Les plus belles pages sur Marie


Les Pères de l'Eglise - XII° au XVI° siècle - XVII° siècle - XVIII° et XIX° siècles - XX° siècle


XVIII° et XIX° siècles

Saint Alphonse Marie de Liguori (1696-1787)
Père Grou (1731-1803)
Jean-Claude Colin (1790-1875)
Bx John-Henry Newman (1801-1890)
Frédéric William Faber (1814-1863)


Saint Alphonse Marie de Liguori (1696-1787)

Le sommeil de l'Enfant Jésus

Les cieux ont suspendu leur douce harmonie, lorsque Marie a chanté pour endormir Jésus.
De sa voix divine, la Vierge de beauté, plus brillante qu'une étoile, disait ainsi :
Mon fils, mon Dieu, mon cher trésor, tu dors ; et moi, je meurs d'amour pour ta beauté.
Dans ton sommeil, ô mon bien, tu ne regardes pas ta mère ; mais l'air que tu respires est du feu pour moi.
Tes yeux fermés me pénètrent de leurs traits ; que sera-ce de moi quand tu les ouvriras ?
Tes joues de rose ravissent mon cœur ! O Dieu ! mon âme se meurt pour toi.
Tes lèvres charmantes attirent mon baiser ; pardonne, ô chéri, je n'en puis plus.
Elle se tait, et pressant l'enfant sur son sein, elle dépose un baiser sur son divin visage.
Mais l'enfant aimé se réveille ; et de ses beaux yeux pleins d'amour, il regarde sa mère.
O Dieu ! pour la mère, ces yeux, ces regards, quel trait d'amour qui blesse et traverse son cœur !
Et toi, mon âme, si dure, tu ne languis pas à ton tour, en voyant Marie languir de tendresse pour son Jésus ?
Divines beautés, je vous ai aimées tard, mais désormais je brûlerai pour vous sans fin.
Le Fils et la Mère, la Mère avec le Fils, la rose avec le lys, ont pour jamais tous mes amours.

Trad. Dom Guéranger, Temps de Noël, Mame.

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Père Grou (1731-1803)

Marie reçoit le Saint-Esprit

Marie avait été saluée pleine de grâce par l'ange Gabriel (Luc, I, 28). Que semble-t-il qu'on pût ajouter à cette plénitude ? Rien selon nos idées. Mais selon les idées de Dieu, elle n'était encore qu'au commencement de la sainteté à laquelle il voulait l'élever. Au départ de l'ange, elle reçoit dans son sein l'auteur même de la grâce. Nouvelle plénitude près de laquelle la première était, pour ainsi dire, un vide. A son enfantement, nouvel accroissement de grâce. Chaque fois qu'elle change d'état intérieur, c'est pour passer à un état plus relevé. De même que Jésus-Christ depuis son enfance croissait en sagesse et en grâce selon sa sainte humanité (Luc, II, 52) : il en était ainsi de Marie. Lui-même, par les diverses épreuves qu'il lui fit subir, ne fut appliqué qu'à la sanctifier de plus en plus. Le grand sacrifice qu'elle fit au pied de la croix nous paraît avoir mis le comble à sa sainteté. Il ne nous est pas possible d'imaginer rien au delà.

Mais qui sommes-nous pour fixer les bornes de la perfection où Dieu prétend élever Marie ? Il a encore dans ses trésors des grâces à lui communiquer ; et il faut, si j'ose ainsi parler, qu'elle épuise ces trésors. Le Saint-Esprit, son époux, veut l'enrichir sans mesure ; il descend de nouveau sur elle ; et lui qui est l'amour infini du Père et du Fils, élargit, et rend en quelque sorte immense le cœur de Marie, afin qu'elle en soit remplie autant que peut l'être une pure créature.

Mais que reçoit-elle ? Quoi ? Comme les apôtres le don des langues, le don des miracles, le don de prophétie, le don de science, et les autres qui leur furent nécessaires à l'établissement de la religion ? Tout excellents que sont ces dons, ils sont au-dessous de Marie ! Elle doit contribuer plus que tous les apôtres, et tous leurs successeurs dans le saint ministère, à établir, à étendre le règne de son fils. Mais ce ne sera point la voie de la prédication et des prodiges. Ce sera par l'ardeur de ses vœux, et par l'incomparable vivacité de son amour. Oui, ce sera cet amour pour son fils, et pour les hommes devenus ses enfants, qui servira plus au progrès du christianisme que tous les travaux des apôtres et des ministres de l'Eglise. Ils ne seront que des instruments particuliers ; Marie sera un instrument universel : mais un instrument caché, un instrument qui n'agira point au dehors, et dont toute la vertu ne se déploiera que par des effets intérieurs. L'humilité de Marie aurait trop souffert, si elle eût servi l'Eglise autrement. Ses prières obtiendront le succès au ministère des apôtres ; et de son vivant on ne lui attribuera rien ; elle disposera de toutes les grâces de son Fils ; et l'on ne pensera point à elle. Je ne puis m'empêcher d'admirer ici à quel point Dieu ménage et respecte l'humilité de Marie, sa vertu favorite. O humilité, que vous êtes précieuse à Dieu, puisque vous êtes si chérie de la Mère de Dieu !

Le Saint-Esprit au jour de la Pentecôte envoie aux disciples des rayons de son feu sacré ; mais il les réunit tous sur Marie ; il se repose spécialement sur elle ; il la pénètre, il l'embrase de sa chaleur. Il l'épouse de nouveau, et se donne à elle plus pleinement, plus intimement qu'il n'a jamais fait. Nous ne bornons pas le pouvoir divin ; mais nous pouvons dire avec vérité que le Saint-Esprit ne s'est communiqué, ni se communiquera jamais à aucune créature avec autant de profusion qu'à Marie. Il se fit à ce jour un changement prodigieux dans les apôtres, qui de charnels et grossiers qu'ils étaient devinrent des hommes tout spirituels et tout divins. Mais il s'en fit encore un plus grand dans Marie, non en passant comme eux de l'état d'imperfection à celui de sainteté ; mais en passant d'un sublime degré de perfection à un autre sans comparaison plus sublime. Nous croirons sans peine qu'il n'y a rien en ceci d'exagéré, si nous faisons réflexion que la sainteté de Dieu étant infinie en elle-même, rien ne saurait borner ses communications au dehors ; et qu'à l'égard de Marie il n'y mit d'autre mesure, que celle qu'y peut mettre la capacité essentiellement finie d'une pure créature. Et comme cette capacité peut toujours devenir plus grande, sans sortir des bornes du fini : ne faisons nulle difficulté de croire qu'elle a été dans Marie d'une étendue qui passe l'intelligence des hommes et des anges.

L'intérieur de Jésus et de Marie, Ed. René Haton, pp.532-534.

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Jean-Claude Colin (1790-1875)

De l'esprit de la Société de Marie

Les religieux maristes n'oublieront jamais que par un choix gracieux ils sont de la famille de la bienheureuse Marie, Mère de Dieu, qu'en s'appelant Maristes ils portent son nom et qu'ils l'ont choisie dès l'origine pour leur modèle, pour leur première et perpétuelle Supérieure. Si donc ils désirent être et sont vraiment les enfants de cette Auguste Mère, ils s'appliqueront constamment à aspirer et à respirer son esprit, qui est un esprit d'humilité, d'abnégation propre, d'union intime avec Dieu et d'ardente charité envers le prochain. Ainsi ils s'efforceront d'imiter Marie dans leurs pensées, dans leur langage et dans toutes leurs œuvres : sinon ils seraient des fils indignes et dégénérés.

C'est pourquoi, s'attachant aux pas de leur Mère, ils seront absolument étrangers à l'esprit du monde, c'est-à-dire dépouillés de toute ambition des choses de la terre et vides de toute recherche personnelle; ils s'étudieront à se renoncer entièrement en toutes choses, ne cherchant nullement leurs intérêts, mais uniquement ceux de Jésus-Christ et de Marie, se considérant comme des pèlerins et des exilés sur la terre, comme des serviteurs inutiles et le rebut de tous ; ils useront des choses de ce monde comme n'en usant pas ; ils éviteront avec soin dans leurs édifices, leurs habitations, dans leur manière de vivre, dans toutes leurs relations avec les autres hommes, tout ce qui ressentirait le faste, l'ostentation, le désir de la considération personnelle, aimant à être inconnus et mis au-dessous de tous, sans feinte ni duplicité. En un mot, qu'ils procèdent partout avec un si grand esprit de pauvreté, d'humilité, de modestie, de simplicité de cœur, un tel mépris de la vanité et de toute ambition personnelle, qu'ils unissent enfin l'amour de la solitude et du silence et la pratique des vertus cachées avec les œuvres de zèle, de telle sorte que, bien qu'ils doivent s'adonner aux divers ministères qui ont pour objet le salut des âmes, cependant ils paraissent toujours comme inconnus et cachés au monde.

In L'Esprit du vénérable P. Colin, par un membre du Tiers-Ordre de Marie, Lyon, Vitte, 1933.

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Bx John-Henry Newman (1801-1890)

Discrétion et modestie de Marie dans le développement de son culte

Lorsque Jésus commença ses prédications, sa Mère se tint à l'écart ; elle ne se mêla pas de son œuvre ; et même, quand il fut retourné au ciel, elle n'alla pas prêcher et enseigner ; elle ne s'assit pas dans le siège apostolique ; elle ne prit point part au ministère du prêtre ; elle se borna à chercher humblement son Fils dans la messe dite chaque jour par les Apôtres, qui, bien que ses ministres dans le ciel, étaient sur la terre ses supérieurs dans l'Eglise. Après sa mort et celle des Apôtres, lorsqu'elle devint Reine, et qu'elle prit place à la droite de son Fils, elle ne s'adressa pas même alors au peuple fidèle pour qu'il publiât son nom jusqu'aux extrémités du monde, ou pour qu'il l'exposât à ses regards ; mais elle attendit tranquillement le temps où sa gloire pourrait contribuer à servir celle de son Fils. Jésus-Christ avait été dès le commencement proclamé par la sainte Eglise et inauguré dans son temple, car il était Dieu ; il eût été peu convenable de la part de l'oracle vivant de la vérité de dérober aux fidèles l'objet de leur adoration ; mais il en fut autrement de Marie. La qualité de créature, de mère, de femme, lui imposait le devoir de céder le pas à son Fils, de se faire sa servante, et de ne se frayer un chemin dans le cœur des hommes que par la voie de la persuasion et de la douceur. Quand le nom de Jésus fut déshonoré, elle sentit son zèle se ranimer ; quand Emmanuel fut renié, la Mère de Dieu entra en scène ; elle jeta ses bras autour de lui et permit qu'on l'honorât afin de consolider le trône de son Fils. Lorsqu'elle eut rempli cette sainte tâche, son rôle fut fini ; car elle ne combattait pas pour elle-même. L'histoire de sa manifestation ne présente ni controverses animées, ni confesseurs persécutés, ni hérésiarques, ni anathèmes ; de même qu'elle avait grandi de jour en jour en grâce et en mérite, à l'insu du monde, elle s'éleva graduellement au sein de l'Eglise par une influence paisible et un progrès naturel. Elle est semblable à un bel arbre qui étend au loin ses branches fécondes et ses feuilles odorantes, en ombrageant le champ des saints. Aussi l'antiphonaire dit-il en parlant de Marie : " Que ta demeure soit en Jacob, et ton héritage en Israël, et pousse tes racines dans Mon Elu. " Plus loin il dit : " Et aussi je fus établie à Sion, et je reposai également dans la ville sainte, et ma puissance était à Jérusalem. Je pris racine chez un peuple honorable, et je fus retenue dans la plénitude des saints. Je fus exaltée comme un cèdre du Liban et comme un cyprès du mont de Sion ; j'ai étendu mes branches comme un térébinthe, et mes branches sont d'honneur et de grâce. " Elle fut mise sur le pavois sans le secours des bras des fidèles ; elle remporta une victoire modeste, et elle exerce une autorité aimable qu'elle a obtenue sans la rechercher. Quand des débats se sont élevés entre ses enfants relativement à sa puissance, elle les a apaisés ; quand on a fait des objections contre son culte, elle a patiemment attendu le jour où ses droits ne seraient plus contestés ; oui, elle a entendu jusqu'à ce qu'elle reçoive enfin, de notre temps, si Dieu le permet, et sans aucune opposition, sa plus brillante couronne, et qu'on reconnaisse, au milieu des jubilations de l'Eglise entière, la pureté immaculée de sa conception.

Conférences adressées aux protestants et aux catholiques, trad. Jules Godon, Paris, Sagnier et Bray, 1850 : 17° conférence, Les gloires de Marie ont pour objet la gloire de son Fils.

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Frédéric William Faber (1814-1863)

Marie silencieuse

La tradition dit que les trois habitants de la sainte maison de Nazareth ne parlaient presque jamais. Les doux entretiens célestes, que nous avons pu nous figurer comme une partie de la vie de la Sainte Famille, n'ont eu lieu que dans notre imagination, ils n'ont pas existé. Il y régnait un silence plus profond que dans une solitude de larmes ou dans une maison de Chartreux où les vents des Alpes mugissent à travers les corridors et ébranlent les fenêtres, tandis que tout le reste est silencieux comme la tombe. Les paroles de Jésus étaient très rares. C'est là la raison pour laquelle Marie les conservait dans son cœur, parce que, comme des trésors, elles étaient rares autant que précieuses. Si nous réfléchissons, nous verrons qu'il ne pouvait guère en être autrement. Dieu est très silencieux. En ce qui concerne Marie, le récit de l'Evangile confirme la tradition. Le petit nombre des paroles de Marie qui s'y trouvent rapportées est étonnant. Qu'elle soit en mouvement ou en repos, elle y apparaît comme une belle statue dont la beauté est le seul langage. Cela est si frappant que quelques saints contemplatifs ont supposé que, dans son humilité, Marie avait commandé aux évangélistes de supprimer, en ce qui la concernait, tout ce qui n'était pas absolument nécessaire à la doctrine de Notre-Seigneur. Saint Jean, qui vécut le plus avec la Sainte Vierge, ne dit presque rien d'elle ; saint Marc ne fait mention d'elle qu'une seule fois, et seulement d'une manière indirecte. Sans nul doute, aucun saint ne pratiqua le silence comme elle le fit. Son silence envers saint Joseph en est une preuve merveilleuse. Mais comment eût-elle pu n'être pas silencieuse ? Une créature qui avait vécu si longtemps avec le Créateur ne pouvait parler beaucoup ; son cœur était plein, son âme était réduite au silence. Elle était avec Jésus depuis douze longues années, de longues années relativement à la formation des habitudes, quoiqu'elles eussent passé pour Marie comme une extase sainte, pleine d'un douloureux amour. Elle avait porté Jésus dans ses bras. Elle avait veillé sur lui pendant qu'il dormait. Elle lui avait donné sa nourriture ; elle l'avait regardé dans les yeux. Il lui avait sans cesse dévoilé son cœur. Elle avait appris à le comprendre. Toutes les similitudes avec Dieu étaient passées dans l'âme de Marie. Nous savons combien Dieu est silencieux. Entre le Créateur et 1a créature, dans des relations telles que celles qui existaient entre Jésus et Marie, le silence, mieux que les paroles, était un langage. Qu'auraient pu faire les paroles ? Qu'auraient-elles pu dire ? Elles n'auraient pu porter le poids des pensées de la Mère, encore moins celui des pensées du Fils. Parler aurait été un effort, une condescendance, une descente de la montagne, de la part de Marie aussi bien que de Jésus. Et pourquoi descendre ? Saint Joseph n'en avait pas besoin. Lui aussi demeurait bien haut parmi ces montagnes de silence, trop haut pour qu'aucune voix, je dirais presque le moindre écho de la terre, pût retentir jusqu'à lui.

Les souffrances de Marie, lorsqu'elle perdit Jésus durant trois jours, dépassèrent non seulement le pouvoir, mais les droits du silence. Elles entraînèrent la nature de Marie jusqu'aux dernières limites de sa faculté de souffrir, quelque sublime et vénérable que fût cette nature. Elles la forcèrent à faire ce qui était proportionné à leur violence, c'est-à-dire à chercher le dernier refuge de la créature en ouvrant entièrement son cœur au Créateur. La perfection de Notre-Seigneur, dans sa nature humaine, atteignit à son plus haut point dans une parole. Son silence était, sans doute, une adorable perfection, mais il y avait encore plus de sublimité dans ce cri qui s'échappa de ses lèvres : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ? C'est alors que sa Passion atteignit aux dernières limites de son humanité. C'est ainsi que notre Mère bien-aimée eut sa passion à la fin de l'enfance de Jésus, et sa compassion en même temps que la Passion de Notre-Seigneur, à la fin du ministère public. Les ténèbres de la troisième douleur furent le Gethsémani, la perte de Jésus fut le crucifiement de l'âme de la Sainte Vierge ; la plainte de Marie fut son cri sur la croix, quand le tourment de la croix finissait. Il en était alors de Marie, comme il devait en être plus tard pour Jésus.

Le Pied de la Croix, 3° douleur, Paris, Ambroise Bray, 1858.

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