Poésies d'inspiration chrétienne


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Le Pont

J'avais devant les yeux les ténèbres. L'abîme,
Qui n'a pas de rivage et qui n'a pas de cime,
Etait là, morne, immense ; et rien n'y remuait.
Je me sentais perdu dans l'infini muet.
Au fond, à travers l'ombre, impénétrable voile,
On apercevait Dieu comme une sombre étoile.
Je m'écriais : - Mon âme, ô mon âme ! il faudrait,
Pour traverser ce gouffre où nul bord n'apparaît,
Et pour qu'en cette nuit jusqu'à ton Dieu tu marches,
Bâtir un pont géant sur des milliers d'arches.
Qui le pourra jamais ? Personne ! O deuil ! effroi !
Pleure ! - Un fantôme blanc se dressa devant moi
Pendant que je jetai sur l'ombre un œil d'alarme,
Et ce fantôme avait la forme d'une larme ;
C'était un front de vierge avec des mains d'enfant ;
Il ressemblait au lys que la blancheur défend ;
Ses mains en se joignant faisaient de la lumière.
Il me montra l'abîme où va toute poussière,
Si profond que jamais un écho n'y répond,
Et me dit : - Si tu veux, je bâtirai le pont. -
Vers ce pâle inconnu je levai ma paupière.
- Quel est ton nom ? lui dis-je. Il me dit : - La prière.

Victor Hugo, Les Contemplations



Celui qui n'a jamais péché

Les noirs cheveux flottants sur ses épaules nues,
Les yeux hallucinés de terreur contenue,
La lèvre convulsée et le sein frémissant
D'épouvante, au milieu des rires des passants,
Une femme… Et, haineuse, autour d'elle une meute
Grondant, criant, hurlant, avec des voix d'émeute.
Or, Christ était assis sur le sol et son doigt
Dans le sable traçait de ces signes qu'on voit
Sur les stèles, gravés par la main des ancêtres.
    La meute devant Lui s'arrête :
                                                        " Ecoute, Maître,
On a pris cette femme à l'heure où de son corps
En folie, elle offrait sans pudeur ni remords
A l'amant étranger la caresse adultère
Volée à son époux… Dis, que devons-nous faire ?
Moïse, par la Loi, nous dit de lapider
De telles femmes, Toi, que vas-Tu décider ? "
Jésus continuait à tracer sur le sable
    Des signes inconnus.
                                         " Que ton verbe l'accable !
      Parle, Rabbi ! "
                                  Jésus lève ses yeux songeurs
Et scrute les regards comme il scrute les cœurs.
  " Voici. Toi l'époux, vous les proches, vous les frères,  
Vous devez lapider cette femme adultère.
Que celui d'entre vous qui n'a jamais péché
    Lui jette la première pierre ! "
                                                        Et Christ, penché,
De son doigt, attentif aux courbes périssables,
Se remit à tracer des signes sur le sable.

Emile Birmann de Relles, revue Psyché n°407, 1930


Pardonne

Je ne veux plus aller vers Vous d'un pas agile
Qui court et puis s'arrête et traîne et se reprend,
Mais de celui paisible et ferme dont on sent
Qu'il fera jusqu'au bout l'étape difficile.
Il faut d'un cœur rebelle à tout autre dessein
Aller vers Vous sans se hâter, les mains croisées,
Comme le pèlerin insoucieux des plaies
De ses pieds nus, du soleil lourd et de la faim.
Aller vers Vous, gardant en soi toute fatigue,
Sans jamais, s'il se peut, déposer le fardeau,
Ne cueillir qu'en passant et la grappe et la figue,
Et ne pas s'arrêter à compter le troupeau.
Aller vers Vous obstinément, tel, vers son père,
Un enfant doux qui rentre à l'heure de la nuit,
Et qui ne souffre pas qu'une eau le désaltère
Sachant qu'un vin mielleux l'abreuvera chez lui.
Aller vers Vous de tout son cœur, la nuit venue,
Même ne voyant plus son chemin dans le noir,
En gardant malgré l'ombre et l'effroi, cet espoir
D'une lueur et de la route reconnue.
Votre demeure enfin sera prochaine, alors,
Pénétrés de l'émoi des retours, de la joie
D'apercevoir le seuil au moment où l'on ploie,
Mais déjà nous sentant indignes de ce port,
Nous nous laisserons choir à genoux à l'entrée
Au souvenir aigu de nos fautes passées,
Lourd de tant de péchés soudain retrouvés là…
Et puissiez-Vous alors, touché par le combat
Qui pliera devant Vous cette chair angoissée,
Dire par notre effort toute offense effacée,
Et les mots du pardon en nous ouvrant les bras.

André Lafon, La Maison Pauvre



Les Couronnes

L'Eternel visitait la terre :
Il voulait juger les vertus
Et ce que l'homme avait pu faire
Depuis dix-huit cents ans, et plus.

Il envoya douze phalanges
De Chérubins, de Séraphins,
Et de plus, douze grands Archanges
Pour avertir tous les humains.

On devait, autour de son trône,
Se trouver tous, au même jour.
Dieu promettait une couronne,
Et pour chacun un mot d'amour.

D'abord, vinrent les Innocences,
Et Dieu, doucement, leur sourit.
Puis, vinrent les Souffrances :
Le Seigneur très doux les bénit.

Après, on vit venir les Vierges,
Les fronts voilés, les pas très lents.
Elles portaient toutes des cierges
Et Dieu leur donna des lys blancs.

Après, vinrent les Pénitences :
La foi, la douceur, le pardon,
Les prières, les espérances,
Chacun eut sa couronne au front.

Et toutes les Vertus passèrent.
Est-ce fini ? dit l'Eternel.
Même les anges s'écartèrent.
On allait refermer le ciel.

Quand on vit, - seule, humiliée, -
Une femme, Ange de beauté.
Elle restait agenouillée.
- Ton nom ? dit Dieu. - La Charité !

Et Dieu se leva de son trône,
Et tout le ciel s'illumina,
Et Dieu prit sa propre couronne
Et devant tous, la lui donna.

Dr Henri de Farémont



Conseil (I)

Si ton cœur souffre trop de sa vieille blessure
Et si le cher regret des gais hiers t'oppresse,
Oublie un peu ta peine et songe à la détresse
Des errants, égarés sur les routes mal sûres.

Penche-toi sur les inconnus qui vont, sans guide,
Glissant et trébuchant par les routes obscures,
D'un à l'autre fossé, d'une à l'autre torture,
Fouillant d'un regard fixe et fiévreux le ciel vide.

Contemple la souffrance anonyme des foules,
Abandonne ton " moi ", songe aux " ils " innombrables,
A l'énorme troupeau des hommes misérables
Que le Destin, pour ses vendanges, presse et foule.

Echo multiplié des plaintes de ton cœur,
Entend les longs sanglots éperdus, qui s'élèvent
Du peuple piétiné, dont la vieille rancœur
Un jour explosera, comme un volcan qui crève.

Quel que soit son passé, quel que soit son Credo,
Tend ta main fraternelle au vaincu qui défaille :
Console sa douleur, allège son fardeau,
Puis poursuis ton chemin sans bruit, vaille que vaille !

André Savoret, Le Bûcher du Phénix


Conseil (II)

Bien avant, bien avant d'agir ou de parler,
Recueille-toi longtemps, ami, pour contempler
Ton but et pour prier, de ton mieux, en silence,
L'Esprit de vérité, de force et de science.

Fais taire, alors, les voix de la chair et du sang,
Pour entendre la voix de Celui qui descend
Dans l'âme du disciple, en terrestre agonie,
Pour la ressusciter à sa gloire infinie ;

Mais ne te méprends pas ; avant de recueillir
La mystique moisson, épure tes désirs,
Sublime tes élans, demeure humble et sincère
Si tu veux que le Ciel entende ta prière.

Laisse les faux savants, laisse les mauvais guides
Sur le rocher d'orgueil dresser leurs tours d'ivoire :
Tu ne t'exileras vers nulle Thébaïde ;
La coupe d'amertume est pleine, il faut la boire !

Si tu ne descends pas, toi-même, vers tes frères,
Comment le Dieu d'amour descendrait-il vers toi ?
Les dédains, le mépris, les affronts, la colère,
Ne rebutent que ceux dont chancelle la foi !

André Savoret, Le Bûcher du Phénix



Consécration

Aux jours de ma jeunesse ardente et solitaire,
Du fond de mes péchés vous m'attiriez à Vous,
O Dieu, dont les desseins sont voilés de mystère.

Partout vous me suiviez comme un amant jaloux ;
Vous faniez pour mon cœur, d'avance, toutes joies ;
Vous me faisiez pâlir des plus amers dégoûts.

Chasseur, vous m'attendiez, déguisé sous mes proies
Et je marchais, vaincu déjà, dans vos chemins,
Quand je croyais errer encore dans mes voies.

A présent me voici tout entier dans vos mains :
Vous m'avez rajeuni pour votre œuvre future,
En trompant les calculs et les pensers humains.

J'ai traversé l'angoisse et connu la torture,
Seigneur, mais votre force a chaque fois dompté
Les émois qui troublaient ma fragile nature.

Et maintenant, soldat de votre volonté,
Ame en qui, par torrents, vos grâces sont venues,
Dans le renoncement trouvant ma volupté,

Plein d'espoir je m'en vais vers des croix inconnues.

Louis Le Cardonnel, Poèmes



Mission

O cet appel et ce silence qui m'atterre !
O Dieu qui me voulez et mon cœur tout entier !
J'ai grimpé par delà la berge, le sentier
Qui mène par détours au hameau solitaire.

Marcher n'est rien si c'est pour retrouver mon frère
Je porterai partout un flambeau d'amitié
En allumant les cœurs obscurs que vous étiez
D'un feu secret qui purifiera cette terre.

Ouvrez la porte étroite au visiteur du soir
Qui jette en souriant le rayon de l'espoir
A vos yeux fatigués du travail à la chaîne.

Esclave, je le suis comme vous, mais de Dieu
Et voici qu'il m'envoie à nouveau dans ces lieux
Terminer les apprêts de sa fête prochaine.

Christian de Miomandre, Passion, 1949


La Croix

Avec un grand oubli des choses du passé
Dont je ne connais rien, j'ai repris mon calvaire
Simplement, humblement, et n'ai pu que me taire
En regardant Jésus là-haut toujours dressé.

Lorsque le soir descend sur les monts, harassé,
Je me prends à songer au fond d'un sanctuaire,
Hoquetant de chagrin avec un vieux rosaire,
Compagnon de souffrance entre mes doigts pressé.

Le vent d'hiver soufflant par les fentes du porche
Eteint la lampe d'or en rafale et m'écorche
Les pieds nus de sa dent agrippante de froid.

Puis, je m'en vais, plus vieux, courbant plus fort la tête
Vers le dernier Sommet où, battu des tempêtes,
Pantelant et mourant, le Maître étreint Sa croix.

Christian de Miomandre, Passion, 1949




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