Poésies d'inspiration chrétienne



Juillet

Dans la torride ardeur de l'été desséchant,
Et qui, dès le matin, brûle l'air qu'il embrase,
D'énergiques labeurs ont fait la plaine rase,
Et l'obscur moissonneur a dénudé son champ.

Déjà, de toutes parts s'accumulent les gerbes,
Car jamais plus nombreux n'ont poussé les épis ;
Et l'on voit, dépouillant le sol de son tapis,
Près des vieillards chenus les jouvenceaux imberbes.

Et tous, que le soleil crible de mille traits,
Et dont la face mâle est de sueurs baignée,
Songent, pleins d'espérance, à la ferme éloignée
Où les ramènera le soir limpide et frais.

Tous aspirent, après la journée étouffante,
Maîtres et tâcherons, plus poudreux, plus fourbus
Que les anciens pasteurs des nomades tribus,
Au céleste repos que la nuit calme enfante.

Mais ces durs paysans de chaleur accablés,
En dépit de la soif, malgré la lassitude,
Conservent des aïeux la vaillante attitude,
Et célèbrent la fête éternelle des blés.

Tel, Seigneur, jusqu'au soir ignoré de ma vie,
Tourmenté de la soif des mystères sacrés,
Sentant ce corps d'un jour s'affaiblir par degrés,
Je vais sans que mon pied du droit chemin dévie.

Quoique indigne, ô mon Dieu, de faucher vos sillons,
Je fais l'humble moisson dont vos granges sont pleines,
Certain, courbé sur l'or des poussiéreuses plaines,
Que vous nous relevez lorsque nous vacillons.

Et je n'ignore pas qu'après tant de fatigue,
Quand l'ombre couvrira mes membres engourdis,
Dans la sérénité de votre paradis
Vous me serez de mansuétude prodigue.

Vous m'envelopperez de grâce, je le sais,
Indulgent aux péchés trop lourds et tenant compte
De ma volonté ferme à vous servir si prompte,
Et des froments de rêve avec peine amassés.

Et comme un moissonneur, quand sa tâche est finie,
Dort d'un sommeil paisible et de tous respecté,
Je goûterai dans votre immuable équité
Cette extase où le plus infime communie.

Léonce Depont
Revue "Le Noël" n°1465, juillet 1923



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