La dévotion au Sacré-Coeur de Jésus

Biographies - Hagiographies




5. Essor de la dévotion : 1690 à 1789

Jean Croiset (1656-1738)
Joseph-François de Gallifet (1663-1749)
Jean-Joseph Languet de Gergy (1677-1753)
Anne-Madeleine Remuzat (1696-1730)
Henri-François-Xavier De Belsunce De Castelmoron (1671-1755)
Léonard de Port-Maurice (1676-1751)
Bernardo Francisco Hoyos (1711-1735)


Jean Croiset

Né à Marseille, le 28 août 1656
Mort en 1738
Jésuite, propagateur de la dévotion au Sacré-Cœur
Entré au noviciat de la Compagnie de Jésus à Avignon le 16 décembre 1677, il s'y fait remarquer pour sa "tendre et solide piété". Il enseigne ensuite à Vesoul, Nîmes, Avignon, Rouen et Carpentras. C'est à Lyon qu'il poursuit ses études théologiques, où il devient le jeune confrère du Père de La Colombière. Dès le 14 avril 1689 - et peut-être déjà avant cette date - il correspond avec Marguerite-Marie, qui l'appelle "son frère très cher au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur", et l'encourage à travailler à l'essor de la dévotion : "Si vous saviez l'ardent désir qui me presse qu'il soit connu, aimé et glorifié, vous ne refuseriez pas de vous employer à cela, comme, si je ne me trompe, je pense qu'il le veut de vous, et que, lorsqu'il vous en donnera le loisir et le mouvement, vous emploierez vos écrits pour un si digne sujet. […] Et sachez que s'il ne vous avait pas choisi pour lui rendre l'honneur et la gloire qu'il attend de vous pour l'ouvrage auquel vous travaillez, il ne m'aurait jamais été permis, quelque effort que je me fusse fait, de vous parler si confidemment…". En avril ou mai 1689, contacté par Horace Molin, célèbre libraire lyonnais, il remanie l'opuscule de la sœur Joly paru la même année, et y adjoint un extrait des Exercices de son prédécesseur. La première édition est épuisée dès le 19 juin, et la brochure atteint dès le mois d'août la 3° édition. Sa correspondance avec Marguerite-Marie s'intensifie à compter de cette période, et ils réfléchissent ensemble aux moyens à mettre en œuvre pour que les messages reçus à Paray-le-Monial soient concrétisés. Ces longues lettres constituent le célèbre Manuscrit d'Avignon. En décembre 1689, accompagné du Père de Villette, il se rend à Paray pour rencontrer la religieuse qu'il n'a jamais vue encore. Et c'est plein d'une ardeur nouvelle qu'il rentre à Lyon pour se remettre au travail. Ordonné prêtre sur la fin du carême de 1690, il célèbre sa première Messe le jeudi saint, 23 mars. Après la mort de Marguerite-Marie en 1691, le Père Croiset fait imprimer à Lyon chez le libraire Molin un ouvrage portant un titre semblable à celui publié à Dijon deux ans auparavant par la sœur Joly : La Dévotion au Sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui contient en appendice la Vie abrégée de Sœur Marguerite-Marie. La première impression est achevée le 20 juin, rapidement suivie de beaucoup d'autres (on compte au moins 13 éditions entre 1694 et 1704). Mais à cette époque, partisans et adversaires de cette dévotion s'affrontent, jusqu'au sein de la Compagnie de Jésus. Le Père Thyrse Gonzáles, Général de la Compagnie, se montre lui aussi méfiant à l'égard de ces "opinions singulières", et défend au Père Croiset d'organiser la Confrérie du Sacré-Cœur, ainsi que la Communion réparatrice des premiers vendredis. Suite à la nomination d'un nouveau Provincial en 1694, le Père Croiset est destitué de son professorat à Lyon, éloigné du collège et envoyé à Arles (1695). Il doit à l'appui de l'ancien Provincial et à quelques collègues qui le soutiennent d'être réhabilité, mais les réserves posées quant à son action envers la dévotion demeurent. Le 11 mars 1704, son livre (dans l'édition de 1694) pourtant approuvé par le Père Billet, provincial de Lyon, est mis à l'index, non pour le contenu, mais pour l'omission de certaines formalités. Il n'en continue pas moins d'être réimprimé. Le décret ne sera annulé que le 24 août 1887. Le Père Croiset poursuit sa mission, autant que faire se peut, toute entière consacrée au développement de cette dévotion. Il ne revient à Lyon qu'en 1719, où il mourra en 1738. Il fut un théologien réputé, mais parfois contesté, de la dévotion au Sacré-Cœur. L'idée centrale de sa théologie est que le culte rendu au Cœur de Jésus est le culte de l'amour.

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Joseph-François de Gallifet

Né à Aix, le 3 mai 1663
Mort à Rome, le 31 août 1749
Il entre à la Compagnie de Jésus le 17 septembre 1678. En octobre 1679, le Père Claude de La Colombière est nommé Père spirituel des jeunes étudiants de la Compagnie au collège de la Trinité de Lyon. C'est là que Joseph de Gallifet fait sa connaissance, et dès l'année suivante, le Père de La Colombière devient son directeur spirituel. Le Père de Gallifet écrira plus tard : "L'an 1680, au sortir de mon noviciat, j'eus le bonheur de tomber sous la conduite spirituelle du R.P. Claude de La Colombière… C'est de ce Serviteur de Dieu que je reçus les premières instructions touchant la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus-Christ, et je commençai dès lors à l'estimer et à m'y affectionner". Dix années plus tard, guéri d'une terrible maladie, il s'engage à la suite du Père Croiset à faire connaître le Sacré-Cœur. D'abord recteur à Vesoul vers 1699, puis à Lyon dans diverses maisons, en 1719 à Besançon (où il érige une chapelle au Sacré-Cœur), il est nommé Provincial de la province de Lyon, avant d'être appelé en 1723 à Rome pour y exercer la charge d'assistant du Supérieur général de la Compagnie. Il y agit en faveur de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, et y fait connaître le Message de Marguerite-Marie. En 1726, il écrit un ouvrage en latin, non dénué d'inexactitudes (il y présente le cœur humain comme étant l'organe central et le siège de la vie affective), De cultu Sacrosancti Cordis Dei ac Domini nostri Jesu Christi, qui demeure "le premier ouvrage qui traite doctrinalement et à fond de la dévotion au Sacré-Cœur. Théologie, philosophie, histoire, l'auteur n'a rien négligé pour faire de son étude un travail définitif" (A. Hamon, Histoire de la dévotion au Sacré-Cœur). Cette première édition est dédiée au pape Benoît XIII. Suit une édition espagnole, sous les auspices de Philippe V, et la traduction française est publiée en 1733 sous le titre
De l'excellence de la dévotion au Cœur adorable de Jésus-Christ. Une nouvelle édition en Italie est dédiée au pape Benoît XIV, et une seconde édition française (Nancy, 1745), paraît sous la protection de la reine de Pologne. Mais sans doute du fait des approximations contenues dans cet ouvrage (il avait écrit par exemple : L'objet matériel de la dévotion au Cœur de Jésus, ou la chose qu'on se propose d'honorer, est le Cœur de Jésus, sans aucune relation spéciale au reste du corps - nulla corporis habita peculiari relatione), les demandes qu'il dépose à Rome auprès de Benoît XIII en vue de la reconnaissance d'une fête du Sacré-Cœur obtiendront toutes une réponse négative (1726-1729). Le Memoriale rédigé par les évêques polonais, qui décidera en 1765 de la publication du décret de la S. Congrégation des Rites instituant enfin la fête demandée, s'en inspirera largement, en reproduisant même littéralement certains passages. Le Père de Gallifet meurt en 1749, et son supérieur écrit alors à son sujet : "Ayant toujours vécu en saint, il mourait de même".

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Jean-Joseph Languet de Gergy

Né à Dijon en 1677
Mort à Sens en 1753
Archevêque de Sens
Après avoir dirigé la maison de Navarre, où il se lie avec Bossuet, il devient vicaire général d'Autun, dont dépend la paroisse de Paray-le-Monial. Il est alors chargé d'enquêter sur les miracles qui se sont produits autour de la tombe de Marguerite-Marie. C'est à cette époque que la Sœur de Farges (auteur avec la Sœur Verchère de la première vie de la sainte, dite des Contemporaines) lui demande instamment de procéder à l'écriture d'une biographie complète de son ancienne Maîtresse. Devenu entre-temps évêque de Soissons (1715), il publie en 1729 La Vie de la vénérable Marguerite-Marie Alacoque, ouvrage qu'il dédie à la reine Marie Leczinska. Mgr Languet s'étant montré zélé défenseur de la Bulle Unigenitus, la publication de son livre déclenche immédiatement une réaction des Jansénistes. Nommé archevêque de Sens en 1730, il adresse à l'ensemble de son diocèse dix ans plus tard une Instruction pastorale sur le Sacré-Cœur, ce qui lui vaut de nouveaux démêlés avec le jansénisme. Entré à l’Académie française en 1721, il est nommé conseiller d’état en 1747. Il meurt dans son diocèse à Sens en 1753.
Il est l'auteur d'un grand nombre d’ouvrages de théologie, d’histoire et de controverse, parmi lesquels Du véritable esprit de l’Eglise dans l’usage de ses cérémonies (1714), Traité de la confiance en Dieu (1718), Recueils d’écrits polémiques (1752). Ce dernier livre fut condamné par le Parlement comme opposé à ce qu’on appelait alors les "libertés gallicanes". La bibliothèque de Sens conserve aujourd'hui de lui une cinquantaine de volumes de Mélanges.

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Anne-Madeleine Remuzat

Née à Marseille, le 29 novembre 1696
Morte à Marseille, le 15 février 1730
Religieuse visitandine, propagatrice de la dévotion au Sacré-Cœur.
Née au sein d'une famille très pieuse de négociants, baptisée le jour même de sa naissance, elle manifeste très tôt son désir de devenir religieuse. A l'âge de huit ans, elle demande à ses parents de la conduire au couvent de Sainte-Claire, communauté religieuse où les enfants sont admis selon la règle du Tiers Ordre. Après un premier refus, et devant les demandes renouvelées de l'enfant, ils acceptent en 1705 de la faire entrer pour quelques temps au second monastère de la Visitation - fondé en 1652 par la Mère Jeanne-Marie Cormier qui avait eu précédemment une vision du Sacré-Cœur embrasé d'amour - et où se trouve déjà une parente. Madeleine y fait sa première communion l'année suivante, et se trouve dès ces jeunes années comblée de faveurs spirituelles. En 1708, le Christ l'ayant appelée à la fidélité puis à devenir sa "victime", elle entame une première période de renoncement et de mortifications, en même temps que les visites du Sauveur deviennent plus fréquentes et plus intimes. Mais elle connaît l'épreuve de la nuit spirituelle, et profite d'une visite de son père au monastère pour lui demander à retourner dans sa famille (1709). Elle se met alors sous la direction spirituelle du Père Claude-François Milley S.J., et prend une part active aux diverses œuvres de charité de la ville. Sa vocation religieuse ne tarde pas à refaire surface, et elle entre comme postulante au premier monastère de la Visitation le 2 octobre 1711. Dans ce monastère fondé en 1623, se trouvait depuis 1691 un oratoire du Cœur de Jésus, remplacé en 1696 par une chapelle dédiée au Sacré-Cœur. Le 14 janvier 1712, elle prend le voile de novice, au cours d'une cérémonie présidée par Mgr de Belsunce, qui la nomme Anne-Madeleine. Le 14 août, sa sœur Anne la rejoint au monastère, où elle reçoit le voile trois mois plus tard sous le nom d'Anne-Victoire (†1760). Anne-Madeleine prononce ses vœux le 23 janvier 1713.
Le 17 octobre 1713 - au jour anniversaire de la mort de Marguerite-Marie Alacoque - le Christ lui donne mission de travailler à la gloire de son Cœur divin. Commence pour elle une nouvelle période de souffrances et de prières. Apôtre et victime, elle est aussi médiatrice, agissant pour le salut des pécheurs. La foule vient la consulter au monastère, et Mgr de Belsunce est du nombre. En 1716, il lui est donné de voir au cours d'une extase la sainte Trinité. L'année suivante, encouragée dans son projet par Mgr de Belsunce, elle rédige les statuts de l'Association de l'Adoration perpétuelle du Sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ qu'elle projette de fonder. Le 30 mars 1718, avec l'approbation de l'évêque, les règlements et exercices sont imprimés, et l'Association voit le jour au mois d'avril. Les inscriptions se comptent rapidement par milliers, et un grand nombre de monastères de la Visitation font ériger l'Association dans leurs églises. Cette même année, alors que les doctrines jansénistes se répandent à Marseille, pendant les Quarante-Heures avant le Carême, le Christ apparaît miraculeusement dans le Saint-Sacrement exposé dans l'église des Pères Cordeliers de l'Observance, devant la foule rassemblée pour la prière. Anne-Madeleine Remuzat en est prévenue par voie surnaturelle, et elle reçoit l'avertissement d'un châtiment à venir, si la ville ne se rend pas à sa miséricorde. Elle s'en confie au P. Milley, son directeur spirituel, qui transmet le message à Mgr de Belsunce. En mai 1719, la nouvelle supérieure du monastère, la Mère Françoise-Bénigne d'Orlyé de Saint-Innocent (†1738) nomme Anne-Madeleine surveillante de la communauté. Ses souffrances s'accentuent encore, pour ne plus la quitter. La peste se déclare à Marseille en juillet 1720. En octobre, alors qu'elle est en prière, le Christ lui fait entendre que c'est à la faveur de ce fléau qu'elle verra se réaliser l'institution d'une fête en l'honneur de son Cœur sacré, et il lui en précise les conditions quelques jours plus tard (le 17 ?). Ce message est aussitôt transmis à Mgr de Belsunce, qui publie le 22 une ordonnance par laquelle il établit la fête du Sacré-Cœur dans son diocèse. Le 1° novembre suivant, il consacre solennellement la ville et le diocèse au Sacré-Cœur de Jésus. La peste semble disparaître, mais revient en 1722, et ce n'est qu'après que les Echevins de la ville aient fait vœu de participer tous les ans à cette fête (cf. Mgr de Belsunce) que le fléau disparaît définitivement. Dévoué sans relâche auprès des pestiférés, le Père Milley meurt au cours de l'épidémie.
Le Père Milley n'est pas remplacé auprès d'Anne-Madeleine, mais suivant les conseils de Mgr de Belsunce, elle entreprend une correspondance suivie avec le Père Girard, qui assure ainsi sa direction. Au cours de sa retraite de 1723, elle est favorisée d'une nouvelle vision de la Sainte Trinité. Elle écrit à cette époque "Mon état est mêlé de souffrances et de jouissances ; tandis que le dehors de l'âme est livré à la douleur et au délaissement, le plus intime est toujours uni à Dieu, par l'opération de Dieu même". En 1724, elle reçoit l'empreinte des stigmates de la Passion, dont elle demande que les marques restent invisibles. En mai 1725, la Mère Nogaret (†1731), ancienne supérieure du monastère, reprend sa charge en remplacement de la Mère de Saint-Innocent. Anne-Madeleine poursuit son apostolat auprès des personnes dont l'état de conscience lui est montré par voie surnaturelle, qu'elle contacte par l'intermédiaire des prêtres. Priant et souffrant pour les pécheurs, elle est toujours favorisée d'extases et de faveurs spirituelles. En mai 1728, la Mère Nogaret la nomme économe du monastère. Elle tombe gravement malade fin janvier 1730, et meurt en odeur de sainteté le 15 février de la même année. Mgr de Belsunce procède à l'inhumation. De nombreux miracles lui ont été depuis attribués.
Elle est considérée comme le successeur de sainte Marguerite-Marie, et appelée à ce titre l'apôtre du Sacré-Cœur. L’Eglise l'a déclarée vénérable. Sa cause de béatification a été introduite le 24 décembre 1891, puis reprise en 1921. Elle n'a guère progressé depuis.

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Henri-François-Xavier De Belsunce De Castelmoron

Né au Château de la Force, en Périgord, le 21 décembre 1671
Mort à Marseille, le 4 juin 1755
Prélat français, évêque de Marseille
Descendant d'une des familles les plus illustres de la Navarre, fils du marquis de Belsunce et d'Anne de Caumont-Lauzun (et donc neveu du duc de Lauzun - 1623-1733), il est élevé dans la religion réformée jusqu'à l'âge de douze ans, âge auquel il choisit la religion catholique. Après de brillantes études au collège Louis-le-Grand (tenu par les Jésuites), il entre dans un premier temps dans la Compagnie de Jésus. Mais sa santé l'oblige à modifier ce choix, et il opte alors pour le clergé séculier. Ordonné prêtre, il est bientôt nommé commendataire de l'abbaye de la Réole, puis grand vicaire de Mgr Hébert, évêque d'Agen. En 1709, Louis XIV le nomme à la succession de Bernard de Poudenx, l'évêque de Marseille qui vient de décéder. Il est reçu dans la ville le 24 octobre 1710. Il s'y lie avec le Père Milley, directeur spirituel d'Anne-Madeleine Remuzat, et c'est lui qui donne son accord pour l'entrée d'Anne-Madeleine au second monastère de la Visitation. Il se montre, en sa qualité d'évêque, adversaire des jansénistes, qu’il ne cesse de combattre dans ses mandements. Dès 1714, il publie dans son diocèse la lettre de l'Assemblée du clergé en faveur de la Bulle Unigenitus. Par un mandement du 28 avril 1718, il prescrit l'acceptation de la Bulle, et le 28 octobre, il adresse une lettre pastorale à quelques prêtres et ecclésiastiques de Marseille soupçonnés d'avoir secrètement adhéré à l'appel interjeté de la Constitution Unigenitus. Il dénonce au Saint-Siège l’évêque de Montpellier Mgr Colbert, un des appelants connus de la Bulle. Il montre également son opposition aux écrits du P. Le Courrayer, de l'Oratoire.
Mais il est surtout connu pour sa conduite au cours de la peste qui sévit à Marseille en 1720 et 1722. En 1718, alors que les doctrines jansénistes se répandent dans la ville, pendant les Quarante-Heures avant le Carême, le Christ apparaît miraculeusement dans le Saint-Sacrement exposé à l'église des Pères Cordeliers de l'Observance, devant la foule rassemblée pour la prière. Anne-Madeleine Remuzat en est prévenue par voie surnaturelle, et elle reçoit l'avertissement d'un châtiment à venir, si la ville ne se rend pas à sa miséricorde. Elle s'en confie au P. Milley, son directeur spirituel, qui transmet le message à Mgr de Belsunce. Celui-ci est le premier à s'inscrire à l'Association qu'Anne-Madeleine vient de créer, et dont il a approuvé les statuts. Le 25 mai 1720 accoste à Marseille un navire porteur du virus de la peste. En juillet, la nature de l'épidémie qui commence à toucher la ville est reconnue. Le 15 juillet, Mgr de Belsunce publie une ordonnance prescrivant au clergé et aux communautés religieuses de son diocèse des prières pour obtenir de Dieu qu'il veuille bien guérir et conserver son peuple. Le 29, il réunit les membres du clergé pour les encourager à porter les secours spirituels aux pestiférés. Le 30, il prescrit de nouvelles prières et un jeûne de trois jours. Le lendemain, un cordon sanitaire est établi autour de Marseille. Il y meurt plusieurs centaines de personnes par jour. Mgr de Belsunce se dévoue auprès de la population, célèbre des offices, administre les sacrements. En octobre, Clément XI lui-même fait parvenir à Marseille un navire chargé de froment, après avoir adressé à l'évêque un bref élogieux sur sa conduite. Averti par Anne-Madeleine Remuzat de ce qu'il doit accomplir pour la cessation du fléau, Mgr de Belsunce publie le 22 octobre une ordonnance par laquelle il établit la fête du Sacré-Cœur dans son diocèse. Le 1° novembre, il se rend en procession dans la ville, lit une amende honorable et consacre Marseille et l'ensemble du diocèse au Sacré Cœur de Jésus, avant de célébrer l'Eucharistie. Les Echevins refusent de participer à la célébration. Dès ces deux cérémonies, le fléau décroît et la peste recule. Elle aura fait 40.000 morts dans la ville. Le 20 juin 1721, le diocèse de Marseille célèbre pour la première fois la fête du Sacré Cœur de Jésus. Mais dès le mois d'octobre, Mgr de Belsunce signale dans un mandement les erreurs dans lesquelles sont retombés les habitants de Marseille. Le jansénisme refait surface. Dès le 26 mars, Mgr de Belsunce organise une nouvelle procession dans la ville. En avril 1722, la peste reparaît. Des messes sont alors dites en plein air. Le 28 mai, l'évêque de Marseille ordonne par mandement un jeûne général, accompagné de prières. Il appelle les Echevins à un vœu envers le divin Cœur du Sauveur, pour qu'ils s'engagent à se rendre tous les ans pour la fête du Sacré Cœur écouter la Messe dans l'église du premier monastère de la Visitation et à y communier, et assister à la procession générale d'action de grâces du même jour. Les Echevins se rendent aussitôt à son appel, et formulent solennellement ce vœu le 4 juin. Le 12 juin, ils se rendent au monastère de la Visitation, où l'évêque célèbre l'Eucharistie. La peste décroît et disparaît en quelques jours. La délivrance est cette fois définitive, et jamais la peste ne reparaîtra à Marseille, même dans les années où les abords immédiats de la ville seront touchés à nouveau par le fléau.
En 1725, il adresse à Benoît XIII une supplique signée des principaux membres de son clergé, en vue d'obtenir l'approbation d'un Office et d'une Messe propre pour la fête du Sacré Cœur. L'année suivante, il est Postulateur de la cause de la dévotion devant la Congrégation des Rites, avec l'évêque de Cracovie, les rois d'Espagne et de Pologne et tout l'Ordre de la Visitation.
En 1727, après avoir demandé conseil à Anne-Madeleine Remuzat, il participe au Concile d'Embrun, relatif aux prises de position de Mgr Jean Soanen, évêque de Senez, appelant de la Bulle Unigenitus. Le 23 février 1737, il bénit la première pierre d'une église édifiée par les Prêtres du Sacré-Cœur - Institut fondé en 1728 à Marseille par les Pères Denis Truilhard et Boniface Dandrade (†1762) - qui sera l'une des toutes premières dédiée au Sacré-Cœur de Jésus. L'édifice achevé le 23 octobre 1738, il le consacre avec le grand autel au Sacré-Cœur et y célèbre une messe solennelle. Puis le 10 février 1739, il y érige une Confrérie du Sacré-Cœur, se plaçant lui-même en tête de la liste des confrères. Enfin, le 31 mai, il autorise le transfert des Congrégations dirigées par les Pères dans leur nouvelle église, et en approuve le règlement. Il érigera l'œuvre en séminaire le 22 avril 1749. Les dernières années de sa vie seront ainsi tout entières vouées à ces deux tâches qui lui tiennent particulièrement à cœur : la défense de l'Eglise et la propagation du culte du Sacré Cœur. Il meurt à Marseille en 1755.

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Paul Jérôme Casanova, dit Léonard de Port-Maurice

Né à Port-Maurice, près de Gênes, en 1676
Mort à Rome, en 1751
Né à Port-Maurice, dans la Riviera italienne, il étudie à Rome, à l'université Grégorienne, où il entre en relation avec les Oratoriens. En 1697, il entre chez les Mineurs Observantins Récollets, branche austère de l'ordre Franciscain, au couvent Saint-Bonaventure sur le Palatin, et prend le nom de Léonard. Il y est ordonné prêtre. En 1710, il commence à prêcher des missions en Toscane. De 1716 à 1730, il se retire du monde avec sept frères. Il écrit alors à Clément XI : "Le monde s'écroule sous le poids de ses crimes. L'honneur de Dieu, foulé aux pieds par la malice des hommes, exige une réparation. La pénitence volontaire des religieux peut seule la lui fournir". En 1730, il s'installe à Rome, au couvent de Saint-Bonaventure. Il associe la dévotion au Sacré-Cœur, dont il est un propagateur zélé, à la pratique de la Via Crucis, du chemin de la croix. Durant toutes ces années, il parcourt l'Italie en prêchant, et en plantant d'innombrables chemins de croix (on en a dénombré jusqu'à 572), le plus célèbre étant sans doute celui qu'il établit dans le Colisée, resté jusqu'à nos jours l'un des centres de piété les plus populaires de Rome. Son autorité est si bien reconnue dans toute l'Italie que des évêques, et Benoît XIV en personne, viennent frapper à la porte de sa cellule. Il ne quitte sa colline que pour partir pour de nouvelles missions, en Toscane, en Ligurie, en Romagne, et même en Corse, où il établit le chemin de croix dans 200 églises, et y convertit le fameux bandit Lupo d'Isolaccio en 1744. Rappelé à Rome par Benoît XIV en 1751, il meurt la nuit qui suit son arrivée au couvent Saint-Bonaventure. Béatifié en 1796, il a été canonisé par Pie IX en 1867. Pie XI l'a proclamé en 1923 patron des missionnaires "à l'intérieur de l'Eglise".

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Bernardo Francisco Hoyos

Né à Torrelobaton, près de Valladollid, en Espagne, le 21 août 1711
Mort à Valladollid, le 29 novembre 1735
Il fait ses études primaires dans son village natal, avant d'être envoyé en octobre 1721 au collège Jésuite de Medina del Campo, pour y apprendre les lettres classiques. L'année suivante, il suit les cours du collège de Villagarciá de Campos. En 1725, il manifeste son désir d'entrer dans la Compagnie de Jésus, mais il essuie un refus de son père, qui meurt le 25 avril de la même année. Il réitère alors sa demande, et grâce à l'appui de son parent le Père Félix Vargas, il y est admis le 11 juillet 1726. Cette année voit le début des grâces extraordinaires dont sera favorisé Bernardo jusqu'à sa mort, visions, locutions intérieures, communion aux souffrances du Sauveur. Il prononce ses vœux le 12 juillet 1728, et étudie la philosophie à Medina del Campo. En 1730, il a une première vision du Cœur de Jésus, alors qu'il ignore encore le culte qui lui est rendu en France. Au mois d'août, il reçoit la grâce des fiançailles spirituelles. En 1731, il étudie la théologie au collège Saint-Ambroise. En 1733, il découvre le culte rendu au Cœur de Jésus dans le livre du Père de Gallifet, et s'engage devant le Saint Sacrement à travailler de toutes ses forces à l'extension de ce culte. Une de ses prières les plus fréquente devient : "Cœur de Jésus, harpe mélodieuse, en qui se complaît la bienheureuse Trinité, enflammez-moi du divin amour dont vous brûlez !" Le 14 mai, jour de l'Ascension, il demande au cours d'une vision à Jésus que ce culte se répande en Espagne. Un voix céleste lui répond : "Le Cœur de Jésus règnera en Espagne, et y sera entouré d'une plus grande vénération que partout ailleurs". A la demande de Bernardo, le Père Juan de Loyola rédige un livre destiné à promouvoir le culte du Sacré-Cœur en Espagne. L'ouvrage est imprimé à Valladollid la fin de l'année 1734, et porte pour titre Le trésor caché dans le Sacré Cœur de Jésus révélé à l'Espagne en un bref exposé de son culte très doux déjà répandu dans plusieurs régions de la chrétienté. Une Neuvaine en l'honneur du Cœur de Jésus est tirée à part, plusieurs fois corrigée, et envoyé dans toute l'Espagne. Bernardo lui-même se charge d'une grande partie de ces envois. Le 2 janvier 1735, il est ordonné prêtre, avec une dispense d'âge (il n'a alors que 23 ans), par l'évêque de Valladollid. En juin, il fait célébrer solennellement la première Neuvaine publique au collège Saint-Ambroise de Valladollid, dans la chapelle des congrégations. En août 1735, il est nommé au collège Saint-Ignace. Le 17 octobre (jour anniversaire de la mort de Marguerite-Marie Alacoque), il reçoit confirmation de sa mission, qui est de répandre le culte du Sacré-Cœur. Touché par la typhoïde en novembre, il meurt quelques jours plus tard, le 29 novembre 1735.
Notons ici que le P. Augustin Cardaveraz (1703-1770), également apôtre du Cœur de Jésus en Espagne, eut le même directeur que le P. de Hoyos : le P. Pierre de Calatayud (†1773), qui érigea lui-même dans ce pays plus de 400 confréries en l'honneur du Sacré-Cœur.

Suite...


Le Sacré-Coeur de Jésus - Deux mille ans de Miséricorde
Le Sacré-Coeur de Jésus
Deux mille ans de Miséricorde


Le recueil qui est reproduit dans les pages de ce dossier avait trouvé un éditeur, Téqui, en juin 2008.

Une version considérablement enrichie, et actualisée jusqu'en juin 2019, est disponible à la vente chez le même éditeur depuis le 4 décembre 2019, en ligne sur son site internet ICI.

Merci de faire connaître autour de vous la nouvelle version de ce travail, augmentée de plus de 200 pages par rapport à la première édition.

« Les personnes qui propageront cette dévotion, auront leur nom inscrit dans mon Cœur, et il ne sera jamais effacé. »
(11ème promesse du Sacré-Coeur à sainte Marguerite-Marie)