« Oh ! le grand secret que celui de rester maître chez soi, de posséder son coeur, de gouverner ses relations, au lieu de se laisser déborder et entraîner par elles.
Nul n'est capable de cette maîtrise de soi, sinon celui qui a renoncé à tout intérêt personnel du temps, à toute estime, à toute affection et à toute préoccupation de l'avenir.

O Jésus ! apprenez-moi ce divin secret. Attachez-moi si fortement à Vous qu'aucune créature ne puisse m'en séparer. Je le sens, je suis la faiblesse même : tout fait impression sur moi : le regard d'un ami, le geste d'un ennemi, un mot piquant, un sourire, tout m'émeut ou me trouble. L'adversité m'abat, la contrariété me décourage, la souffrance m'énerve, la contradiction m'exaspère ; un témoignage d'affection me captive, sa privation me peine, une bonne parole me relève, une louange me flatte, une approbation me stimule : je suis à la merci de mes impressions.
Mon esprit et mon coeur ne m'appartiennent pas ; ils sont une place ouverte où les nouvelles de toutes sortes se donnent rendez-vous, où amis et ennemis viennent discourir, plaider, souvent même contre moi.

O mon Jésus ! établissez en moi votre règne souverain, chassez de mon coeur ces étrangers, ces vendeurs, ces changeurs qui transforment votre Sanctuaire en un marché public. Rendez-moi cette liberté des enfants de Dieu que Vous êtes venu apporter à la terre. Que je ne dépende de personne ici-bas, sinon de Vous et de ceux qui Vous remplacent, que le respect humain n'ait aucune prise sur moi, que les choses du monde me laissent indifférent, que l'approbation ou la critique me trouvent insensible, que la multiplicité de mes devoirs et de mes relations nécessaires ne me distraient pas de Vous ! »

Jos. Schryvers C.SS.R. (1876-1945), Le don de soi, Librairie Albert Dewit, Bruxelles, 1923.

« Dieu tout puissant,
écarte de moi toute préoccupation de vanité,
tout désir d'être loué,
tout sentiment d'envie, de gourmandise,
de paresse et de luxure,
tout mouvement de colère,
tout appétit de vengeance,
tout penchant à souhaiter du mal à autrui
ou à m'en réjouir,
tout plaisir à provoquer la colère,
toute satisfaction que je pourrais éprouver
à admonester qui que ce soit
dans son affliction et son malheur.

Rends-moi, Seigneur bon,
humble et effacé, calme et paisible,
charitable et bienveillant, tendre et compatissant.
Qu'il y ait dans toutes mes actions,
dans toutes mes paroles,
et dans toutes mes pensées,
un goût de ton Esprit Saint et béni.

Accorde-moi, Seigneur bon, une foi pleine,
une ferme espérance
et une charité fervente,
un amour pour Toi, Seigneur bon,
qui dépasse incomparablement
mon amour pour moi-même ;
aide-moi à n'aimer rien contre ton gré,
mais toute chose en fonction de Toi... »

Saint Thomas More - ci-dessous son portrait par le peintre allemand Hans Holbein le jeune (1497-1543).