La dévotion au Sacré-Coeur de Jésus

Annexes




2. Port-Royal et le Jansénisme

C'est à Cornelius Jansen, auteur de l'Augustinus (publié après sa mort en 1640), que ce mouvement janséniste doit son nom. Dans cet ouvrage condamné par Rome à plusieurs reprises, l'auteur y défend une morale stricte, et prenant appui sur les écrits de saint Augustin, prône un retour à la rigueur primitive de l'Eglise.
S'il est certain aujourd'hui que la véritable bataille menée par les jansénistes contre la dévotion au Sacré-Cœur n'a réellement commencée qu'à la publication de l'ouvrage de
Jean-Joseph Languet de Gergy sur la Vie de Marguerite-Marie, soit en 1729, pour atteindre son paroxysme en 1765 (à la reconnaissance par Clément XIII de la fête du Sacré-Cœur), il est tout de même intéressant de constater que tandis que saint Jean Eudes, puis la sainte de Paray-le-Monial posaient les fondements de la dévotion, se déroulait autour de Port-Royal une âpre bataille, où une toute autre vision du christianisme était vécue et défendue avec âpreté.
La chronologie ci-dessous vise à mieux situer les grandes étapes de ce mouvement, quelques précisions nominatives étant données au chapitre des biographies.


1204 : Mahaut de Garlande, femme de Mathieu I° de Marly, qui désire attirer la protection divine sur son mari parti en Terre Sainte pour la 4° croisade, fonde auprès de ses domaines en vallée de Chevreuse une abbaye de femmes, l'abbaye de Port-Royal. Une réforme place bientôt l'abbaye sous l'autorité spirituelle des Cisterciens, dont l'abbaye des Vaux-de-Cernay s'élève à quelques kilomètres de là.

1229 : Fin de la construction de l'église abbatiale de Port-Royal. La dédicace solennelle a lieu le 25 juin de l'année suivante.

1530 : Jeanne de la Fin, abbesse de l'abbaye, y fait réaliser d'importants travaux. Des réparations à l'église et au clocher, ainsi que la reconstruction du cloître datent de cette époque.

1560 : Michel de Bay (Baïus, 1513-1589), professeur de philosophie et d'Ecriture Sainte à Louvain, extrait des écrits de saint Augustin plusieurs propositions relatives au péché originel, à la doctrine de la justification et à la grâce. Ses petits traités paraissent de 1563 à 1566. Jacques Janson d’Amsterdam, maître de Jansenius à l'université de Louvain, sera un partisan des théories de Baïus.

1567 : Le 1° octobre, Pie V condamne par la Bulle Ex omnibus afflictionibus 79 des propositions de Baïus, qui se rétracte par écrit en 1579.

1599 : L'avocat Arnauld obtient d'Henri IV la nomination de sa fille Marie-Angélique comme coadjutrice de l'abbaye de Port-Royal.

1608 : L’abbesse Angélique Arnauld commence la réforme de l’abbaye de Port-Royal.

1609 : Le 29 septembre, "Journée du guichet" : Angélique Arnauld refuse l'entrée de l'abbaye à son père, au nom de la règle de clôture, et ne consent à lui parler qu'au travers du guichet de la porte.

1620 : Du Vergier de Hauranne est nommé abbé de Saint-Cyran.

1626 : La communauté de Port-Royal des Champs est transférée à Port-Royal de Paris, dans l'hôtel de Clagny au faubourg Saint-Jacques que la mère d'Angélique Arnauld a acheté pour sa fille spécialement à cette intention.

1627 : Saint-Cyran écrit Du Cœur nouveau.

1633 : Saint-Cyran prend contact avec Port-Royal des Champs.

1635 : Saint-Cyran devient directeur spirituel des religieuses. Les "solitaires" se réunissent à Port-Royal-des-Champs, et y fondent les Petites Ecoles.

1636 : Jansenius est nommé évêque d'Ypres.
Antoine Singlin est appelé par Saint-Cyran à Port-Royal.

1637 : Arrivée des premiers "solitaires" à Port-Royal.

1638 : Le 14 mai, Saint-Cyran est arrêté et emprisonné à Vincennes sur ordre de Richelieu. Vincent de Paul est le principal témoin qui dépose contre lui, pour l'avoir bien connu durant les années qui précèdent. Il relatera dans l'une de ses lettres :

« Saint-Cyran me parla un jour en ces termes : - Dieu m'a donné et me donne encore de grandes lumières ; il m'a fait voir que depuis cinq ou six cents ans il n'y a plus d'Eglise. Avant cette époque, l'Eglise était semblable à un grand fleuve aux eaux transparentes. Mais maintenant ce qui nous paraît l'Eglise n'est plus qu'un amas de boue. Le lit du fleuve est toujours le même, les eaux seules ont changé. - Je lui répondis que tous les hérésiarques s'étaient servis du même prétexte pour établir leurs erreurs, et je lui citais l'exemple de Calvin. - Calvin, me répondit-il, ne s'est pas trompé dans toutes ses opinions, il s'est seulement trompé sur la manière de les défendre. »
Lettre de saint Vincent de Paul, in R.P. Dalgairns, De la Dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, Paris, A. Bray, 1868.


Mort de Jansenius.

1640 : En septembre, publication à Louvain de l’Augustinus (Augustinus Cornelii Jansenii Episcopi, seu doctrina sancti Augustini de humanae naturae sanitate, aegritudine, medicina adversus Pelagianos et Massilienses tribus tomis comprehensa), de Jansenius.

1641 : Antoine Arnauld est reçu docteur en Sorbonne.
L'Inquisition condamne l'Augustinus.

1643 : Le 6 février, libération de Saint-Cyran, qui meurt le 11 octobre suivant.
Publication du traité De la fréquente communion d’Antoine Arnauld, dans lequel il remet en cause la fréquentation des sacrements telle qu'autorisée par la Compagnie de Jésus, et où il défend l'Augustinus. L'ouvrage est approuvé par quinze évêques et archevêques - dont l'archevêque de Paris, Mgr Péréfixe, futur adversaire du jansénisme, et vingt et un docteurs de la Sorbonne. Seule une phrase de la préface (qui fait référence aux "deux" chefs de l'Eglise, Pierre et Paul) est condamnée par Rome.
Publication de
Théologie morale des Jésuites d'Antoine Arnauld, qui reprend des extraits d'œuvres d'auteurs de la Compagnie de Jésus, pour prouver le laxisme de leur morale.
Promulgation de la Bulle
In Eminente écrite le 6 mars 1642 par le pape Urbain VIII, qui condamne l’Augustinus.

1646 : Blaise Pascal adhère à la doctrine de Jansenius.

1648 : Retour des religieuses à Port-Royal des Champs, qui rejoignent les solitaires après que ceux-ci y aient effectués de nombreux travaux..
Philippe de Champaigne peint le "Portrait de la mère Angélique".

1649 : Le 1° juillet, Nicolas Cornet, syndic de la Faculté de théologie de Paris, soumet à la censure de la Faculté (à la Sorbonne) cinq propositions extraites de l’Augustinus, qu'il affirme avoir trouvées dans des thèses récentes. Partisans et adversaires s'affrontent dans des débats passionnés. L'affaire est portée à Rome.

1652 : Jacqueline Pascal fait profession à Port-Royal.

1653 : Suite à la demande déposée par 85 évêques, promulgation de la Bulle Cum Occasione, signée par Innocent X le 31 mai, qui condamne les Cinq propositions extraites du document de Nicolas Cornet relatives à l'Augustinus de Jansenius.

« Etant arrivé à l'occasion de l'impression d'un livre qui a pour titre l'Augustinus de Cornélius Jansenius, qu'entre autres opinions de cet auteur il s'est élevé une contestation, principalement en France, sur cinq de ses propositions… »
Bulle Cum Occasione, du pape Innocent X, préambule.

« Nous n'entendons pas toutefois par cette déclaration et définition faite touchant les cinq susdites propositions, approuver en façon quelconque les autres opinions qui sont contenues dans le livre ci-dessus nommé de Cornélius Jansenius. »
Bulle Cum Occasione, du pape Innocent X, extrait.

1654 : Blaise Pascal se retire à Port-Royal, où il rejoint les "solitaires".
Le 27 septembre, bref d'Innocent X qui précise qu'étaient bien condamnées, dans les Cinq propositions, la doctrine de Jansenius contenue dans l'Augustinus.

1655 : Publication de la Lettre d'un docteur de Sorbonne à une personne de condition et de la seconde Lettre à un duc et pair (M. de Luynes) d’Antoine Arnauld, dans lesquels il reconnaît les Cinq propositions de Nicolas Cornet comme hérétiques (question de droit), mais nie qu’elles figurent dans Jansenius (question de fait).
Une assemblée d'évêques présidée par Mazarin rend les décisions de Rome exécutoires dans tout le royaume.
Dispersion des "solitaires" de Port-Royal.

1656 : Le 23 janvier, publication sans nom d'auteur de la première des Lettres provinciales de Blaise Pascal : Lettre à un provincial par un de ses amis sur le sujet des disputes présentes de la Sorbonne. Les 18 Lettres paraîtront entre cette date et le 24 mars 1657. Très riches sur le plan littéraire, les trois premières défendent Arnauld, et les suivantes attaquent directement la "morale" de la Compagnie de Jésus. Voltaire écrira à ce sujet :

« C'est sur quoi je ne cesse de m'étonner qu'on puisse les accuser d'enseigner une morale corruptible. Ils ont eu comme tous les autres religieux dans les temps de ténèbres, des casuistes qui ont traité le pour et le contre des questions aujourd'hui éclaircies ou mises en oubli. Mais de bonne foi, est-ce par la satire des Lettres provinciales qu'on doit juger de leur morale ? C'est assurément par le Père Bourdaloue, par le Père Cheminais, par leurs autres prédicateurs, par leurs missionnaires. Qu'on mette en parallèle les Lettres et les Sermons de Bourdaloue, on apprendra dans les premières l'art de la raillerie, celui de présenter des choses indifférentes sous des faces criminelles ; celui d'insulter avec éloquence. On apprendra avec le Père Bourdaloue à être sévère à soi-même et indulgent pour les autres. Je demande alors de quel côté est la vraie morale et lequel de ces deux livres est le plus utile aux hommes ? J'ose le dire. Il n'y a rien de plus contradictoire ni de plus inique, ni de plus honteux pour l'humanité d'accuser d'une morale relâchée des hommes qui mènent en Europe la vie la plus dure et qui vont chercher la mort au bout de l'Asie et de l'Amérique. » (in Correspondance, t.2, Ed. de la Pléiade).

Le 24 mars, miracle de la Sainte-Epine : Marguerite Périer, nièce de Pascal, est guérie d'une fistule lacrymale au contact de la relique. (cf. l'Abrégé de l'Histoire de Port-Royal de Jean Racine). Le zèle de Blaise Pascal, qui voit là un signe du Ciel en faveur de la cause de Port-Royal, s'en trouve considérablement accru.
Antoine Arnauld est exclu de la faculté de théologie de la Sorbonne.
Le 16 octobre, promulgation de La Bulle Ad sacram d’Alexandre VII, qui renouvelle la condamnation des Cinq propositions, condamnant une nouvelle fois le jansénisme.

1660 : Condamnation des Provinciales.

1661 : Le 8 mars, mort de Mazarin. Dès son arrivée au pouvoir, Louis XIV, qui veut s’assurer la soumission des jansénistes, par arrêt du Conseil du 23 avril entreprend de faire signer à l’ensemble du clergé un formulaire, par lequel celui-ci reconnaîtra toutes les condamnations romaines. Ce formulaire a été rédigé par l'Assemblée du clergé sur injonction du roi.

« Je me soumets sincèrement à la constitution du pape Innocent X du 31 mai 1653, selon son véritable sens, qui a été déterminé par la constitution de notre Saint-Père le pape Alexandre VII du 16 octobre 1656. Je reconnais que je suis obligé en conscience d'obéir à ces constitutions, et je condamne de cœur et de bouche la doctrine des cinq propositions de Cornélius Jansenius contenues en son livre intitulé Augustinus, que ces deux papes et les Evêques ont condamnée, laquelle doctrine n'est point celle de saint Augustin, que Jansenius a mal expliquée, contre le vrai sens de ce saint Docteur.»

Le 22 juin, cédant aux instances d'Antoine Arnauld, les religieuses de Port-Royal acceptent de le signer, mais en y introduisant une clause distinctive du droit et du fait.
Le 6 août, mort de la Mère Angélique Arnauld.
Premières expulsions des pensionnaires et postulantes de
Port-Royal.
Fermeture des Petites Ecoles.

1662 : Le 19 août, mort de Blaise Pascal.
Philippe de Champaigne peint l'ex-voto commémorant la guérison de sa fille, religieuse à Port-Royal (à genoux à ses côtés, mère Agnès).

1664 : Le nouvel archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe, publie un mandement prescrivant la signature du formulaire.
Du 9 au 14 juin, il se rend à Port-Royal pour exhorter les religieuses à signer, leur accordant un délai de trois semaines pour le faire.
Le 21 août, il revient à
Port-Royal, et devant la résistance unanime des religieuses, prive la communauté des sacrements. Il dit à leur sujet : "elles sont pures comme des anges, et orgueilleuses comme des démons".
Le 26 août, il revient une nouvelle fois à
Port-Royal accompagné de gens en armes et disperse douze des religieuses dans d'autres couvents parisiens, plaçant celles qui restent sous l'autorité de l'Ordre de la Visitation. Parmi les religieuses exilées se trouvent la Mère Agnès (alors âgée de 73 ans) et les trois filles de Robert Arnauld d'Andilly. Le 26 novembre, trois autres religieuses seront à leur tour enlevées du monastère. Seules les nouvelles venues acceptent de signer le formulaire.

1665 : Le 15 février, promulgation de la Bulle Regiminis apostolici, qui appelle à nouveau à la signature du formulaire. Seules quelques religieuses de Port-Royal s’y soumettent.
Afin de briser la résistance des religieuses réfractaires, l'archevêque de Paris sépare définitivement les monastères de Paris et des Champs et regroupe les opposantes à Port-Royal-des-Champs sous l'autorité de sa prieure la Mère du Fargis, où elles restent frappées d'interdit et étroitement gardées par la police. Cette captivité durera jusqu'en février 1669.

1666 : De Sacy, directeur de Port-Royal, est emprisonné à la Bastille.

1667 : Le 15 février, le nouveau pape Clément IX et Louis IX acceptent que le formulaire soit signé avec la distinction du droit et du fait. Cette détente provisoire est connue sous le nom de "Paix Clémentine". Les dix années qui suivent sont appelées l'automne de Port-Royal.

1668 : Le 23 octobre, un arrêt du Conseil rend officielle la Paix de l'Eglise.

1669 : Le 14 janvier, Clément IX signe un bref de félicitations à destination des évêques qui se sont soumis au formulaire. Ce bref entérine la Paix de l'Eglise. De Sacy est libéré de la Bastille.
Le 15 février, l'ensemble des religieuses regroupées à
Port-Royal des Champs, alors sous la direction de la Mère Angélique de Saint-Jean, accepte enfin de signer le formulaire. Leur captivité prend fin.

1670 : Publication des Pensées de Blaise Pascal.

1671 : Début de la publication des treize volumes des Essais de morale de Pierre Nicole.

1672 : La duchesse de Longueville se retire à Port-Royal.
Publication d'un Abrégé de la morale de l'Evangile du Père Pasquier Quesnel, qui se développe dans les éditions suivantes, jusqu'au volume paru en 1708.

1679 : Signature du Traité de Nimègue, qui laisse les mains libres à Louis XIV. Celui-ci décide d'en finir avec l'abbaye de Port-Royal.
Le 16 mai, l'archevêque de Paris Mgr de Harlay de Champvallon exige le renvoi des novices et des pensionnaires, et interdit toute nouvelle admission. De Sacy est chassé à sont tour.
Antoine Arnauld se retire en Belgique, puis à Delft (1682).

1681 : Publication de l’Apologie du clergé de France et des catholiques d’Angleterre contre le ministre Jurieu d’Antoine Arnauld.

1685 : Le Père Pasquier Quesnel rejoint Antoine Arnauld en Belgique, et restera à ses côtés jusqu'à la mort de ce dernier.

1694 : Mort d’Antoine Arnauld. >1701 : Publication du Cas de conscience rédigé par le curé de Notre-Dame du Port à Clermont, concernant l'Abbé Louis Périer, neveu de Pascal. L'auteur s'interroge sur la possibilité d'absolution d'un pénitent qui, en matière de jansénisme, choisit de s'en tenir à un "silence respectueux".

1702 : Un groupe de docteurs de la Sorbonne donne une réponse affirmative à la question posée dans le Cas de conscience.

1703 : Clément XI condamne la réponse de la Sorbonne au Cas de conscience.

1705 : Le 16 juillet, promulgation de la Bulle Vineam Domini Sabaoth par Clément XI - à la demande de Louis XIV - qui condamne le "silence respectueux" au sujet du jansénisme, condamnant par là même le silence observé par Port-Royal.

1707 : Les religieuses de Port-Royal des Champs sont dépouillées de leurs biens au profit de l'établissement de Paris.
S'appuyant sur la Bulle Vineam Domini, le nouvel archevêque de Paris le cardinal de Noailles prive de sacrements les dernières religieuses de Port-Royal (au nombre de vingt-cinq, la plus jeune a plus de soixante ans) et les excommunie.

1708 : Publication des Réflexions morales sur le Nouveau Testament du Père Pasquier Quesnel, édition "définitive" du volume paru en 1672. Clément XI condamne l'ouvrage au feu, comme contenant une doctrine pernicieuse, erronée et manifestement janséniste. Le cardinal de Noailles qui s'est prononcé en faveur de l'ouvrage est directement atteint par cette mesure.

1709 : Le 29 octobre, les dernières religieuses de Port-Royal des Champs sont expulsées par le lieutenant de police d'Argenson aidé de 300 (!) soldats, et envoyées dans des couvents séparés. Le mobilier, les tableaux et le linge qui se trouvent à l'abbaye sont transportés au monastère de Paris.

1710 : Louis XIV ordonne la démolition des bâtiments du couvent de Port-Royal des Champs. Un arrêt du Conseil en date du 22 janvier ordonne que l'église et les bâtiments conventuels soient rasés.

1711 : Destruction des bâtiments de Port-Royal des Champs. Seuls seront épargnés quelques bâtiments de ferme et un colombier. En juin, les corps sont même exhumés du cimetière et transportés pêle-mêle jusqu'à la fosse commune du cimetière de Saint-Lambert.

1713 : Le 8 septembre, à la demande de Louis XIV, promulgation de la Bulle Unigenitus Dei filius par Clément XI, qui condamne à nouveau cent une propositions contenues dans les Réflexions morales du Père Quesnel.

1714 : Le 15 février, pressé par Louis XIV, le Parlement enregistre la Bulle Unigenitus.

1715 : Le 1° septembre, mort de Louis XIV. Son arrière petit-fils Louis XV n'ayant que cinq ans, la régence est confiée à Philippe d'Orléans, qui se montre favorable au jansénisme.

1717 : Le 5 mars, déposition à la Sorbonne de l'acte notarié signé par quatre évêques, premiers appelants de la Bulle Unigenitus au concile général : Mgr Soanen, évêque de Senez, Mgr Colbert, évêque de Montpellier, Mgr La Broue, évêque de Mirepoix et Mgr Langle, évêque de Boulogne. Le cardinal de Noailles, archevêque de Paris les rejoint bientôt, suivi d'une trentaine d'autres évêques et de près de trois mille religieux ou ecclésiastiques.

1718 : Promulgation de la Bulle Pastoralis officii par Clément XI, qui excommunie les appelants. Le duc d'Orléans devient hostile au jansénisme, exile les appelants dans leur diocèse, et les oblige à signer le formulaire.

1727 : Le cardinal de Fleury dépose l'évêque de Senez, Mgr Soanen, qui a renouvelé son appel et fait publiquement l'éloge du Père Quesnel. L'évêque, déclaré suspens jusqu'à sa rétractation, est relégué à l'abbaye de la Chaise-Dieu où il mourra quelques années plus tard.
Mort du diacre janséniste François de Pâris. Il est enterré au cimetière de Saint-Médard. Sa tombe devient un lieu de pèlerinage et de rassemblement janséniste. Début des manifestations des "convulsionnaires".

1728 : Le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, accepte sans condition la Bulle Unigenitus.
Début de parution des Nouvelles ecclésiastiques, journal clandestin hebdomadaire des jansénistes, où dans un style passionné et empreint de fanatisme, les partisans de la Bulle Unigenitus sont brocardés, et les jansénistes considérés comme des saints et des martyrs.

1730 : Le cardinal de Fleury, par un édit en date du 24 mars, fait de la Bulle Unigenitus une loi d'Eglise et d'Etat. Les évêques jansénistes se retirent peu à peu, et les Ordres religieux rentrent dans le rang.
Les
Nouvelles ecclésiastiques, journal clandestin des appelants, s'attaquent à Jean-Joseph Languet de Gergy, "acceptant" bien connu et adversaire résolu des jansénistes, auteur de la première biographie de Marguerite-Marie parue l'année précédente.

1732 : Le 22 janvier, le cimetière de Saint-Médard est fermé, par ordonnance royale.

1752 : En mars, Christophe de Beaumont prend la décision d'interdire la communion, dans son diocèse, à quiconque n’est pas muni d’un billet de confession attestant qu’il accepte la Bulle Unigenitus. Le Parlement proteste avec violence.

1763 : Publication à Trèves de De Statu praesenti Ecclesiae de l'allemand Jean-Nicolas de Hontheim, sous le pseudonyme de Justin Febronius (1701-1790). Il y reprend les idées gallicanes et jansénistes du belge Zeger-Bernard van Espen (1646-1728). L'ouvrage est mis à l'index dès l'année suivante, mais les idées qu'il contient seront utilisées par les jansénistes réunis à Pistoie en 1786.

1765 : Suite à la parution du Bref de Clément XIII, qui autorise la célébration d'une fête en l'honneur du Sacré-Cœur de Jésus, les manifestations jansénistes se multiplient. On va voir apparaître dans les années qui viennent les thèses et pamphlets de Blasi et Giorgi, un bon nombre de dissertations comminatoires, des lettres aux "Alacoquistes", souvent attaques en règle des évêques et des Jésuites "qui ont tout conduit".

1771 : Publication d'un ouvrage rédigé en langue latine, De festo Cordis Jesu dissertatio commonitoria, de Camille Blasi, que les Nouvelles ecclésiastiques commentent à plusieurs reprises, et couvrent d'éloges. On y lit que "la Congrégation des Rites n'a permis et approuvé que le culte du Cœur de Jésus-Christ pris symboliquement, c'est-à-dire qu'elle a permis d'honorer en particulier, non pas le cœur de chair, mais l'amour qui a porté ce divin Sauveur à s'anéantir jusqu'à prendre la forme de serviteur". Camille Blasi s'en prend par ailleurs au culte rendu au Sacré-Cœur dans l'Eucharistie, ainsi qu'aux images le représentant.

1773 : Publication en Italie d'un ouvrage intitulé Lettre d'un prêtre de Gênes à un ami de Rome sur certains sentiments et expressions d'un prédicateur touchant la dévotion au Cœur de Jésus, dont les Nouvelles ecclésiastiques rendent compte pour tenter d'assigner à la dévotion au Sacré-Cœur une origine protestante. Le livre et l'article se réfèrent à l'ouvrage de l'anglican Thomas Goodwin (1600-1679) paru en 1651, et à sa traduction latine dans le recueil Cor Christi in coelis erga peccatores in terris imprimé à Heidelberg en 1658.
Publication en France d'une Lettre Instructive d'un théologien romain sur la nouvelle dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, sans mention d'auteur, qui est l'Abbé de la Porte (v.1699-v.1786). La Lettre reprend les arguments développés par Blasi en 1771, ainsi que ceux d'autres ouvrages de moindre importance parus dans l'intervalle, comme l'Antirrheticus de Chrysostome Amériste, rédigé par le P. Giorgi, Augustin italien. L'Abbé de la Porte y développe par ailleurs une accusation de Nestorianisme peu usitée jusqu'alors.

1781 : Parution de la Lettre aux cordicoles sur l’origine et les inconvénients de la fête du Sacré-Cœur de Jésus et Marie, anonyme janséniste, dont l'auteur est Marc-Antoine Reynaud (†1796), curé de Vaux au diocèse d'Auxerre. Il fait reposer l'origine du nouveau culte sur les deux noms de Marie des Vallées et de Marguerite-Marie. La réédition de cette Lettre en 1782 est précédée d'une préface au ton particulièrement ironique, reprise la même année dans une Seconde lettre aux Alacoquistes, dits Cordicoles, ou la raillerie est poussée jusqu'au ridicule, voire au blasphème : la dévotion y est qualifiée de "théologie musculaire", l'auteur y propose le culte du cerveau de Notre Seigneur, etc..

« C'est le P. Eudes qui a introduit la dévotion au Sacré-Cœur de Marie, et ensuite au Sacré-Cœur de Jésus… Qu'on en croie du moins Mgr Languet, qui était le P. Eudes de ce siècle-ci, comme le P. Eudes était le Languet de l'autre… C'est donc le nom d'Alacoquistes qui convient proprement aux Cordicoles, à moins qu'à cause de l'origine qu'ils tirent également des deux Maries, on aime mieux les appeler des Marions, des Mariettes, ou des marionnettes… Ces deux dévotions ont eu pour institutrices deux filles fanatiques de la plus haute extravagance… Marie des Vallées et… Marie Alacoque. »

Le 3 juin, publication de la Lettre pastorale de Mgr Scipion de Ricci (1741-1810), évêque de Pistoie, opuscule de 23 pages qui résume l'ouvrage de Camille Blasi paru en 1771.

1786 : Du 18 au 28 septembre, synode janséniste de Pistoie, qui se déroule sous la direction de l'évêque Scipion de Ricci. Les théologiens Vincenzo Palmieri et Pietro Tamburini en rédigent les décrets, et les Actes du synode sont publiés en 1788, et diffusés dans toute l'Europe. En France, les prêtres Bellegarde, Maultrot, Clément se rallient au synode.

1794 : Le 28 août, publication de la Bulle Auctorem fidei de Pie VI (rédigée par le cardinal Gerdil), qui reprend 85 propositions des Constitutions synodales, en condamne 7 comme hérétiques, et rejettent les autres pour d'autres motifs de censure.

1797 : Publication à Paris d'une Instruction catholique sur la dévotion au Sacré-Cœur, reprise d'un sermon particulièrement virulent du curé constitutionnel de Saint-Paul, Pierre Brugière. Le culte du Sacré-Cœur y est présenté comme une "dévotion anti-chrétienne, enfantée par l'erreur et propagée à l'ombre de révélations aussi impies qu'extravagantes, dévotion bizarre qui, divisant le corps de Jésus-Christ, ne se contente pas de renouveler l'impiété de Nestorius, d'Arius et de Sabellius, mais qui mène au matérialisme, à l'idolâtrie, en proposant l'adoration, au culte de latrie, une portion de matière".

1807 : Publication de l'Histoire critique des dévotions nouvelles au Sacré-Cœur de Jésus et au Cœur de Marie d'Henri Grégoire, janséniste, ancien évêque constitutionnel de Blois. L'auteur y rassemble avec précision les arguments essentiels avancés au XVIII° siècle contre la dévotion au Sacré-Cœur.

1822 : Suite au mandement de l'archevêque de Paris Mgr de Quélen qui rend la fête du Sacré-Cœur obligatoire pour tout le diocèse, publication de Des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, avec quelques observations sur la nouvelle édition du Bréviaire de Paris de l'ancien Grand Vicaire de Limoges, Mathieu-Mathurin Tabaraud. Mais ces deux dernières parutions n'obtiendront que peu de succès, les violentes oppositions du XVIII° s'étant éteintes avec le siècle.

1837-1838 : Sainte-Beuve (1804-1869) donne à Lausanne une série de cours sur l'histoire de Port-Royal, qui seront complétés et publiés en 6 volumes de 1840 à 1859 sous le titre de Port-Royal, vaste fresque historique sur la société française au XVII° siècle.



Le Sacré-Coeur de Jésus - Deux mille ans de Miséricorde
Le Sacré-Coeur de Jésus
Deux mille ans de Miséricorde


Le recueil qui est reproduit dans les pages de ce dossier avait trouvé un éditeur, Téqui, en juin 2008.

Une version considérablement enrichie, et actualisée jusqu'en juin 2019, est disponible à la vente chez le même éditeur depuis le 4 décembre 2019, en ligne sur son site internet ICI.

Merci de faire connaître autour de vous la nouvelle version de ce travail, augmentée de plus de 200 pages par rapport à la première édition.

« Les personnes qui propageront cette dévotion, auront leur nom inscrit dans mon Cœur, et il ne sera jamais effacé. »
(11ème promesse du Sacré-Coeur à sainte Marguerite-Marie)