Poésie Mariale


Paul Claudel
Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus
Charles Péguy
Félix Anizan



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Il est midi. Je vois l'église ouverte. Il faut entrer.
Mère de Jésus-Christ, je ne viens pas prier.
Je n'ai rien à offrir et rien à demander.
Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.
Vous regarder, pleurer de bonheur, savoir cela
Que je suis votre fils et que vous êtes là.
Rien que pour un moment pendant que tout s'arrête.
Midi !
Être avec vous, Marie, en ce lieu où vous êtes.
Ne rien dire, regarder votre visage,
Laisser le cœur chanter dans son propre langage.
Ne rien dire, mais seulement chanter parce qu'on a le cœur trop plein,
Comme le merle qui suit son idée en ces espèces de couplets soudains.
Parce que vous êtes belle, parce que vous êtes immaculée,
La femme dans la Grâce enfin restituée,
La créature dans son honneur premier et dans son épanouissement final,
Telle qu'elle est sortie de Dieu au matin de sa splendeur originale.
Intacte ineffablement parce que vous êtes la Mère de Jésus-Christ,
Qui est la vérité entre vos bras, et la seule espérance et le seul fruit.
Parce que vous êtes la femme, l'Eden de l'ancienne tendresse oubliée,
Dont le regard trouve le cœur tout à coup et fait jaillir les larmes accumulées,
Parce que vous m'avez sauvé, parce que vous avez sauvé la France,
Parce qu'elle aussi, comme moi, pour vous fut cette chose à laquelle on pense,
Parce qu'à l'heure où tout craquait, c'est alors que vous êtes intervenue,
Parce que vous avez sauvé la France une fois de plus,
Parce qu'il est midi, parce que nous sommes en ce jour d'aujourd'hui,
parce que vous êtes là pour toujours, simplement parce que vous êtes Marie, simplement parce que vous existez,
Mère de Jésus-Christ, soyez remerciée !

Paul Claudel
(extrait de "La Vierge à midi", Poèmes de Guerre, N.R.F., 1914-1915)






Je voudrais chanter, Marie, pourquoi je t'aime
Pourquoi ton nom si doux fait tressaillir mon cœur
Et pourquoi la pensée de ta grandeur suprême
Ne saurait à mon âme inspirer de frayeur.
Si je te contemplais dans ta sublime gloire
Et surpassant l'éclat de tous les bienheureux
Que je suis ton enfant je ne pourrais le croire
Ô Marie, devant toi, je baisserais les yeux !...
[...]
Tu nous aimes, Marie, comme Jésus nous aime
Et tu consens pour nous à t'éloigner de Lui.
Aimer c'est tout donner et se donner soi-même
Tu voulus le prouver en restant notre appui.
Le Sauveur connaissait ton immense tendresse
Il savait les secrets de ton cœur maternel,
Refuge des pécheurs, c'est à toi qu'Il nous laisse
Quand Il quitte la Croix pour nous attendre au Ciel.
[...]
Bientôt je l'entendrai cette douce harmonie
Bientôt dans le beau Ciel, je vais aller te voir
Toi qui vins me sourire au matin de ma vie
Viens me sourire encor... Mère... voici le soir !...
Je ne crains plus l'éclat de ta gloire suprême
Avec toi j'ai souffert et je veux maintenant
Chanter sur tes genoux, Marie, pourquoi je t'aime
Et redire à jamais que je suis ton enfant !...

Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus
(extraits du poème "Pourquoi je t'aime, ô Marie!")






Il y a des jours où les patrons et les saints ne suffisent pas.
Alors il faut prendre son courage à deux mains.
Et s'adresser directement à celle qui est au-dessus de tout.
Être hardi. Une fois.
S'adresser hardiment à celle qui est infiniment belle.
Parce qu'aussi elle est infiniment bonne.
À celle qui intercède.
La seule qui puisse parler de l'autorité d'une mère.
S'adresser hardiment à celle qui est infiniment pure.
Parce qu'aussi elle est infiniment douce.
[...]
À celle qui est infiniment riche.
Parce qu'aussi elle est infiniment pauvre.
À celle qui est infiniment haute.
Parce qu'aussi elle est infiniment descendante.
À celle qui est infiniment grande.
Parce qu'aussi elle est infiniment petite.
Infiniment humble.
Une jeune mère.
À celle qui est infiniment jeune.
Parce qu'aussi elle est infiniment mère.
[...]
À celle qui est infiniment joyeuse.
Parce qu'aussi elle est infiniment douloureuse.
[...]
À celle qui est infiniment touchante.
Parce qu'aussi elle est infiniment touchée.
À celle qui est toute Grandeur et toute Foi.
Parce qu'aussi elle est toute Charité.
[...]
À celle qui est Marie.
Parce qu'elle est pleine de grâce.
À celle qui est pleine de grâce.
Parce qu'elle est avec nous.
À celle qui est avec nous.
Parce que le Seigneur est avec elle.

Charles Péguy
(Le Porche du Mystère de la Deuxième Vertu, extraits.)






Prière du soir à Marie

Encore un de mes jours envolé comme une ombre…
Mère, encore un soleil qui ne brillera plus,
Et qu'il faut ajouter à la liste sans nombre
Des soleils et des jours à jamais disparus.

Je ne les compte point : Le chêne qui s'effeuille
Et qui pressent déjà le printemps approcher
Compte-t-il les rameaux que l'orage lui cueille
Pour les semer, de-ci, de-là, par le sentier ?

Sur le vaste océan la rapide hirondelle
Compte-t-elle, en partant chercher des jours plus beaux,
Les plumes que le vent arrache de son aile
Et qui s'en vont flotter sur le cristal des eaux ?

Moi je m'envole aussi vers une autre patrie,
Et j'espère un printemps qui doit durer toujours.
Mère, qu'importe donc que j'effeuille ma vie,
Qu'importent le grand vent, et l'orage, et mes jours ?

Et je viens à tes pieds finir cette journée
Pour que son souvenir, en renaissant parfois,
Soit un soleil d'hiver à mon âme fanée,
Quand je ne vivrai plus que des jours d'autrefois.

Mère, il fait bon prier devant ta douce image !
Quand je suis à genoux, les yeux fixés sur toi,
Tu me parles, j'entends ton suave langage,
Puis, je me sens pleurer, et je ne sais pourquoi…

Je suis heureux pourtant… Quand je t'ai dit : Je t'aime,
Quand mon regard se lève et cherche ton regard ;
A travers le vitrail lorsque la lune blême
Nous éclaire tous deux de son rayon blafard ;

Quand tout s'endort au loin dans la morne nature,
Quand partout le silence avec l'ombre descend,
Mon âme alors vers toi monte, paisible, pure,
Et je sens le bonheur m'inonder doucement.

Mère, à mon dernier soir, semblable à la corolle
Qui s'incline vers toi, ce soir, sur ton autel,
Oh ! tourner mon regard vers ta douce auréole,
Et m'endormir… dormir… sur ton sein maternel.

Félix Anizan
("Les Roses de mon vieux jardin", Orly, Edition des "Rayons", 1934)




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