proposer «la foi, don de Dieu accueilli par la bonne volonté de l'homme, et l'unité dans la charité du Christ» (ibid.). Donc, le «regard» du Christ sur la foule nous incite à affirmer le véritable contenu de «l’humanisme intégral» qui, toujours selon Paul VI, consiste dans le «développement intégral de tout l'homme et de tous les hommes» (ibid., n. 42). C’est pourquoi la première contribution que l’Église offre au développement de l’homme et des peuples ne se concrétise pas en moyens matériels ou en solutions techniques, mais dans l’annonce de la vérité du Christ qui éduque les consciences et enseigne l’authentique dignité de la personne et du travail, en promouvant la formation d’une culture qui réponde vraiment à toutes les interrogations de l’homme.

Face aux terribles défis de la pauvreté d’une si grande part de l’humanité, l’indifférence et le repli sur son propre égoïsme se situent dans une opposition intolérable avec le «regard» du Christ. Avec la prière, le jeûne et l’aumône, que l’Église propose de manière spéciale dans le temps du Carême, sont des occasions propices pour se conformer à ce «regard». Les exemples des saints et les multiples expériences missionnaires qui caractérisent l’histoire de l’Église constituent des indications précieuses sur le meilleur moyen de soutenir le développement. Aujourd’hui encore, au temps de l’interdépendance globale, on peut constater qu’aucun projet économique, social ou politique ne remplace le don de soi à autrui, dans lequel s’exprime la charité. Celui qui agit selon cette logique évangélique vit la foi comme amitié avec le Dieu incarné et, comme Lui, se charge des besoins matériels et spirituels du prochain. Il le regarde comme un mystère incommensurable, digne d’une attention et d’un soin infinis. Il sait que celui qui ne donne pas Dieu donne trop peu, comme le disait la bienheureuse Teresa de Calcutta : «La première pauvreté des peuples est de ne pas connaître le Christ». Pour cela il faut faire découvrir Dieu dans le visage miséricordieux du Christ : hors de cette perspective, une civilisation ne se construit pas sur des bases solides.

Grâce à des hommes et à des femmes obéissant à l’Esprit Saint, sont nées dans l’Église de nombreuses œuvres de charité, destinées à promouvoir le développement : hôpitaux, universités, écoles de formation professionnelle, micro-réalisations. Ce sont des initiatives qui, bien avant celles de la société civile, ont montré que des personnes poussées par le message évangélique avaient une préoccupation sincère pour l’homme. Ces œuvres indiquent une voie pour guider encore aujourd’hui l’humanité vers une mondialisation dont le centre soit le bien véritable de l’homme et conduise ainsi à la paix authentique. Avec la même compassion que Jésus avait pour les foules, l’Église ressent aujourd’hui encore comme son devoir de demander à ceux qui détiennent des responsabilités politiques et qui ont entre leurs mains les leviers du pouvoir économique et financier de promouvoir un développement fondé sur le respect de la dignité de tout homme. Une importante authentification de cet effort consistera dans la liberté religieuse effective, entendue non pas simplement comme possibilité d’annoncer et de célébrer le Christ, mais aussi comme contribution à l’édification d’un monde animé par la charité. Dans cet effort, s’inscrit également la considération effective du rôle central que les valeurs religieuses authentiques jouent dans la vie de l’homme, en tant que réponse à ses interrogations les plus profondes et motivation éthique par rapport à ses responsabilités personnelles et sociales. Tels sont les critères sur la base desquels les chrétiens devront aussi apprendre à évaluer avec sagesse les programmes de ceux qui les gouvernent.

Nous ne pouvons pas ignorer que des erreurs ont été commises au cours de l’histoire par nombre de ceux qui se disaient disciples de Jésus. Souvent, face aux graves problèmes qui se posaient, ils ont pensé qu’il valait mieux d’abord améliorer la terre et ensuite penser au ciel. La tentation a été de croire que devant les urgences pressantes on devait en premier lieu pourvoir au changement des structures extérieures. Cela eut comme conséquence pour certains la transformation du christianisme en un moralisme, la substitution du croire par le faire. C’est pourquoi, mon Prédécesseur de vénérée mémoire, Jean-Paul II, observait avec raison : «Aujourd'hui, la tentation existe de réduire le christianisme à une sagesse purement humaine, en quelque sorte une science pour bien vivre. En un monde fortement sécularisé, est apparue une ‘sécularisation progressive du salut’, ce pourquoi on se bat pour l'homme, certes, mais pour un homme mutilé, ramené à sa seule dimension horizontale. Nous savons au contraire que Jésus est venu apporter le salut intégral» (Encyclique Redemptoris missio, n. 11).

C’est justement à ce salut intégral que le Carême veut nous conduire en vue de la victoire du Christ sur tout mal qui opprime l’homme. En nous tournant vers le divin Maître, en nous convertissant à Lui, en faisant l’expérience de sa miséricorde grâce au sacrement de la Réconciliation, nous découvrirons un «regard» qui nous scrute dans les profondeurs et qui peut animer de nouveau les foules et chacun d’entre nous. Ce «regard» redonne confiance à ceux qui ne se renferment pas dans le scepticisme, en leur ouvrant la perspective de l’éternité bienheureuse. En fait, déjà dans l’histoire, même lorsque la haine semble dominer, le Seigneur ne manque jamais de manifester le témoignage lumineux de son amour. À Marie, «fontaine vive d’espérance» (Dante Alighieri, Le Paradis, XXXIII, 12), je confie notre chemin du Carême, pour qu’Elle nous conduise à son Fils. Je Lui confie spécialement les multitudes qui, aujourd’hui encore, éprouvées par la pauvreté, invoquent aide, soutien, compréhension. Dans ces sentiments, de grand cœur, j’accorde à tous une particulière Bénédiction apostolique.

Du Vatican, le 29 septembre 2005.

BENEDICTUS PP. XVI

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Message pour les JMJ 2006

"Une lampe sur mes pas, ta parole, une lumière sur ma route" (Ps 118 [119], 105)

Chers jeunes!

C’est avec joie que je m’adresse à vous qui vous préparez à la XXIe Journée mondiale de la Jeunesse, revivant en esprit le souvenir des expériences enrichissantes que nous avons vécues en août dernier en Allemagne. La Journée de cette année sera célébrée dans les différentes Églises locales et ce sera une bonne occasion pour raviver la flamme d'enthousiasme allumée à Cologne, que beaucoup d'entre vous ont apportée dans leurs familles, dans leurs paroisses, dans leurs associations et dans leurs mouvements. Ce sera aussi un moment privilégié pour entraîner vers le Christ, dans le pèlerinage spirituel des nouvelles générations, nombre de vos amis.

Le thème que je propose à votre méditation est un verset du Psaume 118 [119] « Une lampe sur mes pas, ta parole, une lumière sur ma route » (v.105). Le bien-aimé Jean-Paul II a commenté ainsi ces paroles du Psaume: « Celui qui prie se répand en louanges de la Loi de Dieu, qu'il prend comme une lampe pour ses pas sur le chemin souvent obscur de la vie » (Audience générale du14 novembre 2001 : La Documentation catholique 98 [2001], p. 1069). Dieu se révèle dans l'histoire, il parle aux hommes, et sa Parole est créatrice. En effet, le concept hébraïque « dabar », traduit habituellement par "parole", signifie à la fois parole et acte. Dieu dit ce qu'il fait et fait ce qu'il dit. Dans l'Ancien Testament, il annonce aux fils d'Israël la venue du Messie et l'établissement d'une « nouvelle » alliance; dans le Verbe fait chair, il accomplit ses promesses. Le Catéchisme de l'Église Catholique met bien cela en évidence: « Le Christ, le Fils de Dieu fait homme, est la Parole unique, parfaite et indépassable du Père. En Lui Il dit tout, et il n'y aura pas d'autre parole que celle-là » (n. 65). L'Esprit Saint, qui a guidé le peuple élu, inspirant les auteurs des Saintes Écritures, ouvre le cœur des croyants à l'intelligence de tout ce qu'elles contiennent. L’Esprit lui-même est activement présent dans la Célébration eucharistique, lorsque le prêtre, prononçant "in persona Christi" les paroles de la consécration, change le pain et le vin en Corps et Sang du Christ, pour qu'ils soient nourriture spirituelle des fidèles. Pour avancer dans notre pèlerinage terrestre vers la Patrie céleste, nous avons tous besoin de nous nourrir de la parole et du pain de Vie éternelle, inséparables l’un de l’autre.

Les Apôtres ont écouté la parole de salut et l'ont transmise à leurs successeurs comme une perle précieuse conservée, en toute sûreté, dans l'écrin de l'Église: sans l'Église, cette perle risque de se perdre ou de se briser. Chers jeunes, aimez la Parole de Dieu et aimez l'Église, qui, en vous apprenant à en apprécier la richesse, vous permet d'accéder à un trésor d'une si grande valeur. Aimez et suivez l'Église, qui a reçu de son Fondateur la mission d'indiquer aux hommes le chemin du vrai bonheur. Il n'est pas facile de reconnaître et de rencontrer l'authentique bonheur dans le monde où nous vivons, où l'homme est souvent l'otage de courants de pensée qui le conduisent, tout en se croyant "libre", à se fourvoyer dans les erreurs ou les illusions d'idéologies aberrantes. Il est urgent de « libérer la liberté » (cf. Encyclique Veritatis splendor, n. 86), d'éclairer l'obscurité dans laquelle l'humanité avance à tâtons. Jésus a indiqué comment cela peut se faire: « Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres » (Jn 8, 31-32). Le Verbe incarné, Parole de Vérité, nous rend libres et oriente notre liberté vers le bien. Chers jeunes, méditez souvent la parole de Dieu et laissez l'Esprit Saint devenir votre maître. Vous découvrirez alors que les pensées de Dieu ne sont pas celles des hommes. Vous serez amenés à contempler le vrai Dieu et à lire les événements de l'histoire avec ses yeux; vous goûterez pleinement la joie qui naît de la vérité. Sur le chemin de la vie, qui n'est ni facile, ni privé d'embûches, vous pourrez rencontrer des difficultés et des souffrances, et vous serez parfois tentés de vous écrier avec le Psalmiste: « J’ai vraiment trop souffert » (Ps 118 [119], 107). N'oubliez pas d'ajouter, comme lui: « Seigneur, fais-moi vivre selon ta parole... À tout instant j’expose ma vie : je n’oublie rien de ta loi » (ibid., 107.109). La présence aimante de Dieu, à travers sa Parole, est une lampe qui dissipe les ténèbres de la peur et qui éclaire le chemin, même dans les moments les plus difficiles.

L'Auteur de la lettre aux Hébreux écrit: « Elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu'une épée à deux tranchants; elle pénètre au plus profond de l’âme jusqu'aux jointures et jusqu’aux moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur » (4, 12). Il convient de prendre au sérieux l'exhortation à considérer la parole de Dieu comme une « arme » indispensable au combat spirituel; elle agit efficacement et porte du fruit si nous apprenons à l'écouter, pour ensuite lui obéir. Le Catéchisme de l’Église Catholique explique: « Obéir (ob-audire) dans la foi, c'est se soumettre librement à la parole écoutée, parce que sa vérité est garantie par Dieu, la Vérité même » (n. 144). Si Abraham est le modèle de cette écoute qui est obéissance, Salomon se révèle, lui aussi, un chercheur passionné de la sagesse contenue dans la parole. Quand Dieu lui propose: « Demande-moi ce que tu veux, et je te le donnerai", dans sa sagesse le roi répond: "Donne à ton serviteur un cœur attentif » (1 R 3, 5.9). Le secret pour avoir « un cœur attentif » est de se former un cœur qui sache écouter. On y parvient en méditant sans cesse la parole de Dieu et en y demeurant enracinés, en prenant l’engagement de la connaître toujours mieux.

Chers jeunes, je vous exhorte à devenir des familiers de la Bible, à la garder à portée de la main, pour qu'elle soit pour vous comme une boussole qui indique la route à suivre. En la lisant, vous apprendrez à connaître le Christ. Saint Jérôme observe à ce propos: "L'ignorance des Écritures est l'ignorance du Christ" (PL 24, 17; cf. Dei Verbum, n. 25). Un moyen assuré pour approfondir et goûter la parole de Dieu est la lectio divina, qui constitue un véritable itinéraire spirituel par étapes. De la lectio, qui consiste à lire et relire un passage de l'Écriture Sainte en en recueillant les principaux éléments, on passe à la meditatio, qui est comme un temps d'arrêt intérieur, où l'âme se tourne vers Dieu en cherchant à comprendre ce que sa parole dit aujourd'hui pour la vie concrète. Vient ensuite l'oratio, qui nous permet de nous entretenir avec Dieu dans un dialogue direct, et qui nous conduit enfin à la contemplatio; celle-ci nous aide à maintenir notre cœur attentif à la présence du Christ, dont la parole est une « lampe brillant dans l’obscurité, jusqu'à ce que paraisse le jour et que l'étoile du matin se lève dans nos cœurs » (2 P 1, 19). La lecture, l'étude et la méditation de la Parole doivent ensuite déboucher sur l'adhésion d’une vie conforme au Christ et à ses enseignements.

Saint Jacques nous avertit: « Mettez la Parole en application, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion. Car écouter la parole de Dieu sans la mettre en application, c’est ressembler à un homme qui se regarde dans une glace, et qui, aussitôt après, s’en va en oubliant de quoi il avait l’air. Au contraire, l’homme qui se penche sur la Loi parfaite, celle de la liberté, et s'y tient, celui qui ne l’écoute pas pour l’oublier, mais l’applique dans ses actes, heureux sera-t-il d’agir ainsi » (1, 22-25). Celui qui écoute la parole de Dieu et y fait constamment référence, fonde son existence sur des bases solides. « Tout homme qui écoute ce que je vous dis là et le met en pratique – dit Jésus – est comparable à un homme prévoyant qui a bâti sa maison sur le roc » (Mt 7, 24): il ne cédera pas aux intempéries.

Construire votre vie sur le Christ, en accueillant avec joie sa parole et en mettant en pratique ses enseignements: jeunes du troisième millénaire, tel doit être votre programme! Il est urgent que se lève une nouvelle génération d'apôtres enracinés dans la parole du Christ, capables de répondre aux défis de notre temps et prêts à répandre partout l'Évangile. C'est ce que le Seigneur vous demande, ce à quoi l'Église vous invite, ce que le monde – même sans le savoir – attend de vous! Et si Jésus vous appelle, n'ayez pas peur de lui répondre avec générosité, spécialement s’il vous propose de le suivre dans la vie consacrée ou dans la vie sacerdotale. N'ayez pas peur; faites-lui confiance, et vous ne serez pas déçus !

Chers amis, avec cette XXIe Journée mondiale de la Jeunesse, que nous célébrerons le 9 avril prochain, Dimanche des Rameaux, nous commencerons un pèlerinage spirituel vers la rencontre mondiale des jeunes qui aura lieu à Sydney en juillet 2008. Nous nous préparerons à ce grand rendez-vous en réfléchissant ensemble sur le thème l'Esprit Saint et la mission, à travers des étapes successives. Cette année, notre attention se concentrera sur l'Esprit Saint, Esprit de vérité, qui nous révèle le Christ, le Verbe fait chair, ouvrant le cœur de chacun à la Parole de salut, qui conduit à la Vérité tout entière. L'an prochain, en 2007, nous méditerons sur un verset de l'Évangile de Jean: « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres » (13, 34) et nous découvrirons encore plus profondément que l'Esprit Saint est Esprit d'amour, qui infuse en nous la charité divine et nous rend sensibles aux besoins matériels et spirituels de nos frères. Alors nous parviendrons à la rencontre mondiale de 2008 qui aura pour thème: « Vous allez recevoir une force, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous. Alors vous serez mes témoins » (Ac 1, 8).

Chers jeunes, dès maintenant, dans un climat d'écoute permanente de la parole de Dieu, invoquez l'Esprit Saint, Esprit de force et de témoignage, pour qu'il vous rende capables de proclamer sans peur l'Évangile jusqu'aux extrémités de la terre. Que Marie, présente au Cénacle avec les Apôtres dans l'attente de la Pentecôte, soit votre mère et votre guide. Qu'elle vous apprenne à accueillir la parole de Dieu, à la garder et à la méditer en votre cœur (cf. Lc 2, 19), comme elle l'a fait tout au long de sa vie. Qu'elle vous encourage à dire votre « oui » au Seigneur en vivant l’« obéissance de la foi ». Qu'elle vous aide à demeurer fermes dans la foi, constants dans l'espérance, persévérants dans la charité, toujours dociles à la parole de Dieu. Je vous accompagne de ma prière, et je vous bénis de tout cœur.

Du Vatican, le 22 Février 2006, Fête de la Chaire de saint Pierre Apôtre.

BENEDICTUS PP. XVI

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Catéchèse du Mercredi Saint

Chers frères et sœurs,

Demain commence le Triduum pascal, qui est le sommet de toute l'année liturgique. Aidés par les rites sacrés du Jeudi Saint, du Vendredi Saint et de la Veillée pascale solennelle, nous revivrons le mystère de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur. Ce sont des jours capables d’éveiller en nous un plus vif désir d'adhérer au Christ et de le suivre généreusement, conscients du fait qu'Il nous a aimés jusqu'à donner sa vie pour nous. Que sont, en effet, les événements que le saint Triduum nous re-propose, sinon la manifestation sublime de cet amour de Dieu pour l'homme ? Apprêtons-nous donc à célébrer le Triduum pascal en accueillant l'exhortation de saint Augustin: « A présent, considère avec attention les trois saints jours de la crucifixion, de la sépulture et de la résurrection du Seigneur. De ces trois mystères, nous accomplissons dans la vie présente ce dont la croix est le symbole, alors que nous accomplissons au moyen de la foi et de l'espérance ce dont la sépulture et la résurrection sont le symbole » (Epistola 55, 14, 24: Nuova Biblioteca Agostiniana (NBA), XXI/II, Rome 1969, p. 477).

Le Triduum pascal s'ouvre demain, Jeudi Saint, avec la Messe vespérale « in Cena Domini », même si le matin a lieu normalement une autre célébration liturgique significative, la Messe chrismale, au cours de laquelle, rassemblé autour de l'évêque, tout le presbyterium de chaque diocèse renouvelle les promesses sacerdotales, et participe à la bénédiction des huiles des catéchumènes, des malades et du Chrême ; et ainsi ferons-nous ici aussi, à Saint-Pierre demain matin. Outre l'institution du sacerdoce, en ce jour saint on commémore l'offrande totale que le Christ a faite de lui-même à l'humanité dans le sacrement de l'Eucharistie. Au cours de la nuit même où il fut trahi, Il nous a laissé comme le rappelle les Saintes Ecritures, le commandement nouveau — « mandatum novum » — de l'amour fraternel, en accomplissant le geste touchant du lavement des pieds, qui rappelle l'humble service des esclaves. Cette journée particulière, évocatrice de grands mystères, se termine par l'Adoration eucharistique, en souvenir de l'agonie du Seigneur dans le jardin de Gethsémani. L'Evangile rapporte, que pris d'une grande angoisse, Jésus demanda aux siens de veiller avec Lui en restant en prière : « Demeurez ici et veillez avec moi » (Mt 26, 38), mais les disciples s'endormirent. Aujourd'hui encore, le Seigneur nous dit : « Demeurez ici et veillez avec moi ». Et nous voyons que nous aussi, disciples d'aujourd'hui, nous dormons souvent. Ce fut pour Jésus l'heure de l'abandon et de la solitude, qui fut suivie, dans le cœur de la nuit, par l'arrestation et le début du chemin douloureux vers le Calvaire.

Centré sur le mystère de la Passion, le Vendredi Saint est un jour de jeûne et de pénitence, entièrement orienté vers la contemplation du Christ sur la Croix. Le récit de la passion est proclamé dans les églises et les paroles du prophète Zacharie retentissent : « Ils lèveront les yeux vers celui qu'ils ont transpercé » (Jn 19, 37). Et nous aussi, le Vendredi Saint, nous voulons réellement tourner notre regard vers le cœur transpercé du Rédempteur dans lequel — écrit saint Paul — sont « cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance » (Col 2, 3), où, plus encore, « habite la plénitude de la divinité » (Col 2, 9), c'est pourquoi l'Apôtre peut affirmer résolument ne rien vouloir connaître d'autre « que Jésus Christ, ce Messie crucifié » (1 Co 2, 2). C'est vrai : la croix révèle « la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur » — les dimensions cosmiques, tel est le sens — d'un amour qui dépasse toute connaissance — l'amour va au-delà de ce que l'on connaît — et nous comble de « la plénitude de Dieu » (Ep 3, 18-19). Dans le mystère du Crucifié « s'accomplit le retournement de Dieu contre lui-même, dans lequel il se donne pour relever l'homme et le sauver — tel est l'amour dans sa forme la plus radicale » (Deus caritas est, n. 12). La Croix du Christ, écrit au Ve siècle le pape saint Léon le Grand, « est source de toutes les bénédictions, et cause de toutes les grâces » (Disc. 8 sur la passion du Seigneur, 6-8; PL 54, 340-342).

Le Samedi Saint, l'Eglise, s'unissant spirituellement à Marie, reste en prière auprès du sépulcre, où le corps du Fils de Dieu gît inerte, comme dans une attitude de repos après l'œuvre créatrice de la rédemption, accomplie avec sa mort (cf. He 4, 1-13). La nuit venue commencera la Veillée pascale solennelle, au cours de laquelle, dans chaque Eglise, le chant joyeux du Gloria et de l'Alleluia pascal s'élèvera du cœur des nouveaux baptisés et de toute la communauté chrétienne, joyeuse car le Christ est ressuscité et a vaincu la mort.

Chers frères et sœurs, pour une célébration fructueuse de Pâques, l'Eglise demande aux fidèles de s'approcher au cours de ces journées du sacrement de la Pénitence, qui est comme une espèce de mort et de résurrection pour chacun de nous. Dans l'antique communauté chrétienne, le Jeudi Saint se déroulait le rite de la Réconciliation des Pénitents présidé par l'évêque. Les conditions historiques ont certainement changé, mais se préparer à Pâques avec une bonne confession reste une pratique qu'il faut pleinement valoriser parce qu'elle nous offre la possibilité de recommencer à nouveau notre vie et de connaître véritablement un nouveau début dans la joie du Ressuscité et dans la communion du pardon qu'il nous a donné. Conscients d'être des pécheurs, mais confiants dans la miséricorde divine, laissons-nous réconcilier par le Christ pour goûter plus intensément la joie qu'Il nous communique avec sa résurrection. Le pardon, qui nous est donné par le Christ dans le sacrement de la Pénitence, est une source de paix intérieure et extérieure et fait de nous des apôtres de paix dans un monde où continuent malheureusement les divisions, les souffrances et les drames de l'injustice, de la haine et de la violence, de l'incapacité de se réconcilier pour recommencer de nouveau avec un pardon sincère. Nous savons cependant que le mal n'a pas le dernier mot, car le vainqueur est le Christ crucifié et ressuscité et son triomphe se manifeste avec la force de l'amour miséricordieux. Sa résurrection nous donne cette certitude : malgré toute l'obscurité que l'on trouve dans le monde, le mal n'a pas le dernier mot. Soutenus par cette certitude, nous pourrons nous engager avec plus de courage et d'enthousiasme afin que naisse un monde plus juste.

Je forme ce vœu de tout cœur pour vous tous, chers frères et sœurs, en vous souhaitant de vous préparer avec foi et dévotion aux fêtes pascales désormais proches. Que vous accompagne la Très Sainte Vierge Marie qui, après avoir suivi le Fils divin à l'heure de la passion et de la croix, a partagé la joie de sa résurrection.

© Copyright du texte original : Libreria Editrice Vaticana
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Benoît XVI




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